Le 17 novembre 2020
- Karine Fleury
On ressent toute la sensibilité de la cinéaste acadienne Renée Blanchar dans son nouveau documentaire. (Photo : Julie D’Amour Léger)
«L’Acadie, territoire hors de la cartographie officielle. Circonscrit, dans nos cœurs. Nous avons des voix magnifiques, nous chantons sur toutes les scènes du monde, mais nous sommes faits de silence. […] Le silence de survivance des ancêtres, revenu s’accrocher à des bouts de terre, après notre déportation. Le silence d’un peuple désormais minoritaire, noyé dans une mer anglophone. Le silence soumis de nos grandes familles catholiques pratiquantes […]».
C’est par ces mots éloquents que commence le film Le silence, de la réalisatrice acadienne Renée Blanchar. Il a été présenté en ouverture de la 34e édition du Festival international du cinéma francophone en Acadie (FICFA), le 12 novembre dernier.
Il y a vingt-cinq ans de ça, la réalisatrice présentait son premier film d’auteur, Vocation ménagère. Le documentaire de 51 minutes suivait la réalité de femmes ménagères dans un presbytère. Pendant plusieurs mois, elle a côtoyé le curé Yvon Arsenault. En 2017, celui-ci a été condamné à quatre ans de prison pour agressions sexuelles sur des mineurs entre 1971 et 1980. Une nouvelle qui a ébranlé Renée Blanchar et qui l’a fait se questionner sur la suite des choses. «Je me sentais comme obligée de le faire, ce film-là [Le Silence]. Ce n’est pas un sujet facile. Personne ne se lève un matin en se disant : “Je vais faire un film sur la question des abus sexuels dans l’Église catholique”», a-t-elle expliqué.
Une balance entre la force et la vulnérabilité
La cinéaste s’est plongée dans le cas du prêtre Camille Léger. C’est après la mort de celui-ci, en 1990, que les victimes ont commencé à sortir de l’ombre pour dénoncer les abus vécus. Le prêtre était considéré pour beaucoup comme étant un tyran qui détenait un large pouvoir sur la communauté de Cap-Pelé, au Nouveau-Brunswick. Renée Blanchar est non seulement allée à la rencontre des survivants de Camille Léger, mais aussi du prêtre Levi Noël, qui a sévi dans la Péninsule acadienne de 1958 à 1981.
Le film permet de suivre la cinéaste au fil de ses découvertes et de ressentir avec elle toute l’ampleur du drame. Par moment difficile à entendre, les témoignages des victimes sont la clé même du documentaire. C’est à travers ces témoignages que l’on ressent la force de ces hommes, mais aussi leur très grande vulnérabilité. La vulnérabilité d’une enfance volée.
À travers le processus, Renée Blanchar a mentionné qu’elle s’est peu à peu politisée sur le sujet. Elle espère que son documentaire ouvrira les soupapes du dialogue dans les communautés acadiennes, au Nouveau-Brunswick comme ailleurs, mais qu’il fera aussi bouger les choses sur le plan juridique.
Concernant la diffusion à l’Île-du-Prince-Édouard, il n’y a pas encore de dates de prévues. L’Office national du film du Canada (ONF) travaille à l’heure actuelle à rendre disponible Le silence dans les différentes communautés.
Le documentaire Le Silence traite des abus sexuels perpétré par des prêtres catholiques sur des mineurs acadiens. (Photo : Gracieuseté)
En 2012, le conseil municipal de Cap-Pelé à changé le nom de l’aréna Père-Camille-Léger en soutenant que les victimes avaient assez souffert. (Photo : Gracieuseté)