AquaBounty ne produira plus de saumon de l’Atlantique génétiquement modifié. L’entreprise américaine a définitivement fermé ses portes en décembre dernier à cause de problèmes financiers et de défis de production. Ses activités suscitaient de nombreuses inquiétudes liées aux conséquences sur l’environnement et la santé humaine.
«AquaBounty a fait face à pas mal de problèmes financiers. Leurs activités n’étaient pas rentables, ils n’ont pas réussi à augmenter leur production et à baisser leurs coûts», observe le chercheur en aquaculture à l’Université Memorial de Terre-Neuve, Cyr Couturier.
Le 11 décembre dernier, l’entreprise AquaBounty, qui produisait des saumons de l’Atlantique génétiquement modifiés à l’Île-du-Prince-Édouard, a annoncé qu’elle mettait fin à toutes ses activités dans la province. Quelque 25 employés ont été licenciés.
Selon la compagnie, basée dans l’État américain du Massachusetts, ses efforts de restructuration depuis plus d’un an n’ont pas généré suffisamment de liquidités pour maintenir ses installations.
AquaBounty avait déjà fermé et mis en vente son exploitation d’œufs de saumons génétiquement modifiés à Rollo Bay, dans l’est de l’Île.
«L’entreprise était maintenue sous respirateur artificiel par la province et le gouvernement fédéral depuis un certain temps», estime le coordonnateur de Vigilance OGM, Thibault Rehn.
«Les consommateurs ne voulaient pas de leurs saumons, ils devaient cacher où ils en vendaient et ne voulaient pas l’étiqueter», ajoute-t-il.
Hormone de croissance
D’après Cyr Couturier, AquaBounty était par ailleurs confrontée à des défis majeurs de production : «Leur élevage en bassin fermé ne fonctionnait pas correctement, la qualité n’était pas au rendez-vous et les poissons avaient des problèmes de santé.»
«Ils n’avaient pas fait suffisamment de tests au départ pour vérifier qu’une exploitation commerciale donnerait bien», poursuit l’universitaire.
Pour Thibault Rehn, le modèle d’affaires d’AquaBounty «était basé sur un mensonge» : «ils avaient dit que leur saumon génétiquement modifié grandissait plus vite, mais quand ils sont passés à une production industrielle, on s’est rendu compte que c’était faux.»
Le saumon de l’Atlantique transgénique a été créé dans les années 1980 par deux chercheurs de l’Université Memorial.
Les scientifiques ont modifié le gène qui code pour l’une des hormones de croissance du poisson. La modification a consisté à faire produire cette hormone tout au long de l’année, quelle que soit la température de l’eau. Ainsi, l’animal atteint la taille à laquelle il devient commercialisable au bout de 16 à 18 mois au lieu de trois ans.
«Le but était de réduire les coûts. Les éleveurs sauvent de l’argent en termes de nourriture, car le poisson arrive à maturité deux fois plus vite que ses congénères ordinaires», explique Cyr Couturier.
Après plus de vingt ans de recherche, Santé Canada a délivré, en 2016, une autorisation de commercialisation et de production, mais uniquement dans des élevages clos.
Risque de contamination de l’environnement
«Le ministère fédéral a accepté tout en reconnaissant les gros risques de contamination des poissons sauvages», rappelle Thibault Rehn.
Pour pallier toutes éventualités, AquaBounty avait stérilisé la grande majorité de ses femelles, «mais le taux d’efficacité n’était pas de 100%», souligne Thibault Rehn.
«Et on n’était pas à l’abri d’une erreur humaine ou d’un problème technique», complète-t-il.
Cyr Couturier reconnaît qu’il s’agit d’une «crainte justifiée» : «s’ils s’étaient échappés, ça aurait pu nuire aux spécimens sauvages, les deux espèces seraient rentrées en concurrence pour la nourriture.»
L’espèce génétiquement modifiée, «très vorace», aurait facilement pris le dessus.
Vigilance OGM s’inquiétait également des impacts sur la santé humaine. «Santé Canada a utilisé des données de l’industrie pour autoriser la mise sur le marché. Nous aurions aimé que ce soit basé sur des études de chercheurs indépendants», insiste Thibault Rehn.
En dépit de ces inquiétudes sur la santé et l’environnement, les avancées de la génétique ne semblent pas prêtes de s’arrêter. De nouvelles méthodes sont actuellement développées un peu partout dans le monde.
Les scientifiques sont désormais capables de couper ou d’enlever des gènes qui nuisent à la production des poissons en bassin, détaille Cyr Couturier.
À l’Île-du-Prince-Édouard, Thibault Rehn estime qu’AquaBounty ne reviendra pas : «Leur action en bourse est très faible, plus personne ne leur fait confiance.» Il anticipe même une faillite de l’entreprise au début de l’année 2025.
Le scientifique Cyr Couturier explique que le saumon de l’Atlantique génétiquement modifié a été créé par deux chercheurs de l’Université Memorial à Terre-Neuve. (Photo : Gracieuseté)