Santé
27 mars 2024 Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Elizabeth Randle, obstétricienne-gynécologue, est responsable de la première clinique de l’Atlantique, spécialisée dans l’endométriose, à Halifax.

L’endométriose concerne une femme menstruée sur dix, et pourtant, il n’existe toujours aucun traitement contre cette maladie. À l’Île-du-Prince-Édouard, les femmes vivent souvent un enfer avant d’avoir un diagnostic et de recevoir des soins. Une clinique spécialisée a ouvert à Halifax il y a trois ans, mais elle reste insuffisante pour répondre aux besoins. 

«Lorsque j’étais malade et que je ne savais pas ce qui se passait, la réaction des praticiens a souvent été, malheureusement, de me faire taire. Ils ne m’écoutaient pas, j’étais constamment incomprise», confie Lauren Rogerson.

Au secondaire, l’insulaire souffrait de douleurs aiguës au moment des règles, de douleurs pelviennes chroniques, de ballonnements, ou encore de nausées et de fatigue. Au fil des années, ces symptômes se sont aggravés, la contraignant à s’aliter presque tous les jours. 

«À l’île, beaucoup de médecins m’ont dit qu’il s’agissait d’un symptôme normal lié aux règles, que c’était peut-être dans ma tête, que j’avais besoin de dormir davantage. C’était très décourageant», raconte la jeune femme.

À l’époque, quand elle entend parler pour la première fois d’endométriose, elle partage sa découverte avec plusieurs médecins en leur demandant de réaliser des examens afin d’établir un diagnostic. Mais tous lui opposent une «fin de non-recevoir». 

En 2016, Lauren Rogerson se rend à l’hôpital IWK d’Halifax dans l’espoir d’obtenir des réponses. Peine perdue. 

En désespoir de cause, elle finit par consulter un gynécologue-obstétricien aux États-Unis. Un an plus tard, le diagnostic tombe, elle souffre d’une maladie apparentée à l’endométriose, le syndrome d’Allen et Masters. Elle subit une intervention chirurgicale aux États-Unis, qui marque la fin de son calvaire. 

Depuis, Lauren Rogerson est engagée au sein du Réseau de l’Endométriose du Canada pour sensibiliser à ces maladies dont «personne ne parle» et améliorer l’accès aux soins.

Cinq à vingt ans pour un diagnostic 

L’endométriose touche environ 10 % des femmes en âge de procréer. Elle se caractérise par des tissus semblables à l’endomètre, la muqueuse formée dans l’utérus durant le cycle menstruel, qui se créent dans d’autres parties du corps. Cela provoque des douleurs invalidantes.

Au Canada, il faut en moyenne cinq ans pour obtenir un diagnostic, mais cette errance médicale peut atteindre 20 ans. Et il n’existe toujours aucun traitement curatif. 

«L’endométriose est difficile à diagnostiquer et la recherche pour améliorer les tests, mieux connaître la maladie et la soigner est en retard, car sous-financée», confirme Elizabeth Randle.

L’obstétricienne-gynécologue est responsable de la première clinique de l’Atlantique, spécialisée dans l’endométriose. L’établissement a ouvert ses portes à Halifax en 2021. Environ 11 % des patientes viennent de l’Île-du-Prince-Édouard. 

Un physiothérapeute du plancher pelvien, un travailleur social, un anesthésiste, ainsi que deux gynécologues et une infirmière praticienne y travaillent. 

Lauren Rogerson salue cette approche interdisciplinaire, qui constitue, selon elle, un «excellent pas en avant» : «C’est la meilleure façon de gérer des douleurs chroniques qui touchent tous les aspects de la vie, dont la santé mentale.»

La clinique peine cependant à répondre à la demande. Il faut attendre 12 à 18 mois pour avoir un rendez-vous. 

«Nous sommes limités en termes de patients, car aucun d’entre nous ne consacre 100 % de son temps à la clinique, qui fonctionne seulement un jour par semaine. Et nous ne sommes pas assez financés», explique Elizabeth Randle.

Lauren Rogerson est bénévole au sein du Réseau de l’Endométriose du Canada. L’Insulaire a souffert durant son adolescence d’une maladie apparentée à l’endométriose, le syndrome d’Allen et Masters.

Améliorer la formation

Pour améliorer la prise en charge des malades, Lauren Rogerson appelle à une meilleure éducation de tous les professionnels de santé, en particulier des médecins de famille.

«Ce sont eux que les femmes voient en premier, ils doivent être capables de leur donner les bonnes informations et de bien les orienter. On doit lutter contre les idées fausses et les préjugés», insiste la bénévole. 

Elizabeth Randle reconnaît volontiers le manque de formation du corps médical : «Il y a un manque d’attention portée à la santé des femmes. Tous les gynécologues ne sont pas à l’aise pour traiter de la douleur chronique qui peut survenir avec l’endométriose.»

La docteure pointe également les obstacles financiers auxquels se heurtent les patientes : «Elles n’ont souvent pas les moyens d’accéder à des traitements hormonaux et à des médicaments couverts par les régimes d’assurance-médicaments.»

À l’Île-du-Prince-Édouard, le Women and gender diverse people’s health hub fournit désormais des ressources sur l’endométriose aux habitants. L’organisme prépare également une fiche d’information clinique à destination des professionnels de santé.

Au-delà des médecins, Lauren Rogerson insiste aussi sur l’importance de la sensibilisation dès le plus jeune âge, dans les écoles. En 2022, elle a collaboré avec des experts pour fournir des plans de cours sur l’endométriose à des classes de la 7e à la 12e année.  

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