Maintenir le programme de garderie à 10 dollars par jour, soutenir l’entrepreneuriat féminin, ou encore bonifier et pérenniser les financements fédéraux, quatre organismes francophones partagent leurs priorités en période d’élection fédérale. Ils sont conscients que la guerre commerciale mondiale sera la question de l’urne, mais ils comptent bien faire valoir leurs intérêts.
«Jusqu’à date, les candidats ne parlent pas du tout des enjeux des francophones en situation minoritaire, et encore moins d’éducation», regrette la directrice adjointe de l’Association des centres de la petite enfance francophones de l’Île-du-Prince-Édouard (ACPEFÎPÉ), Adina Nault.
La responsable s’inquiète d’une possible suppression du programme de garderie à 10 dollars par jour selon les résultats de l’élection. Elle se dit également préoccupée d’une éventuelle baisse des financements fédéraux, alors que l’ACPEFÎPÉ vient juste de signer un nouveau contrat avec Ottawa.
L’approbation finale d’allocation des fonds pour agrandir des locaux et renforcer les services de francisation interviendra après le scrutin. Adina Nault craint donc que «le fédéral n’aille à reculons sur ce dossier.»
«Nous avons besoin de ce support financier, ça nous permet d’offrir de la formation et des outils de travail de qualité à nos éducatrices et éducateurs», plaide-t-elle.
Le directeur général du Carrefour de l’Isle-Saint-Jean, à Charlottetown, Emile Gallant, partage ces préoccupations relatives aux subventions d’Ottawa.
«Elles sont essentielles si l’on veut continuer à développer la communauté, à faire vivre le français en dehors des salles de classe, souligne l’Acadien. Le manque d’infrastructures se fait de plus en plus sentir avec l’augmentation du nombre de nouveaux arrivants.»
«Ça prend plus de services et de ressources pour s’assurer qu’ils s’installent sur le long terme», ajoute-t-il.
Plus de financements «stables, sur le long terme»
Emile Gallant évoque notamment le projet d’agrandissement du Carrefour, de la garderie l’Île Enchantée et de l’école François-Buote : «Nous avons encore besoin de fonds supplémentaires, tout n’est pas confirmé.»
Du côté d’Actions Femmes ÎPÉ, la vice-présidente, Dominique Chouinard, réclame aussi davantage de «financements stables, sur le long terme» à destination des organismes communautaires féministes.
Plus largement, la responsable considère que «l’équité et l’inclusion» sont des valeurs essentielles, tout comme la lutte contre les inégalités systémiques et les discriminations à l’encontre des femmes, des autochtones et de la communauté 2SLGBTQIA+.
Actions Femmes ÎPÉ souhaite par ailleurs que le rôle des femmes dans l’économie et le secteur communautaire soit mieux reconnu. Dominique Chouinard demande des engagements concrets afin de soutenir l’entrepreneuriat, la formation et la conciliation famille-travail.
Elle mentionne enfin la nécessité pour le fédéral d’augmenter les sommes allouées aux soins de santé féminine, en particulier en français.
«Ces enjeux ne sont définitivement pas assez abordés, mais nous reconnaissons que nous sommes aux prises avec une guerre économique mondiale, qu’il s’agit d’une élection peu ordinaire», observe Dominique Chouinard.
Dans le contexte économique et politique actuel, la vice-présidente redoute une «montée du nationalisme, une fermeture sur le monde, et donc sur les autres et les différences.»
«Garantir l’accès à la culture francophone»
Les arts ne semblent pas non plus être une priorité de ce scrutin. «C’est difficile d’intégrer le discours sur la culture dans les débats, constate la directrice générale de la Fédération culturelle de l’Île-du-Prince-Édouard, Ghislaine Cormier. Mais on s’attend au minimum à un statu quo et à un maintien des financements avec le prochain gouvernement.»
Elle aimerait également voir des financements de base pérennes pour les organismes du secteur artistique et davantage d’investissements dans les institutions culturelles fédérales, dont Radio-Canada, afin de «garantir l’accès à la culture francophone.»
Les chefs de file communautaires encouragent plus que jamais tous les insulaires à se renseigner sur les partis politiques et les candidats locaux, avant d’aller voter le 28 avril prochain.
Avec l’envie d’aider les électeurs et les électrices, Actions Femmes ÎPÉ partage sur ses réseaux sociaux des informations utiles liées au vote. L’organisation a aussi envoyé des questionnaires bilingues à tous les candidats, pour les sensibiliser aux dossiers francophones et féministes.
«Ce n’est pas une élection où l’on peut rester assis sur notre divan», résume Dominique Chouinard.
«Les francophones ont la responsabilité de faire entendre leur voix sur les enjeux en situation minoritaire» abonde dans le même sens Adina Nault.
Emile Gallant espère, lui, que le prochain député de Charlottetown sera dans le nouveau Cabinet ministériel : «Ça nous permettra d’avoir quelqu’un de l’île, capable de défendre nos besoins.»
Emile Gallant rappelle que le député libéral Sean Casey et la candidate conservatrice Natalie Jameson ont participé aux Vendredis Francos, organisés par le Carrefour de l’Isle-Saint-Jean. (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)
Ghislaine Cormier de la Fédération culturelle souligne l’importance des retombées économiques du secteur culturel, qu’elle qualifie de «fabrique sociale» du pays. (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)
«Nous comprenons que nos sujets ne remontent pas à la surface, qu’il faut s’adapter, mais il faut quand même agir, ces enjeux ne vont pas disparaître», expose Dominique Chouinard d’Actions Femmes ÎPÉ. (Photo : Gracieuseté)