La pauvreté et l’insécurité alimentaire des enfants à l’Île-du-Prince-Édouard s’aggravent. C’est ce qui ressort du dernier rapport de l’organisme Campaign 2000. Niveau de revenus trop bas, inflation, hausse du coût du logement, de nombreux facteurs jouent. Les acteurs appellent à s’attaquer aux causes profondes de ce problème endémique.
La pauvreté et l’insécurité alimentaire des enfants sont à leur plus haut niveau à l’Île-du-Prince-Édouard. Les conclusions du récent rapport de l’organisme Campaign 2 000 sont sans appel.
Quelque 41 % des jeunes Insulaires souffraient d’insécurité alimentaire en 2022. Ce chiffre, en hausse de près de six points de pourcentage par rapport à 2021, est également le pire résultat à l’échelle du pays.
Par ailleurs, un enfant sur six vivait en 2022 sous le seuil de pauvreté dans la province. Une hausse de 12 % par rapport à l’année précédente, ce qui correspond à 580 nouveaux jeunes dans cette situation. Le taux de pauvreté est encore plus élevé pour les petits de moins de six ans : il atteint 17,5 %.
«Les gens n’ont tout simplement pas assez d’argent dans leurs poches et le coût de la vie ne cesse d’augmenter», analyse la directrice du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) de Nouvelle-Écosse, Christine Saulnier.
«Certaines familles doivent couper dans la nourriture pour payer d’autres dépenses fixes comme l’hypothèque ou le loyer, poursuit la coordinatrice du Centre McKillop pour la justice sociale, Mary Boyd. Au moindre imprévu, chômage ou accident, elles n’ont pas d’argent de côté et peuvent tomber dans l’extrême pauvreté.»
Manque de volonté politique
Christine Saulnier évoque les «niveaux trop faibles» de l’assurance-emploi, du congé parental, de l’aide sociale et de toutes les prestations versées par les gouvernements provinciaux et fédéral.
«Ils créent souvent une nouvelle aide temporaire pour faire face à un problème spécifique et après ça s’arrête. Ce qu’il nous faut, c’est du soutien permanent pour éviter que les gens retombent dans la précarité», plaide-t-elle.
La pauvreté ne touche toutefois pas seulement les foyers bénéficiaires de l’assistance sociale. Certaines familles où les deux parents travaillent à temps plein sont aussi frappées.
Selon Christine Saulnier, un tiers des travailleurs en région Atlantique gagne «le montant largement insuffisant» de 20 dollars de l’heure.
À l’Île-du-Prince-Édouard, le salaire minimum plafonne à peine à 16 dollars de l’heure, «sachant que beaucoup d’Insulaires occupent des emplois saisonniers ou à temps partiel», précise Mary Boyd.
À ces facteurs financiers s’ajoutent des «racines de discrimination et de sexisme», estime Christine Saulnier. Les mères célibataires, les nouveaux arrivants et les personnes racisées sont en effet sur-représentés au sein de la tranche la plus démunie de la population.
Les deux spécialistes dénoncent un manque de volonté politique et appellent les gouvernements à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté en se fixant des objectifs et des délais précis.
«Ce n’est pas un problème complexe à résoudre, il faut avant tout augmenter les revenus pour aider celles et ceux qui en ont le plus besoin», insiste Mary Boyd.
Nouvelle prestation pour enfants en 2025
Mary Boyd évoque la mise en place d’un programme d’emplois «décents, bien rémunérés et assortis d’avantages sociaux», sans oublier des tarifs de garderie à moins de 10 dollars par jour pour les familles aux plus faibles revenus.
Christine Saulnier mentionne, elle, le besoin d’étendre les réseaux de transport en commun et de construire davantage de logements sociaux abordables, «adaptés aux familles, avec deux ou trois chambres à coucher.»
Dans la province, le gouvernement progressiste-conservateur s’est donné pour mission d’éradiquer définitivement la pauvreté en 2035.
«Si la pauvreté a malgré tout reculé, l’insécurité alimentaire a explosé, on n’est pas sur la bonne voie», déplore Mary Boyd.
La coordinatrice considère que les mesures prises par le cabinet de Dennis King ne sont pas à la hauteur : «C’est l’allocation canadienne pour enfants, le principal transfert fédéral, qui a le plus contribué à améliorer la situation à l’île.»
À partir du 20 janvier prochain, une nouvelle prestation provinciale pour enfants sera néanmoins versée aux familles les plus modestes. Elles toucheront 30 dollars par mois pour chaque enfant de moins de 18 ans si leur revenu est inférieur à 45 000 dollars et de 20 dollars si leur revenu est compris entre 45 000 et 80 000 dollars.
L’idée de mettre en place un revenu minimum garanti est également évoquée depuis plusieurs années. «Ça fait partie de la conversation, mais ça ne doit pas donner une excuse aux gouvernements pour ne pas agir, prévient Christine Saulnier. Avant de tout transformer, on doit améliorer les programmes en place.»