Société
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Certains eiders à duvet, espèce de canard, hivernent autour de l’Île-du-Prince-Édouard.  (Photos : Gracieuseté Alain Clavette)

Le 12 octobre dernier, c’était la Journée mondiale des oiseaux migrateurs. L’Île-du-Prince-Édouard voit passer chaque année plus de 200 espèces migratrices. L’avenir s’annonce compliqué pour ces oiseaux. Entre la perte d’habitat et le manque croissant de nourriture, les menaces sont nombreuses.  

«La grande majorité des oiseaux à l’Île-du-Prince-Édouard sont des migrateurs», affirme le professeur de biologie à l’Université de Moncton, Stéphan Reebs. 

Certains arrivent à l’île au printemps pour se reproduire avant de repartir entre la fin du mois d’août et le début du mois de décembre vers le sud. D’autres, au contraire, arrivent du Grand Nord canadien à l’automne pour passer l’hiver dans la province. 

Pour d’autres, enfin, la province constitue une simple halte de quelques heures ou quelques jours sur leur route migratoire.  

Selon l’ornithologue acadien, Alain Clavette, au total, environ 250 espèces migratrices passent sur le territoire de la province. 

«Il y a quelque chose de magique dans la migration. Les oiseaux sont capables de parcourir des dizaines de milliers de kilomètres pour aller chercher une meilleure qualité de vie et profiter de l’explosion de nourriture dans des contrées plus clémentes», partage-t-il.

Carte migratoire, imbriquée dans les gènes 

À leur arrivée au printemps, les oiseaux sont pressés. Alain Clavette parle d’une course contre la montre pour trouver le meilleur frigo et le meilleur territoire pour se reproduire.

À l’automne, en revanche, ils se dispersent plus tranquillement et cherchent déjà de nouvelles zones de nidification pour le printemps prochain.

«En général, s’ils ont connu un succès de reproduction, ils retournent au même endroit, ils ont un attachement fort à leur territoire», observe Alain Clavette. 

Stéphan Reebs explique de son côté qu’à cause du réchauffement climatique les aires d’hivernage et de reproduction des oiseaux s’étendent «tranquillement pas vite» vers le nord. 

Pour retrouver le chemin de l’Î.-P.-É., ces grands voyageurs se servent de la position du soleil et des étoiles. Ils s’aident également de la topographie du terrain, des courants atmosphériques dominants et même du champ magnétique terrestre.

«Une partie de la carte migratoire est imbriquée dans leurs gènes, une autre est apprise au fil des voyages, car ils doivent constamment s’adapter, ajoute Alain Clavette. Dans les airs, ils sont confrontés aux risques liés à la chasse, aux collisions, aux ouragans.»

Peu après la construction du pont de la Confédération, certaines espèces de canard migratrices ont par exemple dû modifier leur comportement. 

«Ils ont vu cette barrière comme un obstacle, au lieu de la contourner, ils se sont mis à faire des cercles et à atterrir sur l’eau, ce n’était pas dans leur code génétique», détaille Alain Clavette.

Des oiseaux affamés 

De nombreuses autres menaces pèsent sur les oiseaux migrateurs. À l’Î.-P.-É., l’érosion des côtes fragilise les populations qui nichent dans le sable ou les falaises. L’hirondelle de rivage ou le pluvier siffleur sont ainsi en déclin.

Surtout, l’effondrement des populations d’insectes, «lié à l’utilisation de générations d’insecticides», selon Alain Clavette, affecte directement les oiseaux migrateurs insectivores comme les hirondelles.

«Bon nombre de ces espèces sont en déclin, elles ont de plus en plus de mal à se nourrir», appuie Stéphan Reebs.

Aux yeux des deux spécialistes, la perte d’habitat constitue un autre enjeu majeur. 

«À chaque fois qu’on assèche une zone humide ou qu’on détruit un pan de forêt mature pour construire une nouvelle route ou un nouveau centre commercial, on détruit des garde-manger et des pouponnières pour les oiseaux», alerte Alain Clavette. 

«Il faut mieux protéger les habitats, construire dans des zones déjà altérées», conclut Stéphan Reebs.   

 2-Eider_à_duvet.jpg

3-Alain_Clavette.jpgAlain Clavette s’inquiète du déclin des insectes qui entraîne celui des oiseaux migrateurs insectivores. (Photo : Gracieuseté)

4-Stéphan_Reebs.jpgLe biologiste Stéphan Reebs explique que la majorité des oiseaux de la province sont des migrateurs. (Photo : Gracieuseté)

5-Canard_branchu.jpgLe canard branchu est une espèce d’oiseau migrateur présente dans la province.  (Photo : Gracieuseté Alain Clavette)

6-PARULINE_À_GORGE_ORANGÉE.jpgLa paruline à gorge orangée est une espèce d’oiseau migrateur présente dans la province.  (Photo : Gracieuseté Alain Clavette)



Abonnez-vous à La Voix acadienne pour recevoir votre copie électronique ou la version papier

Société