Fin septembre, deux journées mondiales célébraient la contraception et le droit à l’avortement. À l’Île-du-Prince-Édouard, des avancées considérables ont été accomplies depuis 2017 et l’ouverture du premier service pratiquant des interruptions volontaires de grossesse. Il reste néanmoins du travail à faire pour sensibiliser le public et contrer l’influence des mouvements pro-vie aux États-Unis.
«L’Île-du-Prince-Édouard est devenue la meilleure province du pays pour l’accès à l’avortement, c’est ancré dans le système de santé», affirme Martha Jane Paynter, professeure adjointe à la faculté des sciences infirmières de l’Université du Nouveau-Brunswick.
L’hôpital de Summerside offre des services d’avortement depuis 2017. Avant cette date, les patientes devaient se rendre au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse. Elles étaient confrontées à des coûts exorbitants et à des montagnes de paperasses, explique Martha Jane Paynter.
«Aujourd’hui, elles peuvent aller beaucoup plus facilement à Summerside, poursuit-elle. C’est l’une des meilleures cliniques du pays, le personnel est extraordinaire et dévoué».
Les femmes ont le choix entre une interruption volontaire de grossesse médicamenteuse ou instrumentale. La première, qui consiste en la prise d’un médicament appelé mifépristone, est possible jusqu’à neuf ou dix semaines de grossesse. Environ 60% des avortements à l’île sont pratiqués de cette manière.
1 Canadienne sur 3 concernée
Selon Martha Jane Paynter, la télémédecine «a révolutionné» l’accès. Grâce aux consultations médicales en ligne, les femmes n’ont plus besoin de se déplacer, «sauf pour faire une prise de sang et aller chercher le médicament à la pharmacie», détaille-t-elle.
L’avortement instrumental, technique chirurgicale nécessitant une anesthésie et une brève hospitalisation, est pratiqué uniquement par des médecins jusqu’à seize semaines de grossesse. Au-delà, les femmes doivent se rendre à l’extérieur de la province.
L’avortement, gratuit pour les détentrices d’une carte de santé provinciale, demeure payant pour les étudiantes internationales et les travailleuses étrangères temporaires.
«Il faut changer ça, c’est une question d’égalité, insiste Martha Jane Paynter. Un avortement coûte quelques centaines de dollars alors qu’une grossesse non désirée coûte bien plus à la société.»
Alors que le droit à l’avortement est en recul aux États-Unis, Martha Jane Paynter estime que «l’environnement est complètement différent» de ce côté-ci de la frontière : «Il reste toujours des inquiétudes, mais on voit beaucoup plus d’améliorations chez nous.»
De son côté, Teale Phelps Bondaroff, président de la campagne AccessBC, qui milite pour que la contraception sur ordonnance soit gratuite, considère qu’il y a encore du travail à faire.
«La lutte pour la justice reproductive est une longue bataille. Ce qui se passe aux États-Unis nous montre que nous devons continuer à nous battre pour défendre ce que nous avons.»
Rendre la contraception gratuite
Pour contrer le message en provenance des États-Unis, Martha Jane Paynter insiste sur l’importance de déstigmatiser l’avortement et d’améliorer l’accès à l’information.
À ses yeux, encore trop d’insulaires ne savent même pas qu’il existe des services disponibles près de chez eux.
«Il faut normaliser les discussions, faire plus d’éducation. Une femme sur trois au Canada a recours à l’avortement dans sa vie, c’est super normal et commun», explique-t-elle.
L’autre enjeu en matière de santé reproductive, c’est l’accès aux moyens de contraception. Dans la province, les dispositifs intra-utérins (ou stérilets), les pilules contraceptives orales, les implants ou les injections d’hormones sont payants et peuvent coûter jusqu’à 500 dollars.
Le programme de santé des femmes prend seulement en charge le coût des stérilets pour les patientes qui n’ont pas d’assurance-santé privée.
«Ça devrait être gratuit, c’est une question d’égalité des sexes et d’éthique, et ça permet d’éviter des grossesses non désirées», souligne Teale Phelps Bondaroff.
Pour le moment, seuls la Colombie-Britannique et le Manitoba ont rendu la contraception sur ordonnance gratuite. Au niveau fédéral, le premier ministre Justin Trudeau a promis un accès gratuit aux méthodes contraceptives sur ordonnance dans le futur programme national d’assurance médicaments.
Teale Phelps Bondaroff milite pour que les méthodes contraceptives sur ordonnance soient gratuites partout au pays. (Photo : Gracieuseté)