Jusqu’au 31 septembre 2023, les visiteurs au Centre culturel Lefurgey peuvent admirer une reproduction à l’échelle réduite des monuments rendant hommage aux Célèbres cinq, les Famous Five, les cinq femmes qui ont grandement fait avancer la cause des femmes au 20e siècle.
Le 18 octobre 1929, les Canadiennes ont été reconnues comme des «personnes» par le Conseil privé de Londres.
Cette décision venait (heureusement) renverser le jugement de la Cour suprême du Canada dans le cas Edwards (Henrietta Muir Edwards) contre le gouvernement canadien. Dans cette cause démarrée en 1927, Henrietta Muir Edwards et les quatre autres pétitionnaires demandaient à la Cour suprême si le mot «personne» utilisé dans les textes constitutionnels désignait aussi bien les femmes que les hommes, entre autres pour les nominations au Sénat. En 1927, aucune femme n’avait encore été appelée à la fonction.
La Cour suprême avait jugé à l’unanimité que les femmes ne faisaient pas partie des personnes qualifiées et ne pouvaient en conséquence devenir sénatrices. Les raisons invoquées étaient les suivantes :
-les auteurs de la loi ne pouvaient aucunement avoir utilisé le terme de personne pour désigner des femmes puisqu’à l’époque de sa rédaction celles-ci étaient exclues de la vie politique ;
-le texte de loi utilisait exclusivement le pronom masculin «il» en référence à la fonction sénatoriale.
Non satisfaites de ce jugement, les cinq femmes se sont tournées vers Londres et ont obtenu gain de cause. Quatre mois après la décision du comité londonien, Cairine Wilson (qui ne faisait pas partie de Célèbres cinq), a été nommée au Sénat.
Cette victoire juridique est connue depuis comme l’affaire «personne». En 1979, pour marquer le 50e anniversaire du jugement, le gouverneur général du Canada a créé les prix en commémoration de l’affaire personne.
Le 70e anniversaire de l’affaire «personne» a été fêté le 18 octobre 1999. Pour l’occasion, la Fondation Famous 5, créée trois ans plus tôt en 1996, a commissionné trois monuments commémoratifs des Famous Five dont deux en grandeur nature et un dans un format plus portatif. C’est ce dernier qui se trouve à Summerside.
Chacun des monuments est composé de statues des cinq femmes dans des postures qui suggèrent la célébration de leur victoire devant le Conseil privé de Londres.
Les cinq femmes ayant agi à partir de l’Alberta, l’un de ces monuments se trouve à Calgary. L’autre, inauguré le 18 octobre 2000, se trouve sur la Colline du Parlement à Ottawa.
«Elles se sont réunies pour faire comprendre que les femmes avaient leur place à tous les niveaux du gouvernement canadien et des prises de décisions. Elles ont fait en sorte que les tribunaux confirment que le mot “personne“ désigne autant les femmes que les hommes. C’est pour cela que ça s’appelle l’Affaire personne», explique la PDG de la Fondation des Famous Five, Frances Wright, rappelant que la lutte des Célèbres cinq avait résonné au Canada mais également dans tout l’empire britannique.
«Il n’y a pas de monuments qui commémorent les femmes. Ils sont tous dédiés à des reines, ou à la mère de Jésus, Marie. S’il y a des femmes incluses dans des monuments, elles n’ont pas d’identité. Une femme qui s’en va dans l’Ouest, une femme qui aide sa famille, n’importe quoi, donc, pour le 70e anniversaire de l’Affaire “personne”, le 18 octobre 1999, la fin d’une décennie, d’un siècle, d’un millénaire, nous voulions honorer des femmes canadiennes significatives, alors nous avons choisi les Famous Five et nous ne l’avons jamais regretté depuis», confie Mme Wright.
La Fondation organise également des événements de thé rose tous les mois, pour discuter de la cause des femmes et se remémorer les événements passés et les sacrifices de nos ancêtres. Tous les détails au : www.famous5.ca.
Les cinq femmes qui se sont battues corps et âmes pour être reconnues comme des femmes sont Emily Murphy, Henrietta Muir Edwards, Louise Crummy McKinney, Irene Marryat Parlby et Nellie Mooney McClung.
Des femmes significatives de l’Île-du-Prince-Édouard se sont réunies le 19 juillet pour la réception en l’honneur des Célèbres cinq, notamment la lieutenante-gouverneure, Antoinette Perry, la Cheffe de la Première Nation de Lennox Island, Darlene Bernard, la PDG de la Fondation des Famous 5, Frances Wright et trois des cinq femmes faisant partie de notre propre Famous 5 ici, à l’Île-du-Prince-Édouard; Pat Mella, Catherine Callbeck et Elizabeth Hubley.
La soirée inspirante s’est couronnée d’un léger goûter offert par Culture Summerside, sans qui tout cela n’aurait pas été possible.
Emily Murphy
Emily Murphy est l’instigatrice du mouvement. C’est elle qui a invité les quatre autres femmes pour un thé, chez elle, afin de discuter du cas. Emily Murphy vivait en Alberta et portait un intérêt particulier à la justice sociale. Un jour, en allant à la Cour, elle s’est rendu compte de l’inégalité du traitement entre les plaignants femmes et hommes. Elle a alors demandé à ce qu’une Cour pour les femmes soit créée et on lui a répondu : «Tu en seras la première juge» C’est ainsi que, sans réelle formation, elle est devenue la première femme juge de l’Empire britannique.
Henrietta Muir Edwards
Henrietta Muir Edwards était la première femme invitée à prendre le thé. Elle est notamment connue pour avoir établi le Young Women’s Christian Association (YWCA), à Montréal. Elle a également mis sur pied l’Ordre des infirmières victoriennes, un groupe d’infirmières qui allaient directement chez les gens pour les soigner à travers le Canada. Peu après son mariage à un docteur montréalais, le couple a déménagé dans l’Ouest du pays pour aider et soigner les peuples autochtones. Elle était reconnue de son temps pour très bien connaître les règles et lois qui s’appliquaient aux femmes et aux jeunes filles.
Louise Crummy McKinney
Louise Crummy McKinney, la deuxième femme à être invitée au thé d’Emily Murphy, est née en Ontario. Depuis sa jeunesse, elle rêvait de devenir docteure, mais les écoles de médecine n’acceptaient alors pas les femmes. Elle est donc devenue enseignante et a pris part au développement du Women’s Christian Temperance Union en Ontario, un organisme qui se bat principalement contre l’utilisation d’alcools et de drogues. Lorsque le droit de vote a été donné aux femmes en Ontario, en 1917, les deux partis s’opposant l’un à l’autre la voulaient comme candidate. Louise Crummy McKinney leur a posé une question : «Acceptez-vous des dons de compagnie d’alcool?» Lorsque la réponse a été oui, elle s’est retirée et s’est présentée indépendamment. Elle a gagné et a servi pendant un mandat.
Irene Marryat Parlby
Irene Marryat Parlby est la troisième femme des quatre à se présenter au thé. Elle s’est présentée aux élections en Alberta, en 1921 et a été élue. Pourtant, elle n’a pas pu accéder au Cabinet des ministres pour trois raisons données par les hommes. La première est que la politique est qu’il ne faudrait pas que les femmes ministres pleurent en public en raison de la difficulté de politiques. La deuxième est que les femmes sont très bavardes, ils ne veulent donc pas prendre le risque que les secrets discutés sortent du cabinet. La troisième est que le Cabinet des ministres n’a jamais eu de femme auparavant et la dernière est que, bien sûr, les femmes sont invalidées au moins une fois par mois en raison de leurs menstruations. Pour toutes ces raisons, Irene Marryat Parlby n’a pas pu être ministre, mais a tout de même créé l’éducation à distance et les cliniques médicales qui se déplacent à travers l’Alberta.
Nellie Mooney McClung
Nellie Mooney McClung est une suffragette connue de son temps, c’est elle, entre autres, qui convainc le parti libéral du Manitoba de faire campagne et d’accorder le droit de vote aux femmes en 1916, la première province à le faire. Elle allait se présenter aux élections suivantes, mais a dû déménager pour suivre son mari qui a eu du travail à Edmonton.
Elle se présente alors à Edmonton aux élections de 1921 et est élue, mais la même chose arrive. Son mari, un pharmacien, déménage à Calgary pour le travail et elle doit le suivre. McClung ne s’est pas fait réélire à Calgary, mais est restée dans le paysage politique de la province.
La PDG de la fondation des Famous 5, Frances Wright, a expliqué toute l’histoire de ces femmes lors de la réception d’ouverture. (Photo : Charlotte dubois)
Les visiteurs sont invités à toucher la maquette en signe de remerciement à ces femmes. La maquette est à Summerside jusqu’au 31 septembre. (Photo : Charlotte dubois)