Qu’est-ce qu’être Acadien à l’Île-du-Prince-Édouard? La Voix acadienne a posé la question à des Acadiens de tout âge, originaires de l’Île ou venus d’autres provinces, qui parlent le français ou l’ont perdu, mais aussi à de nouveaux arrivants francophones. Cette semaine, Fatima-Zahra Zouhairi, originaire du Maroc, arrivée dans la province il y a huit ans, aujourd’hui enseignante à l’École François-Buote, partage la vision de son identité.
«J’ai l’amour pour l’Acadie dans mon cœur», confie Fatima-Zahra Zouhairi, originaire du Maroc, arrivée à l’Île-du-Prince-Édouard en mai 2013. La jeune femme, qui se définit comme «citoyenne du monde», ne sait pas si elle pourra devenir un jour Acadienne, mais elle insiste sur son «lien fort» avec la communauté et la «fierté» d’avoir été accueillie à bras ouverts. «J’ai eu la chance de croiser la route de nombreux Acadiens qui m’ont partagé leur culture et l’histoire de leurs ancêtres», raconte-t-elle.
Fatima-Zahra se souvient encore de sa première impression de «vide» lorsqu’elle débarque dans la province. «En venant au Canada, je m’attendais à voir de grandes villes, du monde partout comme au Maroc, plaisante-t-elle. J’étais choquée de voir toutes ces petites maisons isolées, je ne pensais pas que les gens vivaient si éloignés les uns des autres.»
«On n’est pas un immigrant parmi d’autres»
À son arrivée, elle emménage à Souris. C’est là qu’elle découvre par hasard l’existence des Acadiens. L’École de La-Belle-Cloche sera sa porte d’entrée dans la communauté francophone. Dès septembre 2013, celle qui avait étudié la biologie moléculaire et cellulaire ainsi que l’aquaculture en Espagne, y devient enseignante suppléante.
La biologiste de formation se découvre une véritable passion pour l’enseignement, à tel point qu’elle passe un baccalauréat en éducation à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard en 2015. Un an plus tard, elle reprend le chemin des salles de classe à Souris, avant d’intégrer l’École François-Buote à Charlottetown il y a trois ans.
Depuis, la pédagogue s’attelle à promouvoir au quotidien la culture francophone auprès de ses élèves : «C’est important de faire ressortir leur acadianité, et plus largement leur francophonie, pour qu’ils ne se perdent pas dans la culture anglophone et soient fiers de leurs origines».
La Canado-Marocaine assure qu’elle n’a jamais eu de difficultés à s’intégrer. «Dans les petites communautés comme celles de l’île-du-Prince-Édouard, on connaît vite du monde, on sympathise facilement, on n’est pas un immigrant parmi d’autres, perdu dans l’anonymat d’une grande ville», salue-t-elle.
Vivre pleinement en français
Ce que Fatima-Zahra apprécie par-dessus tout, ce sont ces journées où elle a la chance de vivre pleinement en français, que ce soit au travail ou dans sa vie personnelle. «Si on veut des services, on peut les trouver, on doit parfois insister, les temps d’attente sont plus lents, mais il ne faut pas lâcher l’affaire», souligne-t-elle.
Profondément attachée à l’île, la jeune femme n’a pas pour autant oublié son Maroc natal. Les odeurs, les bruits, la douce musique de son pays d’origine lui manquent. L’hiver, elle se languit parfois d’un thé à la menthe, siroté au coin d’une terrasse à regarder le temps s’égrener. «C’est une autre partie de moi, j’ai besoin d’y retourner au moins une fois par an pour me ressourcer, et surtout, voir ma famille, mon père de 87 ans», témoigne-t-elle.
Partagée entre le Canada et le Maroc, Fatima-Zahra ne sait pas encore où elle aimerait finir ses vieux jours : «Je me verrai bien passer le restant de ma vie à l’île, j’y suis très heureuse. Mon rêve c’est que certains membres de ma famille puissent me rejoindre.»