Pour la première fois depuis le décès de son père en 2019, Marie Gallant a installé un bel arbre de Noël dans le salon de la maison que son mari Émile Gallant et elle partagent à Dieppe. «Suite au décès de mon père en mai 2019, j’ai soudainement senti un grand vide», dit Marie. «Fille unique, j’ai été adoptée par Joseph et Hélène Gallant, anciennement d’Urbainville et j’ai alors réalisé que je n’avais plus de famille.»
Marie était très proche de son père adoptif et n’hésitait jamais à se rendre à l’ÎPÉ s’il avait besoin de soins, pour fêter Noël et d’autres occasions. «Nous sommes restés à l’Île pendant les cinq mois qui ont précédé son décès», de dire Émile. Après, Marie trouvait cette période des Fêtes très difficile.»
Des recherches
Mais tout a changé le 9 septembre dernier, alors qu’elle retrouvait finalement sa sœur et son frère biologiques en Ontario. De longues recherches aboutissaient enfin et Marie dit que ça a changé sa vie à jamais.
«J’avais déjà plus ou moins pensé à chercher ma famille biologique», dit Marie, «mais c’est en 2019 que ça a débuté.»
Quand on a commencé le processus, on savait que Marie était née à Charlottetown. On a communiqué avec le ministère des Services sociaux, mais les dossiers d’adoption de l’Île étaient fermés jusqu’au 1er janvier 2020.
«On m’a alors demandé d’écrire une lettre en anglais à ma mère pour lui remettre si on la retrouvait, mais je ne devais pas m’identifier de quelque manière que ce soit», explique Marie.
À Noël 2021, Émile lui offre en cadeau un test ADN «Ancestry», mais elle ne s’en préoccupe pas. Lors d’un souper de bénévoles en avril, un ami de Dieppe l’encourage à le faire en lui disant qu’elle n’a rien à perdre. Elle fait donc le test de salive et quand lesrésultats arrivent, il y a plein de données pas vraiment proches, qui donnaient toutes sortes de liens de parenté. Personne de sa famille biologique ne l’avait fait.
Documents au gouvernement provincial
Sur le document d’adoption, Marie porte le nom que lui a donné sa mère, soit Linda Margaret Perry. En janvier 2020, lorsque les documents à l’Î.-P.-É. deviennent accessibles, Marie fait une nouvelle application et on apprend que le nom de sa mère était Doris Mary Perry.
Tout ce qui concernait le processus des enfants donnés pour adoption passait par les religieuses et les prêtres à Charlottetown. On a pu savoir que sa mère était adolescente (14-18 ans) lorsqu’elle s’est présentée au couvent pour demander de l’aide. Elle était enceinte et aucunement prête pour donner naissance à un enfant. Elle a dit que ses parents ne savaient pas et a donné de l’information sur le père, mais ça n’a jamais été enregistré.
Marie est née deux semaines plus tard, le 29 janvier 1952. La mère a attendu cinq mois avant de signer définitivement sa fille pour adoption. Marie a donc passé quatre mois en foyer d’accueil à l’Île avant d’être adoptée par le couple Joseph et Hélène Gallant en mai 1952.
Pour continuer les recherches, on a ensuite fait appel à un homme de l’Ontario, Mike, qui avait déjà fait de telles recherches. «Une information clé reçue dans sa recherche et que nous avons ignorée était que la mère de Marie avait une sœur (Winnifred) plus jeune qu’elle», a ajouté Émile.
On a cherché toutes les Doris Mary Perry, mais sans succès. Émile ajoute qu’entre lui et Mike, ils ont mis environ 300 heures de recherches entre le 15 juillet et le 9 septembre 2022 pour arriver à retrouver la famille de Marie. «Moi j’ai fouillé dans les livres de Jean Bernard sur les familles Arsenault, Gallant et celui des Poirier, qui m’a ouvert les portes», a dit Émile.
Des résultats positifs
Retraçant enfin celle qu’il pense être la sœur de Marie, Debbie Freeman, Mike essaie de la rejoindre via Facebook et ne reçoit pas de réponse. Il passe ensuite par son employeur et réussira à lui parler. Finalement, le 9 septembre, Marie, sa sœur ainsi que leur conjoint communiquent par Messenger pendant 1 h 55 et le dimanche 11 septembre par vidéo pendant 2 h 44. «C’était très émotionnel pour les deux couples», de dire Émile. Sa sœur lui dit qu’elle ressemble beaucoup à leur mère, qu’elle a sa voix et ses cheveux. Debbie informe ses enfants et son frère Roy, qui ne sont pas encore au courant et ils n’en reviennent pas. Un autre frère, Bill, est décédé en 2014.
Marie a attendu trois semaines avant de communiquer avec son frère Roy. Elle disait ne pas savoir quoi lui dire et Émile lui indique : «Trouves-toi des questions». La conversation facilitée par l’épouse de Roy, Teresa, s’est très bien déroulée.
Debbie (la sœur de Marie) fait alors des démarches pour aller visiter sa tante Winnifred, 87 ans, qui vit également en Ontario. Elle a épousé Albert Birch et ils ont eu neuf enfants, dont six sont nés à Summerside et trois en Ontario. Tante Winnifred lui dit qu’elle savait que sa sœur avait eu une fille et ne pouvait pas en parler, car c’était un sujet dont on ne parlait pas.
Marie dit qu’elle a toujours pensé que ses parents adoptifs savaient qui était sa mère. «Une fois mon père m’a dit que ma grand-mère avait des rhumatismes», ajoute-t-elle, «mais si je posais d’autres questions, c’était le secret absolu.»
Née en 1934, la mère biologique de Marie s’est mariée le 25 juin 1955 avec Kenneth Arsenault, décédé en 2010, et leurs trois enfants sont nés à Summerside. Ils ont déménagé à Ingersoll en Ontario en 1963.
Marie et Émile visitent Debbie et Roy
«Nous avons passé une semaine en visite chez ma sœur biologique, Debbie et mon frère biologique, Roy au début novembre», d’ajouter Marie. «Le 4 novembre, nous sommes allés au cimetière où repose ma mère, sous le nom de Doris M. Poirier. C’était le jour même de sa fête et nous avons enterré la lettre que je lui avais écrite le 3 mars 2019. Elle est décédée en janvier 2014,» indique Marie.
«Nous allons retourner pour une semaine le 28 décembre pour rencontrer d’autres membres de la famille et célébrer nos retrouvailles», a conclu Marie. Ce sont toujours des rencontres très émotionnelles, mais quand même ré-confortantes et nous avons bien des années à rattraper.»
«J’ai toujours voulu une sœur»
«J’ai toujours voulu avoir une sœur», de dire Debbie Freeman, la sœur de Marie, l’aînée de deux frères. «Chaque fois que je disais ça à ma mère, elle n’avait aucune réaction.»
«Quand Mike, qui aidait Marie et Émile avec les retrouvailles, m’a retrouvée, il m’a demandé si je connaissais cette personne et qu’une femme voulait me joindre, car elle cherchait sa famille. Ce fut tout un choc d’apprendre que j’avais une sœur et il m’a fallu un peu de temps pour absorber la nouvelle», poursuit-elle.
«Ma mère ne me l’a jamais dit, car c’était sans doute resté un sujet délicat pour elle. Dans le temps, avec la religion, les filles-mères n’étaient pas bien vues. On ne sait pas et on ne saura jamais pourquoi ça lui a pris cinq mois avant de signer les papiers d’adoption de Marie. Est-ce qu’elle planifiait de travailler et la garder?»
Debbie ajoute qu’en voyant Marie, c’était définitif, elle faisait partie de leur famille. «On s’est connecté tout de suite au téléphone et sur Messenger et maman avait l’accent acadien comme Marie», de dire Debbie. «J’étais excitée de la rencontrer, pas nerveuse, mais j’avais des papillons dans l’estomac. Nous les avons accueillis à la gare et il y avait beaucoup d’émotions et de larmes. J’aurais tellement aimé que ma mère la rencontre, elle a la même douceur que maman.»
Debbie dit qu’elle était très proche de sa mère, qui a fini ses jours en chaise roulante avec la sclérose en plaques. «Mon père en a fait beaucoup pour elle et j’étais toujours prête à le remplacer au besoin.»
«J’avais neuf ans lorsque nous avons quitté l’Île-du-Prince-Édouard pour l’Ontario et nous y retournions chaque année. On conduisait pendant trois jours et j’avais une amie que je visitais toujours et avec qui je demeurais. J’y suis allée deux fois avec mes enfants et mon nouveau mari.» L’été dernier, ils y étaient à l’Île en même temps que Marie et Émile, sans le savoir.
Debbie aimerait qu’elles vivent plus près l’une de l’autre, car elles ont tellement d’années à se raconter. Elle espère prendre sa retraite prochainement afin de pouvoir se voir plus souvent.
«Je pense à ma mère encore plus souvent maintenant», conclut-elle, «elle serait tellement heureuse de voir Marie.»
La famille de Marie et Émile Gallant : À l’avant, on voit Marie et Émile avec leur petit-fils Chad MacAulay (à gauche). À l’arrière, de gauche à droite, on voit Teresa et Réjean Gallant, Josette et Leslie MacAulay, ainsi que Patricia et Gaston Gallant. Marie et Émile ont célébré leur 50e anniversaire de mariage cette année.
Sœur et frère de Marie. Nous reconnaissons, de gauche à droite : Émile, Debbie, Marie et Roy à leur arrivée à la gare de Woodstock, ON, en novembre.
Un bel arbre de Noël a une place de choix dans le salon de Marie et d’Émile cette année. (Photos : Gracieuseté)