Communauté
Par Jacinthe Laforest / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
La fille de Rose Delaney n’était pas certaine de parler français.  L’animatrice lui a alors demandé : parles-tu français avec tes grands-parents, ta mère, tes oncles et tes tantes, tes cousines, tes amies?   Ayant répondu oui à toutes ces questions, la fillette a compris qu’elle parlait français. 

La tournée Impact Francophonie de la SAF’Île s’est poursuivie le lundi 3 octobre au Carrefour de l’Isle-Saint-Jean.  Dans cette région, comme dans les autres, les participants ont décrit, chacun à leur propre manière, les moments «étoiles» et les moments «éloizes» qui ont éclairé leur parcours en francophonie.  Des échanges brillants. 

«On parle souvent des inconvénients qu’il y a à être francophone dans un milieu minoritaire, mais selon mon expérience, ça apporte aussi des opportunités qu’on n’aurait pas ailleurs», mentionne Marie-Lyne Bédard.  Cette enseignante en immersion française et mère de deux enfants croit que sa carrière en enseignement est remplie d’occasions de se perfectionner et de faire une différence, «bien plus que si j’étais restée au Québec».  

Ses enfants ont aussi vécu des expériences intéressantes, avec les Jeux de l’Acadie, la Dictée PGL (pour ne nommer que celles-là), expériences auxquelles ils n’auraient probablement pas eu accès en grandissant au Québec.  «Il y a les Jeux du Québec, mais le niveau de compétition est tellement élevé que relativement peu de jeunes en font l’expérience, alors que les Jeux de l’Acadie tentent au contraire de rejoindre le plus de jeunes possible», dit Marie-Lyne Bédard.  

Emile Gallant de son côté, a vécu des moments «éloizes» et «étoiles» comme chef de file dans la communauté, d’abord dans sa région natale (Évangéline) et dans sa région d’adoption, Charlottetown.  «Je me souviens à quel point je trouvais cela frustrant lorsque Georges Arsenault, qui animait “notre“ émission du matin, mais à partir de Moncton, disait la météo et que ce n’était pas ce qu’on voyait ici.  J’avais écrit des lettres, j’avais même profité d’une visite des dirigeants de SRC à l’Île pour leur expliquer à quel point c’était frustrant.  En tous les cas, on a fini par avoir notre studio», a-t-il raconté, ne sachant pas trop s’il devait classer ce geste dans les «éloizes» ou dans les «étoiles».  

Parmi d’autres participants à la rencontre, il y avait Chérine Stevula, aujourd’hui directrice du Carrefour de l’Isle-Saint-Jean.  «Je suis arrivée en 2017, avant ma famille et s’il n’y avait pas eu le Carrefour et les gens que j’ai rencontrés, entre autres dans mon emploi avec le RDÉE, je me serais sentie très seule», dit-elle.  Avec son mari, originaire de l’Europe de l’Est, qui parle sa propre langue et l’anglais, la langue commune à la maison est surtout l’anglais.  

L’assimilation a de nombreux visages

Charles Duguay estime que c’est une chose de se sentir tiré vers l’anglophobie, qui exerce une force d’attraction pratiquement imparable, ne serait-ce que par sa masse.  «Parfois, j’ai peur d’être assimilé par les autres francophones», dit-il.  Il donne l’exemple de la fête du 15 Août.  «Au Nouveau-Brunswick, jamaison ne penserait à célébrer la fête nationale de l’Acadie le 14 ou le 13 ou même après le 15, selon le jour de la semaine.  Alors qu’ici, même la fête provinciale a parfois lieu une autre journée que le 15.  Pour moi, c’est important que la fête nationale soit le 15 août et rien d’autre», a-t-il indiqué.  

À l’École François-Buote, les élèves ne voient pas tous l’importance de parler français lorsqu’ils ne sont pas obligés de le faire.  «C’est décourageant.  Dans les corridors, on ne peut pas dire si on est dans une école française, tellement les élèves parlent en anglais entre eux», dit Arielle Foulke.  

Plusieurs participants ont parlé de l’importance de faire des activités marquantes et fondatrices en français, en dehors de l’école, pour les jeunes.  «Quand j’étais jeune, Jeunesse acadienne faisait  beaucoup d’activités, et je peux dire que certaines ont été marquantes pour moi», dit Rose Delaney (née Arsenault), qui aimerait que des occasions de construire leur identité soient à nouveau offertes aux jeunes, non seulement à l’école, mais également en dehors de l’école.  Emile Gallant est d’accord.  «Tant que ça reste à l’école, ça reste une matière scolaire», craint-il.  

On dit souvent combien les jeunes sont tentés par l’anglais, mais Karine Gallant a offert un autre point de vue.  «Les filles de mon conjoint sont entrées dans ma vie lorsqu’elles avaient 5 et 7 ans.  Elles ne parlaient pas français.  On les a inscrites à l’École Évangéline.  Ç’a a pris six mois.  Je ne les ai pas obligées à me parler en français, c’est venu d’elles.  Et aujourd’hui, elles participent à la culture et elles s’épanouissent là-dedans.  Ça s’est fait naturellement», a témoigné Karine Gallant.  

S’il existait une recette universelle pour que les jeunes Acadiens et francophones soient fiers et convaincus, et qu’ils échappent à toute forme d’insécurité linguistique, ça se saurait assurément.  

En l’absence de cette «recette testée et approuvée», on se replie sur la solution «essai/erreur», personnelle à chacun.  Mais une chose est certaine, l’impact de la francophonie dans nos vies est bien réel.  

Impact francophonie 2Marie-Lyne Bédard (à droite) est bien consciente des inconvénients que la vie en milieu minoritaire comporte, mais elle voulait attirer l’attention sur les opportunités.  À ses côtés, Anaïs Parnoix, une nouvelle venue, unilingue francophone, commence tout juste son parcours en francophonie prince-édouardienne.  

 Impact francophonie 3Isabelle Dasylva Gill et Charles Duguay, respectivement directrice générale et vice-président de la SAF’Île, qui est à l’origine de la tournée de consultation Impact Francophonie. (Photos : J.L.)

Abonnez-vous à La Voix acadienne pour recevoir votre copie électronique ou la version papier

Communauté