Le 15 septembre 2015
La situation des réfugiés en Syrie et d’ailleurs dans le monde préoccupe grandement les Prince-Édouardiens, peu importe leurs origines. Le 10 septembre, un rassemblement a eu lieu devant l’édifice Coles, qui sert de parlement durant les travaux à Province House.
Le principal organisateur de la manifestation était Mike Redmond, le chef provincial du NPD. Il a dit d’entrée de jeu que l’initiative était non partisane et que son but était de convaincre les forces décisionnelles d’ouvrir les portes plus grandes afin de sauver plus de vies.
La manifestation a attiré une foule empathique, calme, et attentive aux témoignages qui ont été livrés. Parmi les témoignages les plus touchants, il y a eu celui de Bashir Mayaleh, qui est le propriétaire du salon de coiffure Cleopatra.
Fier Syrien, il vit au Canada depuis 27 ans et il est aussi un fier citoyen canadien même s’il trouve que son nouveau pays aurait les moyens de faire beaucoup plus. «Nous avons été touchés par la photo du jeune enfant mort sur la plage, mais vous devriez voir la situation à l’intérieur de la Syrie. Des villes sont décimées, il y a environ 8 millions de Syriens réfugiés dans leur propre pays. Ils vivent dans des monastères, dans des parcs nationaux, dans des écoles. Je dois vous dire que les Syriens ne sont pas des gens pauvres qui n’ont rien à manger. Avant que les bombardements ne commencent, la vie était belle», a indiqué Bashir Mayaleh.
Mais plus maintenant. À l’image du petit garçon qui a fait le tour du monde, il ajoute celle d’une fillette de 4 ans. «Ses parents ont été tués devant elle et elle a été attachée vivante à la clôture où elle a fini par mourir. Des familles entières ont été brûlées, littéralement cuites dans des fourneaux.»
Bashir Mayaleh incite les gouvernements du Canada à faire plus. Selon lui, les camps de réfugiés au Liban débordent. «Le Canada est grand, immense, comparé à un pays comme l’Allemagne, qui a pourtant annoncé très tôt dans la crise qu’il allait accueillir 800 000 réfugiés dès cette année, et 500 000 pour chacune des deux années suivantes.»
Nouhad Mourad, coprésidente du forum social du peuple de l’Île-du-Prince-Édouard, trouve quant à elle que le Canada pourrait accueillir bien plus de réfugiés que les chiffres annoncés. Mais accueillir plus de réfugiés ne fait rien pour empêcher que des gens ne deviennent des réfugiés. «Les décisions que prend le gouvernement du Canada sur la scène internationale contribuent à créer des réfugiés, en vendant des armes, en ne faisant pas sa part pour protéger l’équilibre climatique. Et nous comme citoyens, nous avons besoin de prendre nos responsabilités, car c’est nous qui élisons les gouvernements qui prennent ces décisions», a-t-elle affirmé de différentes façons dans son allocution.
Un autre témoignage a été livré par Luba Kaboush, qui vit ici depuis des années et qui est maintenant citoyenne canadienne. «Depuis trois ans, je fais des démarches pour que ma famille en Syrie vienne ici, et ça ne marche pas», se désole-t-elle.
À l’Île-du-Prince-Édouard, le nombre de réfugiés pris en charge par le gouvernement est prédéterminé par Citoyenneté et Immigration Canada. En 2015, ce nombre était de 40 personnes, toutes origines confondues, et le «quota» est déjà atteint ce qui n’est pas un obstacle insurmontable, selon la province.
«Le nombre de réfugiés arrivant à l’Île-du-Prince-Édouard dépassera les attentes; je prévois que nous verrons arriver plus de réfugiés à mesure que les gouvernements et les responsables communautaires répondent à la crise en Syrie», a affirmé le ministre de la Main-d’œuvre et des Études supérieures, Richard Brown.
Le ministre Brown, qui était au rassemblement, a confirmé que la journée même, il avait discuté avec ses homologues des autres provinces par téléconférence et que tous veulent faire leur part dans l’effort pour sauver des vies. «Nous avons aussi convenu de tenir le plus tôt possible une conférence fédérale-provinciale, même si ce sera seulement après les élections», croit-il.
Par ailleurs, le ministre Brown se dit optimiste du semblant d’ouverture qu’il a perçu du premier ministre Harper, qui était à l’Île plus tôt dans la journée du 10 septembre. «Si, comme on le croit, le premier ministre Harper agit comme il devrait dans ce dossier, ce sera grâce à des organisations comme la vôtre, aux électeurs et à l’opinion publique qui le presse d’agir», a indiqué le ministre Brown.
Zain Esseghaïer, bien connu de la communauté francophone, assistait au rassemblement. Pour lui, il ne fait pas de doute que le premier ministre Harper va répondre aux pressions de l’opinion publique. «En pleine campagne électorale, il n’a pas le choix…», a-t-il indiqué.
Et il avait raison. Moins de 48 heures après le rassemblement de Charlottetown (un des nombreux à se produire au Canada), le gouvernement du Canada, par l’entremise du ministre du Développement international, Christian Paradis, a annoncé une aide humanitaire additionnelle pour les centaines de milliers de victimes du conflit en Syrie.
Le fonds de secours d’urgence pour la Syrie a été créé pour aider les Syriens fuyant la guerre. Ainsi, le gouvernement fédéral égalera le montant des dons que feront les Canadiens à des organismes admissibles comme le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), jusqu’à concurrence de 100 millions $. Les dons devront être faits entre le 12 septembre et le 31 décembre pour être égalés par le gouvernement.
En pleine campagne électorale, l’annonce des conservateurs a été «bien reçue». Le Parti libéral du Canada (PLC) a reconnu qu’il s’agissait d’une annonce «positive», mais estime que le Canada devrait agir aussi pour accueillir davantage de réfugiés, et les néo-démocrates sont sur la même longueur d’onde, car il y a «urgence», selon eux.
Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a déjà annoncé son intention d’accueillir 10 000 réfugiés syriens issus de minorités religieuses et ethniques au cours des trois prochaines années. Jusqu’à maintenant, 2 300 Syriens ont été acceptés au pays.
Le Nouveau Parti démocratique souhaite pour sa part accueillir plus de 46 000 réfugiés parrainés par le gouvernement d’ici 2019, dont 10 000 d’ici la fin de l’année. Les libéraux se sont quant à eux engagés à accueillir «immédiatement» 25 000 réfugiés syriens s’ils sont portés au pouvoir.
Luba Kaboush essaie depuis trois ans de faire venir sa famille de Syrie au Canada, sans succès. Mike Redmond, l’organisateur du rassemblement, compatit à la situation des migrants.
Nouhad Mourad, coprésidente du forum social du peuple de l’Île-du-Prince-Édouard.
- Par Jacinthe Laforest