Les États-Unis ont suspendu les droits de douane contre le Canada pour un mois. Les acteurs économiques de l’Île-du-Prince-Édouard se disent soulagés, mais l’incertitude demeure. Les entreprises misent désormais sur l’essor du commerce interprovincial et de nouveaux marchés à l’international. Elles saluent également le regain d’intérêt pour l’achat local.
Le 3 février, les États-Unis ont finalement suspendu pour un mois lamise en place de droits de douane de 25 % sur les produits canadiens, à la suite d’un accord avec le premier ministre Justin Trudeau.
Le Canada a également mis en pause ses mesures de représailles, à savoir l’imposition des droits de douane de 25 % sur 30 milliards de dollars de produits américains sélectionnés, puis, 21 jours plus tard, sur 125 milliards de dollars d’une seconde liste.
«Ce sursis offre un peu de répit à nos entreprises, ça leur permet d’examiner plus attentivement les options qui s’offrent à elles, de réévaluer certains de leurs processus d’approvisionnement» salue le vice-président de la Chambre de commerce de Summerside, Sam Sanderson.
«Nous nous réjouissons de cette pause. Elle donne à nos membres un peu plus de temps pour décider de la manière dont ils pourraient modifier leur façon de travailler», abonde dans le même sens la directrice générale de la Chambre de commerce de la région du Grand Charlottetown, Bianca McGregor.
«Avec Donald Trump, tout peut arriver»
La Chambre de commerce de la région du Grand Charlottetown a envoyé un sondage à ses membres en vue de savoir comment des tarifs douaniers de 25 % pourraient les affecter.
L’organisme travaille également avec le gouvernement provincial pour aider les entreprises de l’île à décrocher de nouveaux marchés d’exportation. Le cabinet du premier ministre Dennis King a notamment promis des ressources financières à cet effet.
À Charlottetown, la propriétaire de la marque de vêtements SWENN, Kristell Geffroy, revoit déjà sa structure de production de façon à ne plus dépendre des États-Unis.
La designeuse de mode veut relocaliser au Canada sa fabrication de t-shirts, confectionnés pour l’instant à New York et au Texas. Elle est ainsi en discussion avec une usine à Montréal.
«Même si les droits de douane sont suspendus, avec Donald Trump, tout peut arriver, je préfère continuer mes démarches, explique-t-elle. C’est un challenge d’adapter ma façon de produire, mais c’est faisable.»
Depuis le début de la guerre tarifaire, la commerçante assure qu’elle reçoit des courriels de clients qui souhaitent acheter davantage canadien : «J’ai l’impression qu’il y a un côté positif à tout ça, il y a un bon réveil, les gens veulent consommer plus local.»
«Nous voyons les habitudes des consommateurs changer presque du jour au lendemain et se concentrer sur l’achat de produits fabriqués au Canada. C’est incroyable» appuie Bianca McGregor.
Le Canada, «plus uni qu’il ne l’a jamais été»
Les quatre provinces de l’Atlantique se disent de leurs côtés plus que jamais ouvertes à lever les barrières tarifaires au commerce interprovincial.
Depuis 2018, il existe un Accord de libre-échange canadien pour faciliter les échanges commerciaux et la mobilité de la main-d’œuvre entre les provinces et les territoires. Mais plusieurs exceptions y sont inscrites, dont 22 pour l’Île-du-Prince-Édouard.
Selon les deux chambres de commerce insulaires, les gains économiques procurés par l’augmentation des échanges commerciaux entre les provinces pourraient atténuer les impacts d’un ralentissement économique.
«Mais je ne pense pas que cela suffira à compenser les droits de douane, à l’île, nous dépendons un peu plus de nos exportations vers les États-Unis que d’autres juridictions au pays», relève Sam Sanderson.
«Nous devons envisager de nombreux moyens différents pour réduire les répercussions possibles. Il ne faut pas mettre tous nos œufs dans le même panier», poursuit Bianca McGregor.
Malgré le sursis de 30 jours, l’incertitude demeure dans les milieux d’affaires insulaires.
«Le président Donald Trump est vraiment imprévisible. On a du mal à comprendre quelle est la fin de la partie, parce que beaucoup de ses raisonnements ne semblent pas avoir de sens d’un point de vue économique», expose Bianca McGregor.
Sam Sanderson veut, lui, rester optimiste : «Notre pays est plus uni qu’il ne l’a jamais été au cours des dernières années. Nous pourrions être surpris de notre capacité à faire avancer les choses positivement.»
Bianca McGregor de la Chambre de commerce de Charlottetown se réjouit du report des droits de douane américains, mais reste «prudemment optimiste.» (Photo : Gracieuseté)
«Notre pays est plus uni qu’il ne l’a jamais été au cours des dernières années. Nous pourrions être surpris de notre capacité à faire avancer les choses positivement», considère Sam Sanderson de la Chambre de commerce de Summerside. (Photo : Gracieuseté)