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Par Jacinthe Laforest
Robert McConnell est revenu avec beaucoup de générosité sur les événements qui ont mené à la victoire en Cour suprême du Canada le 13 janvier 2000. 

Avocat des demanderesses dans le cas Arsenault-Cameron qui a comparu devant la Cour suprême du Canada, Robert McConnell compare son rôle à celui d’un chauffeur de limousine qui a pu conduire sa passagère, la cause, à bon port, sans accident.  «Et je ne dis pas cela par fausse modestie.  Une fois que la Cour suprême a accepté de nous entendre, c’était gagné, selon moi», dit Robert McConnell.  La Voix acadienne s’est entretenue avec l’avocat à la retraite le mercredi 8 janvier, dans sa maison de Wheatley River, près de Rustico.  

Natif de Hull, ayant été à l’école en anglais toute sa vie, Robert McConnell est arrivé à l’Île-du-Prince-Édouard en 1981.  «J’étais admis au barreau de l’Ontario, mais quand j’ai eu une offre pour l’Île, et comme ma femme venait du Nouveau-Brunswick, je l’ai acceptée.  Je vivais totalement en anglais.  Les enfants étaient en immersion française.  Je ne savais absolument rien de la communauté francophone», résume Robert McConnell.  

Sa vie a pris un tournant lorsqu’il a rencontré Charles Duguay, avocat à Anciens Combattants Canada, qui venait d’arriver à l’Île en 1988.  «À partir de cela, j’ai commencé à m’impliquer plus, j’ai fait partie de projets de théâtre.  Un jour j’ai demandé à mes filles si elles aimeraient aller à l’école François-Buote, et elles ont tout de suite accepté.  Mon fils est resté en immersion», raconte Robert McConnell, maintenant grand-père de quatre petits-enfants, qui vont à l’École-sur-Mer et à l’École Saint-Augustin.  

«Quand j’ai été saisi de la cause pour les parents de Summerside, en 1995, j’avais déjà commencé à me réapproprier mon héritage francophone.  Les parents de Summerside demandaient deux classes, pendant trois ans, pour démarrer une école.  Ça m’a interpellé.  En 1995, c’était aussi le référendum au Québec.  On a presque perdu notre pays cette année-là.  Certainement il y avait un réveil.  J’ai même écrit à la première ministre Catherine Callbeck et elle n’a pas accusé réception de ma lettre», note-t-il.

La cause des parents de Summerside a été entendue en août 1996, une année électorale à l’Île. «Dans sa campagne électorale, Pat Binns avait dit que les parents de Summerside auraient leur école.  Il a tout de même été en appel de la décision du Juge DesRoches de la Cour suprême de l’Île, qui était en faveur des parents.»

Une partie d’échec qu’il continue d’analyserRobert McConnell est encore incrédule quant au déroulement de cette partie d’échecs. «Un des conseillers principaux du gouvernement Binns était Peter McQuaid, dont le frère, John McQuaid, était juge à la cour d’appel où nous devions comparaître.  J’avais demandé à ce que le juge McQuaid se récuse, car pour moi, c’était clair qu’il y avait conflit, mais il est resté et en plus, il a signé la décision», s’insurge Robert McConnell.  

Après la comparution en cour d’appel, la décision a tardé à venir.  «Ce que j’ai su, c’est qu’un juge penchait en faveur du maintien du jugement DesRoches, alors que les deux autres étaient contre.  Cela impliquait qu’il y aurait une décision partagée.  Quand il y a une décision partagée en cour d’appel, l’accès à la Cour suprême du Canada est presque garanti.  Quand la décision est unanime en cours d’appel, c’est plus compliqué de se faire entendre en Cour suprême.  De très nombreuses requêtes sont rejetées.  En fin de compte, ils ont réussi à convaincre le troisième juge et à produire une décision unanime.  C’est pour cela que, lorsque la Cour suprême a accepté de nous entendre, c’était pour ainsi dire gagné.  Je sais maintenant que ce ne sont pas mes arguments qui ont convaincu les juges, mais au moins, je n’ai pas ruiné la cause», se satisfait-il.  

Cette «heure d’audience» de novembre 1999 il y a 25 ans reste gravée dans sa mémoire.  «Le matin, je me suis levé tôt, je suis allé faire une longue marche.  Mes deux frères étaient avec moi.  Ils ont vu que mon veston était décousu et l’un d’eux a ri en disant “Robidoux s’en va en Cour suprême“.  Quand je suis entré dans la salle, encore maintenant, je me rappelle d’avoir ressenti une paix profonde.  Aucun stress.  C’est au point que j’avais peur de paraître insensible et trop détaché.  Je ne ressentais aucune nervosité.  Je me souviens encore des regards échangés avec certains juges.  C’est comme si le temps avait été suspendu.» 

Une cause qui a teinté sa carrière

En 2001, Robert McConnell a quitté le droit privé pour se joindre au ministère des Anciens Combattants, d’abord à Ottawa puis à l’Île.  

Pour l’avenir, si on exclut les préoccupations concernant les idées de grandeur de Donald Trump, Robert McConnell s’inquiète du manque de place en petite enfance.  «C’est notre avenir», dit-il.  Pour lui, pour que la jurisprudence concernant l’article 23 s’applique au secteur de la petite enfance, il faudrait que la petite enfance soit absorbée par le scolaire.  «Il y a peut-être d’autres façons, mais c’est celle que je vois.» 

Parmi les personnes avec lesquelles il a travaillé de près, outre Noëlla Arsenault-Cameron et Madeleine Costa-Petitpas, Robert McConnell aimerait rappeler le travail de Claire Hendy, qui était à l’emploi de la Fédération des parents en 1995, lorsque tout a commencé.  «Je n’ai pas peur de dire que, sans son aide, j’aurais été perdu.  C’est elle qui m’a beaucoup aidé à rassembler la preuve dont on avait besoin», dit Robert McConnell.  Rejointe par Facebook, Claire Hendy a répondu : «C’est la cause qui est importante. J’y ai travaillé parce que j’y croyais», a-t-elle simplement écrit.  

 



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