Le marché du travail de l’Île-du-Prince-Édouard est loin d’être florissant. Depuis près d’un an, la création d’emplois est au point mort alors que la population active continue d’augmenter. Résultat, le nombre de demandeurs d’emploi s’est hissé à près de 9% en juillet.
Le taux de chômage à l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) a grimpé en juillet à son plus haut niveau depuis septembre 2023.
En d’autres termes, il est passé en l’espace de seulement dix mois de 6,6 % à 8,9 %. Cette hausse correspond environ à 2 500 personnes de plus à la recherche d’un travail. Au total, elles sont quelque 9 000 dans la province.
«La rapide croissance démographique de l’île explique la situation», affirme Fred Bergman, analyste politique principal au sein de l’Atlantic Economic Council.
Selon l’expert, entre septembre 2023 et juillet 2024, la population active insulaire a augmenté d’environ 2 200 personnes.
Dans le même temps, les créations d’emplois n’ont pas suivi. Dit autrement, le nombre d’emplois a stagné alors que celui des Insulaires en âge de travailler a grossi.
«Il y a eu des hauts et des bas, mais la tendance à la création de postes s’est stabilisée et a même diminué dans le secteur de la production de biens», confirme James Sentance, professeur d’économie à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.
«Les 91 700 emplois existants à l’île en juillet représentent très peu de changements par rapport à septembre dernier», poursuit-il.
Un taux chômage à deux chiffres, «la norme»
Fred Bergman constate par ailleurs un recul du nombre de postes vacants «de plus en plus marqué» : «Les entreprises ne cherchent plus activement à embaucher.»
Entre mai 2023 et mai 2024, le nombre de postes vacants à l’Î.-P.-É. a ainsi diminué de plus d’un millier.
La croissance rapide de l’emploi, interrompue par la pandémie de COVID-19, semble donc terminée. Ce ralentissement du marché du travail est cependant loin d’être inédit.
«La province a connu des conjonctures bien pires, pendant plus de trente ans, un taux de chômage à deux chiffres a été la norme», rappelle James Sentance.
Aux yeux de l’économiste, la situation actuelle va «probablement continuer à se dégrader», notamment à cause de l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi.
«La construction et la santé sont les deux secteurs qui recrutent activement et pourraient faire baisser les chiffres du chômage, détaille James Sentance. Mais, en face, la plupart des personnes qui cherchent du travail ne sont pas des ouvriers du bâtiment ou des soignants potentiels.»
Taux d’intérêt et inflation élevés
Fred Bergman estime également que le chômage poursuivra sa hausse : «Il n’est pas impossible que le taux atteigne 10 % d’ici un an environ.»
L’analyste identifie deux freins majeurs à l’embauche. D’un côté, les entreprises subissent des pressions inflationnistes pour augmenter les salaires, de l’autre, elles doivent payer des taux d’intérêt plus élevés qu’auparavant.
«Leurs dettes leur coûtent plus cher, alors elles ne vont pas se risquer à recruter davantage de personnel», résume-t-il.
Certes, les taux directeurs de la Banque centrale du Canada amorcent une lente baisse, mais «ils ne redescendront probablement pas à 1 ou 2 % comme c’était le cas auparavant, ils seront plutôt autour de 3 % dans un ou deux ans», prévient Fred Bergman.
En toile de fond, la crainte d’une récession plane sur l’économie. «Si l’on examine la situation au niveau national, on constate qu’elle est assez similaire, l’économie ralentit fondamentalement», observe James Sentance.
De l’autre côté de la frontière, les mauvais chiffres du chômage américain, publié début août, ont aussi accentué les peurs d’une récession, allant jusqu’à déclencher une chute des marchés financiers.