À l’Île-du-Prince-Édouard, le salaire minimum s’établit désormais à 15 dollars de l’heure et devrait passer à 16 dollars dans un an. Ces hausses ne satisfont personne, que ce soit du côté des entreprises ou des organisations de lutte contre la pauvreté. La pauvreté est devenue un mal endémique qui nécessite des réformes en profondeur.
Depuis le 1er octobre, le salaire minimum de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) a augmenté de 50 cents de l’heure pour se hisser à 15 dollars. Le gouvernement provincial a également annoncé deux hausses à venir en 2024. Le revenu minimum s’établira ainsi à 16 dollars de l’heure dans un an.
«C’est un progrès, mais c’est loin d’être suffisant, estime Mary Boyd, coordinatrice du Centre McKillop pour la justice sociale. C’est inacceptable que des personnes soient maintenues dans la pauvreté en dépit de leur travail acharné.»
En 2020, un rapport du Centre canadien de politiques alternatives a déterminé qu’un salairedécent pour une personne vivant à Charlottetown était de 19,30 $ de l’heure. À l’époque, le revenu minimum était de 13 $.
«Vous pouvez imaginer qu’avec l’inflation, c’est bien plus de 19 dollars qu’il faut aujourd’hui», souligne Mary Boyd.
«En trois ans, les prix de la nourriture, du logement, de l’habillement, des transports ont explosé, tout est devenu trop cher pour les familles et les travailleurs», ajoute-t-elle.
Mary Boyd est coordinatrice du Centre McKillop pour la justice sociale. (Photo : Gracieuseté)
Extrême pauvreté chez les immigrants et les aînés
Dans un autre rapport, publié par Banques alimentaires Canada, les efforts de l’Î.-P.-É. pour réduire la pauvreté ont pourtant obtenu la note de C-. L’île est la seule province de l’Atlantique à se trouver au-dessus de la moyenne nationale, qui s’élève à D+.
Aux yeux de Mary Boyd, l’île ne se porte pas aussi bien qu’il n’y paraît sur le papier. La proportion de personnes touchant l’assurance-emploi dans la province, de même que le taux d’insécurité alimentaire, sont les plus élevés du pays.
«La situation semble bonne, car il y a eu beaucoup d’aides pendant la COVID-19, mais les choses vont commencer à s’inverser et nous allons revenir à des niveaux de pauvreté plus élevés», avance la militante.
Elle explique que «beaucoup de gens ont du mal à joindre les deux bouts, en particulier chez les immigrants et les personnes âgées, qui vivent dans une extrême précarité, bien en dessous du seuil de pauvreté.»
Face à la paupérisation galopante, le gouvernement provincial a récemment adopté une série de mesures. Le ministère provincial du Développement social et des Personnes âgées a notamment lancé un projet pilote de revenu de base garanti, destiné à 635 insulaires.
«Le revenu, ce n’est pas la seule histoire, prévient Mary Boyd. Nous devons aussi renforcer notre filet de sécurité sociale que ce soit dans le domaine de la santé, de la petite enfance, de l’éducation ou des transports publics.»
De son côté, le patronat critique également la mesure. «Nous comprenons le besoin d’un salaire minimum plus juste, mais ces augmentations auront un impact négatif sur les résultats des entreprises, leurs coûts vont augmenter», affirme Kim Horrelt, présidente-directrice générale par intérim de la Chambre de commerce de Charlottetown.
La responsable explique que les entreprises doivent déjà faire face à l’inflation et à des taux d’intérêt élevés, sans oublier les conséquences de la tempête post-tropicale Fiona et de la pandémie de COVID-19.
Elle fait part des premiers retours négatifs des membres de la Chambre de commerce : «Certains parlent d’augmenter les prix de leurs produits, de réduire leurs heures d’ouverture, voire leurs effectifs.»
«Les employeurs vont être obligés d’augmenter tous les salaires pour rester compétitifs sur le marché du travail», poursuit Kim Horrelt, qui rappelle que 67 % des membres paient déjà leurs salariés au-dessus du revenu minimum.
Les chefs d’entreprise appellent plutôt le gouvernement à revoir la fiscalité, en liant notamment les revenus de base, comme l’aide sociale, à l’inflation. «Ça ne sert à rien autrement, les particuliers n’auront pas plus d’argent dans leurs poches pour faire face à la hausse du coût de la vie», défend Kim Horrelt.