Le 23 décembre 2020
- Marine Ernoult / Initiative de journalisme local - APF - Atlantique
Si des cas isolés de réactions sévères sont toujours possibles lors d’une campagne de vaccination de masse, les données accumulées sur le vaccin Pfizer-BioNTech sont jusqu’à présent rassurantes. Elles indiquent un rapport bénéfice/risque clairement favorable à cette technique. (Photo : Gracieuseté du gouvernement de l’Î.-P.-É.)
Le mercredi 16 décembre, le top départ a été donné. L’Île-du-Prince-Édouard a officiellement lancé sa campagne de vaccination anti-COVID avec la première dose du vaccin de Pfizer-BioNTech administrée à Charlottetown. Il s’agit d’un vaccin à ARN, une technique récente. Décryptage.
Le Canada est l’un des premiers pays au monde à entamer sa campagne vaccinale contre la COVID-19. Le dernier obstacle, l’homologation du vaccin de Pfizer-BioNTech par Santé Canada, a été levé le 9 décembre.
Marc Berthiaume, directeur du Bureau des sciences médicales du Canada, a confirmé que «les données cliniques reçues montrent une efficacité à 95 % du vaccin, sur une période allant jusqu’à deux mois après l’inoculation de la deuxième dose requise».
249 000 doses sont attendues d’ici fin décembre au pays. Elles seront distribuées dans les provinces canadiennes, au prorata de leur population. Mi-décembre, l’Î.-P.-É. a déjà reçu 1 950 flacons qui permettront de vacciner environ autant de personnes, en commençant par les travailleurs de santé participant aux interventions contre la COVID-19. Outre le vaccin de Pfizer-BioNTech, le Canada a également conclu une entente avec Moderna pour 40 millions de doses. Le point commun entre ces deux vaccins? Ils utilisent tous les deux une nouvelle technique vaccinale, dite à ARN messager. On fait le point sur ce que l’on sait.
Comment fonctionnent les vaccins à ARN messager (ARNm)?
Comme leur nom l’indique, ils contiennent de l’ARN. Présente chez tous les êtres vivants, c’est une molécule quasi identique à l’ADN. On dit que l’ARN est «messager» lorsque sa forme copie temporairement celle d’un fragment d’ADN. Les brins d’ARN injectés portent les gènes du coronavirus responsable de la synthèse d’une protéine. Une fois injecté dans le corps, l’ARNm entre dans les cellules humaines. Les gènes sont «lus» par les «usines des cellules», qui fabriquent cette protéine. En gros, on donne au corps une sorte de code-barres du coronavirus.
Les protéines, fabriquées en grand nombre par les cellules, sont alors détectées, ce qui déclenche une réaction immunitaire. En d’autres termes, le système immunitaire va fabriquer des anticorps pour neutraliser le coronavirus. Ces mêmes anticorps pourront reconnaître et combattre efficacement le coronavirus s’il tente d’infecter l’organisme plus tard. Une fois cet ARN «lu», il est rapidement détruit et il n’en reste plus aucune trace dans le corps.
Comme cette technique provoque une réaction immunitaire modérée, elle nécessite l’administration de deux doses à 21 jours d’intervalle, pour assurer une protection durable. Le vaccin de Pfizer-BioNTech requiert également des conditions de stockage très froides (à -70 °C), alors que celui de Moderna doit être congelé à (seulement) -20 °C.
Ont-ils déjà été utilisés par le passé?
Les vaccins à ARN messager ont été testés sur quatre virus : le Zika, la grippe, la rage et une catégorie de virus appelée cytomégalovirus. Mais ces essais n’ont pas dépassé la phase 1, alors qu’il en faut trois pour valider un vaccin, ce qui limite le recul (les vaccins à ARNm de Pfizer et Moderna sont les premiers à franchir les trois phases). Si des cas isolés de réactions sévères sont toujours possibles lors d’une campagne de vaccination de masse, les données accumulées sont jusqu’à présent rassurantes. Elles indiquent un rapport bénéfice/risque clairement favorable à cette technique.
Les vaccins à ARNm peuvent-ils modifier l’ADN des cellules humaines?
D’après les connaissances actuelles, ils ne peuvent pas modifier l’ADN de nos cellules. Car ils ne peuvent pas pénétrer dans leur noyau, là où se trouvent les 46 chromosomes contenant l’ADN de l’être humain.
Quels effets secondaires pourraient provoquer ces vaccins?
Selon les données communiquées par Moderna et Pfizer-BioNTech, la grande majorité des effets secondaires observés lors des essais cliniques apparaissent dans les jours suivant la vaccination. Ils sont classiques et relativement attendus : rougeur au point d’injection, fatigue, maux de tête, douleurs musculaires, frissons ou fièvre.
La fréquence de ces effets secondaires est plus importante après la seconde dose. Plus de la moitié des volontaires vaccinés avec le vaccin Pfizer-BioNTech ont ressenti des effets secondaires bénins à modérés, souvent chez les moins de 55 ans.
Mais les effets secondaires ressentis à moyen terme (un à deux mois après la dose) sont nettement plus rares. Selon les données de la phase 3 de Pfizer-BioNTech publiées par la Food and Drug Administration (l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux), la fréquence des événements indésirables graves (EIG) est quasiment identique dans le groupe qui a reçu le vaccin (0,6 %) et dans celui qui a reçu un placebo (0,5 %). Ces effets graves étaient, en général, des appendicites, des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux. Mais les enquêteurs ont estimé qu’ils n’étaient pas liés au vaccin.
Ils ont déterminé que la vaccination avait potentiellement provoqué trois EIG : une blessure à l’épaule, une arythmie ventriculaire et une lymphadénopathie (gonflement d’un ganglion). Trois seulement sur presque 19 000 patients. Il existe aussi un potentiel lien avec des cas isolés de paralysie de Bell (une paralysie faciale). Quatre cas ont été enregistrés parmi le groupe des vaccinés de l’essai de phase 3 de Pfizer-BioNTech. Mais aucun lien formel avec le vaccin n’a encore été démontré.
Néanmoins, un essai clinique incluant environ 20 000 personnes ne permet pas de détecter toutes les réactions possibles. Certaines réactions ne concerneront qu’une personne sur 50 000 ou 100 000, d’autres se manifesteront six ou douze mois après injection. Il est donc encore trop tôt pour les détecter.
Enfin, deux réactions allergiques ont été observées chez des membres du service national de santé britannique (NHS). Deux personnes sujettes aux allergies, au point de garder toujours de l’adrénaline sur elles, ont mal réagi aux premières injections du vaccin Pfizer-BioNTech. Elles «se remettent bien» selon le directeur médical du NHS pour l’Angleterre. Mais les autorités sanitaires britanniques ont préféré déconseiller l’administration du vaccin aux personnes ayant eu dans le passé d’«importantes réactions allergiques» à des vaccins, des médicaments ou de la nourriture.