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Le 6 mai 2020

- Laurent Rigaux / Initiative de journalisme local – APF – Atlantique

Jordan MacPhee, de Maple Bloom Farm, voulait depuis longtemps ouvrir son propre magasin de produits alimentaires locaux, pour favoriser le circuit court. La crise sanitaire a donné un coup d’accélérateur à son projet.  (Photo : Gracieuseté)

 

Les producteurs de l’Île-du-Prince-Édouard profitent de la crise de la COVID-19 pour réinventer les circuits courts. Ils lancent des plateformes en ligne pour accroître leur visibilité et leurs ventes locales. La semaine dernière, c’était au tour du Marché des fermiers de Charlottetown de faire son retour virtuel.

 

Le 18 mars, le Marché des fermiers de Charlottetown (MFC) annonçait sa fermeture en raison de la crise sanitaire. Un mois et demi plus tard, le voilà de retour, mais en ligne. La coopérative de producteurs et d’artisans a lancé un nouveau site de vente sur internet avec une option de collecte des achats sur place, en voiture.

 

Cette plateforme n’est pas une initiative isolée. Dès l’annonce de la fermeture, à l’initiative de Maple Bloom Farm, cogéré avec le MFC,un système est mis en ligne avec des livraisons organisées au marché. Le jour J, 21 mars, le succès est au rendez-vous et avec lui quelques difficultés pratiques : commandes incomplètes et livraisons retardées à cause d’un «crash» informatique.

 

Le 24 mars, le MFC annonce cependant qu’il suspend sa participation au site. Le lendemain, Jordan MacPhee, cofondateur de Maple Bloom Farm, répond sur Facebook : «Je tiens à confirmer une fois pour toutes que nous sommes en ligne et que nous prenons des commandes!»

 

Les ventes continuent, avec un lieu de rendez-vous mobile : les samedis 28 mars et 4 avril, c’est au Marché des fermiers; puis, samedi 11 avril, dans le stationnement devant le magasin de plantes Van Kampen sur Allen Street, en raison des travaux de rénovation du MFC. Depuis le 18 avril, il faut aller en périphérie de la ville pour chercher les commandes.

 

«Les gens perdent confiance dans le système alimentaire mondialisé»

 

Chaque samedi, l’équipe gare un camion frigorifique de location dans le stationnement du magasin de meubles Leon’s et dépose les produits d’une quinzaine de producteurs locaux (fruits et légumes, fromages, miel, etc.) dans les coffres des voitures qui font patiemment la queue. «Les clients sont vraiment compréhensifs, nous construisons le système au fur et à mesure», explique Jordan MacPhee, qui pense déjà à la suite. «Nous souhaitons louer un espace de vente ici.» Le jeune fermier avait depuis longtemps l’envie de créer son propre magasin et apprécie le mouvement des producteurs vers la vente en ligne et en circuit court : «Les gens perdent confiance dans le système alimentaire mondialisé.»

 

Plusieurs vendeurs du MFC ont pu compter sur leur propre système dès le début de la crise de la COVID-19. La ferme Heart Beet Organics profite par exemple de son magasin physique au centre-ville de Charlottetown pour lancer un système de commandes à venir chercher sur place. La boulangerie True Loaf livre son pain au magasin de fruits de mer Gallant’s & Co. Le vendeur Lucky Bee Homestead a également un magasin en ligne, tout comme les volailles Larkin ou la fromagerie Charlottetown Cheese Company.

 

«Si vous y allez seul, vous allez vite; si vous y allez ensemble, vous allez loin», philosophe Jordan MacPhee. Le fermier a fait ses calculs et estime qu’il y a de la place à Charlottetown pour plusieurs acteurs sur le marché de la vente alimentaire en circuit court. Il cite en exemple le MFC, bien sûr (dont il reste membre), mais aussi le Riverview Country Market, près du pont vers Stratford, qui propose des produits locaux.

 

De la place pour tout le monde 

 

Entretemps, la coopérative du MFC «révise ses plans pour concevoir une nouvelle plateforme», explique Bernard Plourde. À ce jour, une bonne trentaine de vendeurs ont rejoint le système, soit la moitié des producteurs et artisans habituellement sur place. Certains sont d’ailleurs présents aussi bien sur la plateforme du MFC que sur celle de Maple Bloom Farm.

 

Dès la première semaine, le succès est fulgurant. «On a dû mettre fin à la vente en moins d’un jour,» raconte le gérant de la coopérative. Démarré le lundi 27 mars pour une livraison le samedi 2 mai, le site a enregistré plus de 200 commandes en 24 heures, trop pour une première fois. «On n’a pas la capacité de faire 300 voire 400 commandes», poursuit le responsable, qui espère une montée en puissance dans les prochaines semaines.

 

«Nous n’avons pas vu de baisse de nos ventes le jour où le MFC a lancé son site», se félicite Jordan MacPhee, qui attribue ce succès collectif au goût des Insulaires de soutenir les producteurs de l’Île. Quant au marché des fermiers, le vrai, Bernard Plourde ne sait pas encore quand il pourra rouvrir : «Ma boule de cristal est en panne!»

 

Bernard Plourde, gestionnaire du Marché des fermiers de Charlottetown, ne sait pas encore quand le marché rouvrira physiquement : «Ma boule de cristal est en panne!»  (Photo : Archives de La Voix acadienne)

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