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Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
«Recevoir des soins dans sa langue maternelle réduit l’anxiété et la confusion des patients», souligne Jaime Constable de la Société Alzheimer de l’Île-du-Prince-Édouard. (Photo : Gracieuseté)

La maladie d’Alzheimer, qui résulte de lésions au sein du système nerveux, ne cesse de progresser à l’Île-du-Prince-Édouard. Le nombre de cas devrait doubler d’ici 2050, en particulier parmi les populations immigrantes. De nouveaux besoins vont voir le jour pour accompagner des malades souvent bilingues, qui risquent d’oublier plus facilement l’anglais appris tardivement. 

Plus de 2 800 Insulaires vivent actuellement avec la maladie d’Alzheimer ou une autre forme de démence. D’après la Société médicale de l’Île-du-Prince-Édouard, ce chiffre devrait doubler d’ici 2050. 

«Cette augmentation est liée à l’augmentation de l’espérance de vie et au vieillissement de la population», explique la directrice générale de la Société Alzheimer de l’Île-du-Prince-Édouard, Jaime Constable. 

Selon une étude de la Société Alzheimer de l’île, dans les dix à vingt prochaines années, les populations autochtones et celles originaires d’Asie du Sud-Est devraient subir les plus fortes augmentations du nombre de cas.

«Notre système de soins de santé et nos services communautaires devront s’adapter pour répondre aux besoins culturels de ces populations, y compris le besoin de communiquer dans leur langue maternelle», souligne Jaime Constable.

Être accompagné dans sa langue maternelle 

Quand une personne bilingue ou trilingue souffre de démence, elle a en effet tendance à oublier plus facilement sa ou ses langues secondes. 

«Plus les informations, comme une langue maternelle, sont là depuis longtemps, cristallisées dans le cerveau, moins elles risquent d’être perdues», confirme la professeure en neuropsychologie à l’Université de Moncton, Sarah Pakzad. 

La chercheuse prend l’exemple des francophones en situation minoritaire : «Si l’anglais a été appris plus tard dans la vie, ou si l’immersion dans cette langue n’a pas été importante, la personne risque de perdre la capacité de communiquer en anglais en premier.»

Au sein du foyer de soins francophone Le Chez-Nous, le directeur général, Jeff Sullivan, constate ce phénomène chez la dizaine de résidents âgés atteints de démence légère. 

«La plupart sont bilingues, mais quand ils commencent à avoir de la démence, c’est l’anglais qui souffre le plus, le français dure plus longtemps, car c’est la langue des émotions qui les rassure», observe-t-il. 

L’accès à des services en français est donc «essentiel», insiste Jeff Sullivan, qui tente de recruter «le plus possible» des préposés aux soins bilingues.

«Pas assez de demandes» en français

«Recevoir des soins dans sa langue maternelle réduit l’anxiété et la confusion des patients, appuie Jaime Constable. Souvent, l’agitation et la désorientation sont le résultat d’incompréhensions et de l’impossibilité d’exprimer correctement ses besoins.»

La Société Alzheimer de l’Île-du-Prince-Édouard offre toutes ses formations et sa documentation en français. Plusieurs membres du personnel sont également bilingues.

Mais l’organisme ne propose pas d’accompagnements ou de groupes de soutien en français, «tout simplement parce qu’il n’y a pas assez de demandes», remarque Jaime Constable. 

«Nous travaillons avec des familles et des personnes qui en sont aux premiers stades de la maladie et n’ont pas encore perdu leur habilité à parler anglais», poursuit la responsable. 

En revanche, lorsqu’un aîné s’enfonce dans la maladie et doit être hospitalisé ou placé dans un établissement de soins de longue durée, Jaime Constable insiste sur l’importance de la traduction. 

«Ça peut être un traducteur, un membre de la famille ou de la communauté, mais il faut quelqu’un qui parle français pour s’assurer que le patient comprenne les implications des décisions, notamment médicales.»

 

2-Sarah_Pakzad.jpgSelon la chercheuse Sarah Pakzad, «trop souvent», les patients reçoivent un diagnostic «tardif» de la maladie. (Photo : Gracieuseté)

3-Jeff_Sullivan.jpgAu Chez-Nous, Jeff Sullivan constate que les résidents atteints de démen-ce légère oublient plus facilement l’anglais que le français. (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)

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