Société
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Jane Ledwell du Conseil consultatif sur la situation de la femme à l’Î.-P.-É. salue la criminalisation du contrôle coercitif.  (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)

Le contrôle coercitif, un facteur de risque important des féminicides, va faire son entrée dans le Code criminel. Dans la province, les responsables féministes accueillent favorablement la mesure, mais rappellent l’importance de sensibiliser la population et surtout de former les professionnels. 

Avec le projet de loi fédéral C-332, Ottawa s’apprête à criminaliser le contrôle coercitif. Autrement dit, le gouvernement de Justin Trudeau veut créer une infraction dans le Code criminel canadien. 

Le contrôle coercitif peut être comparé à une cage de verre dans laquelle un partenaire exerce son pouvoir pour «limiter l’indépendance, les choix et l’autonomie de sa victime», explique la directrice générale du Conseil consultatif sur la situation de la femme à l’Île-du-Prince-Édouard, Jane Ledwell. 

«Ce sont des formes de menaces très pernicieuses, il n’y a pas nécessairement de violence physique. La victime doute de sa perception de la réalité, elle se retrouve complètement isolée et perd son estime de soi», poursuit-elle. 

La directrice générale d’Actions Femmes ÎPÉ, Emmanuelle Billaux, parle également de «petits gestes et manipulations», qui s’étalent sur le long terme. 

«Ça peut prendre des formes très différentes comme le contrôle des finances, des courriels ou des réseaux sociaux, la surveillance des connaissances et des déplacements, ou encore l’installation d’un GPS sur la voiture», précise-t-elle. 

Système de prédation 

Ces détails peuvent apparaître comme des petits riens du quotidien. En réalité, ce sont des marqueurs graves d’un système de prédation, que les chercheurs qualifient de contrôle coercitif. 

Actuellement, aucune infraction criminelle spécifiquement liée à la violence conjugale n’existe au Canada. Pour qu’une accusation soit déposée, elle doit être rattachée à un événement précis au cours duquel une infraction de voie de fait, de harcèlement ou encore de menace a été commise.

«Aujourd’hui, les violences doivent aller assez loin pour porter un dossier en cour, alors que ce ne sont que la partie visible de l’iceberg», confirme Emmanuelle Billaux.

À cet égard, la responsable féministe salue le nouveau projet de loi : «C’est une très bonne chose, ça va permettre d’arrêter le cycle des violences beaucoup plut tôt.»

«C’est un pas dans la bonne direction pour protéger les victimes. On dénormalise des comportements anormaux, abonde dans le même sens Jane Ledwell. J’ai beaucoup d’espoir que ça change les conversations.»

Pour elle, cette reconnaissance officielle donnerait par ailleurs de meilleurs outils pour lutter contre les féminicides. 

Formation des policiers et des juges

Selon l’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation, le contrôle coercitif est l’un des facteurs de risque importants dans les féminicides et les violences conjugales. 

D’après une autre étude de la criminologue britannique Jane Monckton-Smith, 92 % des féminicides auraient été précédées par du contrôle coercitif. 

Pour que la mesure porte ses fruits, Emmanuelle Billaux insiste cependant sur l’importance de lancer des campagnes de sensibilisation du grand public tout en mettant en place des formations pour les professionnels. 

«Il faut former les médecins, les policiers, les juges et les avocats, sans quoi ça n’ira pas plus loin», souligne-t-elle. 

«Ces gens et la société en général doivent en apprendre beaucoup sur les relations saines, la violence fondée sur le genre, les comportements et stratégies derrière le contrôle coercitif», appuie Jane Ledwell. 

En Écosse, en Angleterre, en Nouvelle-Zélande et en Australie, le contrôle coercitif est déjà entré dans la loi.  

2-_emmaB.jpgEmmanuelle Billaux d’Actions Femmes ÎPÉ insiste sur le besoin de formation des professionnels à cette question du contrôle coercitif.  (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)

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