Dans le cadre de Porte-Bonheurs, un projet de soutien pour les proches aidants, Actions Femmes ÎPÉ qui en a repris la coordination en partenariat avec les FAOÎPÉ, vous invite à partager le quotidien des personnes aidantes à temps plein dans la communauté.
Voici l’histoire d’une jeune adolescente, qui est devenue, plus vite que les violons, une femme et une proche aidante à plein temps, avec toutes les sérieuses responsabilités qui en découlent. La vie de Nathalie est un exemple de dévouement et de courage sans bornes.
À l’annonce de la grossesse non prévue, à 14 ans, les parents de Nathalie, Bernice et Donald Arsenault ont présenté les options possibles à leur jeune adolescente. Ils ont mis d’emblée, de côté, toute attitude culpabilisante : «C’est ta vie, prends la meilleure décision pour toi-même». Nathalie a eu plusieurs conversations avec son père et sa mère, du soutien psychologique professionnel, et elle s’est confiée à ses
amies au sujet de l’éventail de ses choix : l’avortement, l’adoption, ou la prise en charge d’un enfant pour le reste de ses jours. À leur insu, ses jeunes confidentes, l’ont menée à se conformer aux valeurs de leur groupe, et ont influé sur sa décision. La pression des pairs est très forte à cet âge.
Avec témérité, et sans vraiment savoir dans quoi «elle s’embarquait», Nathalie a mené à terme sa grossesse. Ses parents lui ont offert leur précieux soutien, réconfort et l’écoute dont elle avait besoin, mais ils ont été intransigeants : elle devait être la principale responsable de l’enfant, ce qui implique plusieurs nuits de manque de sommeil, plusieurs sorties de jeunesse manquées, des fins de semaine différentes de celles de ses amies. De plus, ils exigeaient que Nathalie finisse ses études. Elle a acquiescé : «Je devais prendre mes responsabilités».
Défis à surmonter
Sa fille, Mikaela, est née le 8 juin 1994, avec une pneumonie causée par un manque d’oxygène. De fil en aiguille, l’enfant a démontré des retards de croissance : «J’ai eu longtemps espoir qu’il s’agissait d’un “retard global de développement”, comme l’avaient diagnostiqué, les médecins, dans la première année du bébé. Au début, elle avait du mal à téter le sein, plus tard elle prenait beaucoup de temps à apprendre à marcher, à parler, etc. Les professionnels de la santé ont pensé ensuite qu’elle souffrait de paralysie cérébrale. Elle avait de nombreux problèmes moteurs dont celui de marcher sur la pointe des pieds, et elle a subi une opération majeure à cet effet. À 18 ans, le diagnostic est devenu plus sérieux : bipolarité avec psychose maniaco-dépressive : «J’ai réalisé et accepté, seulement à ce moment-là, que Mikaela ne puisse pas mûrir, je devais faire face à la réalité.» Pour qu’un enfant sans problème apprenne, par exemple, à tirer un ballon, il lui faut pratiquer trois ou quatre fois. Mikaela, pour sa part, doit réitérer un geste plus de 3 000 fois, et ce, pour chacun de ses apprentissages : «Ça ne se calcule pas».
Nathalie doit toujours prévoir «un plan B» puisque son enfant peut entrer en phase maniaque à tout moment : «Je dois être prête à aller la chercher et m’occuper d’elle pour la calmer en tout temps, ou bien partir de n’importe quel endroit à la hâte, par exemple, lorsqu’on assiste à une partie de hockey.» De plus, le diagnostic de trouble obsessionnel compulsif a aussi été prononcé : «Je dois avoir beaucoup de patience, elle peut répéter des centaines de fois une phrase, un besoin, et je dois répondre comme si c’était la première fois qu’elle le disait».
Mikaela a étudié à l’école Évangéline pendant 13 ans. Elle a suivi son groupe d’âge jusqu’en 2013 où elle a reçu un certificat de finissante. Ses pairs, avec un système de jumelage, se sont beaucoup occupés d’elle : «C’était un groupe d’élèves fantastiques», nous explique Nathalie. L’école a conféré des soins vigilants et a travaillé d’arrache-pied à enseigner à sa fille des notions de vie et d’hygiène de base : «Merci au personnel et aux aides-enseignantes qui l’ont si bien accompagnée».
Nathalie a fait preuve de renoncement tout au long de sa vie de proche aidante : elle a dû accepter les restrictions encourues par la garde soutenue d’un enfant avec plusieurs besoins dans son jeune âge. Son cœur de mère espérait une guérison et elle a dû en faire le deuil : sa fille ne pourrait évoluer plus avant qu’un stade mental d’un enfant de première année : «Jeune adulte, j’ai compris, en regardant les familles de mes sœurs et amies, que je n’aurais jamais le même genre de vie.» Nathalie assume son énorme responsabilité avec courage : «Je ne peux jamais laisser mon enfant seule», nous confie Nathalie qui a peur que sa fille, qui a actuellement 26 ans, puisse se faire du mal si laissée à elle-même.
Détermination et courage
Nathalie a fait preuve de détermination. Une amie de la famille, nous explique avec admiration : «Nathalie est une personne incroyable, malgré ses contraintes de jeune mère et de proche aidante, elle a fini ses études secondaires, puis une formation au Collège de l’Acadie au programme “Santé et soins à domicile”. Elle a commencé sa carrière professionnelle la même semaine à laquelle elle a été diplômée. Elle s’est acheté une maison mobile à 19 ans! Nathalie a eu un second enfant, Brody (un hockeyeur bien connu), 14 ans après Mikaela. Leurs liens fraternels sont très forts : «Ils sont très près l’un de l’autre. Son “grand”/ petit frère fait preuve, pour sa sœur, de compassion, de patience sans limites, et d’amour inconditionnel», ajoute Nathalie Arsenault.
Les jours de la semaine, Mikaela bénéficie du programme «Community Connection», à Summerside. Elle peut avec un travailleur, par exemple, promener des chiens, s’occuper de jeunes enfants qu’elle adore. Elle réussit à accomplir de petites tâches, mais il va sans dire, avec accompagnement vigilant. Après bien des efforts, ses médicaments sont assez bien stabilisés. Pour Mikaela, elle ne se voit pas différente des autres : elle voudrait avoir des enfants, conduire une voiture, avoir son propre appartement.
«Mikaela fait de nous de meilleures personnes» de nous confier, Nathalie : «Nos vies sont enveloppées par sa présence.»
Bernice et Donald ont accompagné leur fille à travers tous ses défis passés et présents de proche aidante. Ils adorent Mikaela : «Je ne peux pas donner assez de louanges à mes parents», partage Nathalie qui éprouve une vive gratitude envers eux, «je dois aussi une grande reconnaissance à mes deux sœurs Estelle et Nicole qui m’ont appuyé dans diverses situations difficiles». Nathalie est devenue une femme mature et accomplie avec une responsabilité de proche aidante qu’elle assume en plein.
Pour se relaxer, Nathalie fabrique, avec habileté, des meubles pour sa maison. On la voit sur cette photo avec l’un des meubles qu’elle a fabriqué. (Photos : Gracieuseté)