Le 12 juin 2020
- Par Jacinthe Laforest
En 1981, la famille de Juanita a reçu un prix de Jeunesse acadienne pour son implication pour la jeunesse. On reconnaît le père et la mère de Juanita et cette dernière, à gauche sur la photo.
Native de Saint-Félix, près de Tignish, Juanita Arsenault a commencé à travailler à Anciens Combattants Canada en 1982, alors que le siège social du ministère venait d’être relocalisé à Charlottetown. Grande parleuse, elle se souvient encore de sa première journée d’école avec un mélange d’émotions.
«Chez-moi, dans la famille, on parlait seulement français. Quand j’ai commencé l’école, j’étais jeune, j’avais juste 5 ans parce que je suis née en octobre. Je ne parlais presque pas anglais et à l’école, c’était en anglais. Ma première journée, j’ai été tellement nerveuse, je me suis mise à vomir. Les professeurs ont décidé de me renvoyer à la maison, pour un an. Ça me donnerait le temps d’apprendre un peu l’anglais»
.
La petite Juanita a reçu son premier livre d’enfant en anglais et avec l’aide des adultes autour d’elle, elle s’est investie dans l’apprentissage de la langue de la majorité. Elle avait saisi le message qu’elle croyait devoir saisir : le français ce n’est pas bon.
«J’étais têtue. J’avais décidé de ne plus parler français. Je pense, avec le recul, que mes frères et sœurs plus jeunes ont subi mon influence, jusqu’aux plus jeunes, qui ont pu aller en immersion», dit-elle.
À 13 ans, Jeunesse acadienne est entrée dans sa vie. «Théo Thériault, Paul D. Gallant : c’est grâce à eux que j’ai repris un peu mon français. Théo Thériault ne parlait presque pas anglais dans ce temps-là, alors on n’avait pas le choix de lui parler en français. C’est revenu graduellement».
Même si son français n’était pas parfait, elle s’est inscrite à l’Université de Moncton. «J’ai échoué à tous mes cours, mais j’ai appris beaucoup de français pendant cette première année. Puis, pendant cet été-là, après mon année à Moncton, j’ai habité avec Rita Schyle. Elle était bonne avec moi, je lui demandais comment dire ça et elle m’aidait tout le temps. On devait se revoir cet été et passer du temps ensemble. J’ai été surprise par son décès».
Croyant répondre à un «appel», Juanita s’est inscrite en “nursing” à UPEI. «C’était un mauvais numéro. L’appel n’était pas pour moi. Je me suis plutôt inscrite au programme de secrétaire bilingue que le Holland College offrait dans ce temps-là. J’ai continué à travailler très fort pour toujours améliorer mon français. J’ai travaillé à Charlottetown toute ma vie, et j’ai toujours été dans des postes bilingues. C’est vrai que le fait d’être bilingue, surtout au début, ça me donnait un avantage, mais j’ai toujours travaillé très fort pour avancer dans ma carrière. J’étais gestionnaire depuis 10 ans quand j’ai pris ma retraite», souligne Juanita avec fierté.
Juanita Arsenault avec sa nièce Robyn Perry, la fille de Leona (Arsenault) et de Bobby Perry.
Histoire acadienne
Juanita a longtemps vécu avec une blessure mal cicatrisée à propos de son rapport au français. Elle ne comprenait pas pourquoi et comment elle n’avait pas pu aller à l’école en français. Elle a entrepris de réapprendre son histoire, entre autres en dévorant les ouvrages de Georges Arsenault et en assistant à un grand nombre de ses causeries.
Elle a aussi tenu à ce que sa fille Carolyn aille à l’école François-Buote. Carolyn a fait l’objet de plusieurs articles dans La Voix acadienne. Atteinte d’un handicap qui limitait sa mobilité, elle a traversé ses années scolaires en alternant avec les séjours à l’hôpital pour des interventions chirurgicales. Elle est maintenant mariée, elle habite au Manitoba, et elle se porte bien.
Les frères et les sœurs de Juanita parlent français à différents degrés. «Ils sont tous un peu gênés de parler français. Pas moi. Ça ne me gêne pas. J’ai 11 neveux et nièces et plusieurs parlent français. J’espère que le français va rester dans la famille».
La musique est très présente dans la famille. Ici, Lisa, une des plus jeunes de la famille, avec sa mère Mary Ann, au foyer pour personnes âgées de Tignish.
Vers 1958, la mère de Juanita, Mary Ann Pitre, chez ses parents à Tignish Shore.
Vers 1981, Juanita et ses frères et soeurs ont donné un violon à leur père Raymond, pêcheur de métier, qui était aussi excellent musicien.
Chaque année, autour des vacances de Pâques, Juanita et ses soeurs se réunissent pour fabriquer des mets acadiens. En 2019, c’était des poutines râpées. (Photos : Gracieuseté)