Le 27 mars 2020
- Par Marine Ernoult
De gauche à droite, Louise Gallant, Arielle, Abel et Annie Maynard. La famille fait vivre le français depuis des générations.
En région Évangéline, Louise Gallant défend la langue française. Elle surveille son usage de sa langue. Elle a transmis cette passion, qu’elle tient de sa mère Ida, à sa fille Annie Maynard, qui à son tour lègue le cadeau à ses enfants.
Louise Gallant est une gardienne de la langue française. Elle défend son usage en toute circonstance. Que ce soit à la maison, au travail, avec ses enfants ou entre amis, dans les magasins ou les organismes communautaires, «je ne veux pas perdre mon héritage. Je suis Acadienne!», insiste l’habitante de Saint-Timothée. Une évidence pour l’Acadienne dont la famille parle le français «depuis toujours», dont la mère, veuve, a toujours transmit sa langue à ses sept enfants. «Elle est mon idole, une femme persévérante, qui nous a permis de garder notre identité», confie Louise qui est allée à l’École Évangéline à Abram-Village.
Louise reconnaît les imperfections de son français, mais «veut montrer l’exemple». «Ce n’est pas grave si je fais des fautes de grammaire, c’est mieux que de l’avoir écrit en anglais», affirme-t-elle. Avant d’ajouter : «On ne doit pas avoir peur de s’afficher en français, sinon les anglophones ont tendance à oublier qu’on existe». Elle est donc une adepte «des petites choses, des petits pas», pour éviter que le français disparaisse, que l’anglais ne colonise son vocabulaire et celui de ses proches. «Chacun doit faire sa part», exhorte-t-elle. Sa règle d’or : messages texte et commentaires sur les réseaux sociaux sont écrits en français.
Utiliser les «bons mots»
Le déclic s’est produit à la naissance de ses trois enfants. Avec son mari, elle leur a choisi des prénoms bilingues et, «naturellement», leur a parlé en français. «J’ai réalisé l’importance de la transmission, témoigne Louise. C’est un gros cadeau d’avoir les deux langues, c’est beaucoup d’opportunités». La mère de famille s’est attachée à utiliser les «bons mots». À la maison, les anglicismes n’étaient pas encouragés. «Ma mère était stricte, connue pour être tannante, glisse avec le sourire sa fille Annie Maynard. Quand mes amis venaient à la maison, on faisait attention d’utiliser les mots justes».
Trente ans plus tard, la jeune femme ne regrette pas. «Je suis contente d’avoir été tannée, ça vaut la peine», réagit-elle. École Évangéline, Université de Moncton, la fille de Louise a fait toutes ses études en français sans jamais être séduite par l’anglais. Jusqu’à sa rencontre avec Andrew, son mari anglophone, et surtout, son départ en Alberta pour trois ans. À l’ouest, vie sociale et travail étaient en anglais. «Je n’ai jamais eu peur de perdre mon français, je l’ai toujours parlé avec ma famille, mes amis de l’école, raconte Annie. Je pensais juste plus lentement, ça me venait moins vite que d’habitude, j’écrivais plus vite en anglais.» À ses côtés, Louise se souvient encore d’une blague qu’elle a faite lors du mariage de sa fille : «N’oubliez pas que dans notre famille, à Noël, ce sera toujours une dinde française! Et que je planifie de parler a vos enfants en français!»
«Grâce à mes enfants, mon français revient»
Aujourd’hui de retour dans sa province d’origine, Annie transmet sa langue maternelle à ses deux enfants, Arielle, deux ans et demi, et Abel, quelques mois à peine. «Grâce à eux, mon français revient», se réjouit la maman qui assure que la famille anglophone de son mari soutient leur démarche. «Ils sont contents que nos enfants soient bilingues». Programmes télé en français, activités de Cap enfants, elle veut immerger ses enfants dans un univers francophone. «Je suis très heureuse, que ma fille transmet le français à ses enfants», dit Louise.
À l’Île, la jeune grand-mère est inquiète pour l’avenir du français. «On peut faire mieux. Assurons-nous que dans nos commumnautés francophones ont s’affiche en français en premier et l’anglais par après». Elle a déjà ses idées pour améliorer la situation : une petite musique acadienne dans les magasins pour indiquer qu’on est francophone ou accueillir les clients en français. «Nos ancêtres ont commencé ces entreprises, il faut les continuer», souligne-t-elle, avant d’évoquer l’un de ses plus beaux souvenirs : son voyage dans l’ouest de la France. Durant trois semaines, elle a pu vivre dans sa langue. «C’était magnifique, le rêve, partage Louise. Les gens étaient tout excités de nous entendre utiliser de vieux mots qu’ils avaient perdus».
Louise Gallant reconnaît les imperfections de son français mais «veut montrer l’exemple». «C’est pas grave si je fais des fautes, il faut faire l’effort», affirme l’Acadienne.
«Je n’ai jamais eu peur de perdre mon français, raconte Annie Maynard. Quand j’étais en Alberta, je pensais juste plus lentement, ça me venait moins vite que d’habitude.» (Photos : Marine Ernoult)
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NDLR : FrancoFières est un projet d’Actions Femmes Î.-P.-É. qui a pour objectif de célébrer les mamans et grands-mamans de familles qui ont priorisé l’éducation en français de leurs enfants, malgré les défis. Au total, six chroniques vous sont proposées afin de partager des portraits de familles dans le but d’inspirer d’autres à choisir le français pour leur famille.
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