Culture
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
«On porte un intérêt particulier quand un texte vient de l’Acadie, surtout d’une région où l’on a un peu moins de propositions littéraires», observe Marie Cadieux des Éditions Bouton d’Or Acadie.  (Photo : Daniel Beaudry)

Les auteurs francophones se font rares à l’Île-du-Prince-Édouard. Petit bassin de population, absence d’études supérieures en français, les causes sont multiples selon les éditeurs. Les maisons d’édition veulent se faire connaître et démystifier le métier d’écrivain dans la province. Elles espèrent ainsi susciter des vocations. 

«On reçoit malheureusement bien peu de propositions littéraires de l’Île-du-Prince-Édouard», déplore la directrice générale des Éditions Bouton d’Or Acadie, à Moncton, Marie Cadieux. 

La responsable évoque moins d’un manuscrit par an. Depuis sa création en 1996, la maison d’édition jeunesse a publié cinq auteurs originaires de la province, dont Melvin Gallant et Angèle Arsenault. 

Un nouvel album de Michel Bourque, l’auteur de Rideau rouge et pignons verts, est notamment prévu pour 2026. Les prochaines aventures des Trois mousquetaires du Néo-Brunswickois Denis M. Boucher se dérouleront également à l’île.

«À défaut d’avoir des propositions de l’île-du-Prince-Édouard, j’encourage les auteurs à intégrer des histoires de l’île dans leur imaginaire», explique Marie Cadieux. 

Du côté des Éditions Perce-Neige, la directrice générale, Danielle LeBlanc dresse un constat identique : «J’ai l’impression que nous ne sommes pas connus dans cette région, les gens ne savent pas qu’ils peuvent déposer des manuscrits.»

Dans les dernières années, la maison d’édition, située à Moncton, a seulement publié La liste de Winslow expliquée de Paul Delaney, né à Sumerside. 

Pour les deux éditrices, le très petit bassin de population francophone et l’absence d’études supérieures en création littéraire en français explique en partie le manque de textes venant de l’île. 

À leurs yeux, les habitudes de lecture, «peut-être un peu plus tournées vers l’anglais», précise Marie Cadieux, peuvent également jouer.

«Le problème, c’est le temps» 

Marie Cadieux mentionne par ailleurs le poids de la musique dans la province : «C’est tellement puissant dans les familles, la littérature est possiblement un peu moins au cœur des préoccupations et de l’existence.»

«Mais le potentiel est là, il faut juste trouver les bons outils pour le libérer, assure-t-elle. Je suis sûre que plein de gens ont des histoires à raconter, peut-être qu’ils n’osent pas ou qu’ils n’ont pas le temps.»

Le temps est précisément ce qu’il manque à l’employée de la Commission scolaire de langue française (CSLF), Anne-Marie Rioux. 

«Je mets plein d’idées dans un carnet pour créer des albums jeunesse. Un jour, j’aimerais même écrire un roman pour adulte, le problème, c’est le temps», confie-t-elle. 

En 2018, l’ancienne mentor en littératie, a publié son premier album jeunesse Une visite inattendue aux Éditions les 400 coups : «Ils sont venus me chercher, car j’avais écrit un mini-livret dans une démarche pédagogique.»

«Au début, je ne voulais pas, car ce n’est pas ma carrière principale, je voulais qu’ils donnent mon livret à de vrais auteurs, se souvient-elle. Ça m’a pris beaucoup de discipline et énormément de travail de retravailler l’histoire.»

Sept ans plus tard, elle ne regrette rien quand elle repense à sa participation aux festivals, à ses rencontres avec des élèves en salle de classe. «Je n’avais pas conscience des opportunités qui s’ouvriraient à moi», reconnaît-elle.

Auteurs et littérature dans les écoles

Au Nouveau-Brunswick, les maisons d’édition sont conscientes du travail à faire pour se faire connaître des insulaires. Perce-Neige et Bouton d’Or Acadie sont déjà présentes au Salon du livre de l’Île-du-Prince-Édouard qui a lieu tous les deux ans. 

Danielle Blanc a démarré un partenariat avec la librairie Bookmark à Charlottetown, tandis que Marie Cadieux se rend régulièrement dans la province pour faire des rencontres et essayer «de provoquer des projets».

«Je souffle une idée à l’oreille de quelqu’un, mais ça peut prendre des années avant de se concrétiser», raconte-t-elle. 

«Si les gens veulent nous inviter, ça nous fera plaisir de collaborer. Nous aimerions multiplier les occasions pour découvrir de nouvelles plumes», insiste de son côté Danielle LeBlanc. 

Afin de susciter davantage de vocations, les jeunes doivent être exposés le plus tôt possible au monde du livre et de l’édition. 

«Ça commence à l’école, c’est incroyablement important d’inscrire au curriculum la littérature acadienne et francophone», confirme Danielle LeBlanc. 

«Les auteurs doivent circuler dans les salles de classe, et pas seulement pendant le Salon du livre, appuie Marie Cadieux. Ça peut aider à démystifier le métier, à le rendre plus accessible, à montrer que c’est possible d’écrire en français.»

L’Acadienne croit aussi en l’importance des ateliers d’écriture à destination des adultes, pour les aider à «développer leur talent et leur voix.»  

2-Danielle_LeBlanc.jpgDanielle LeBlanc des Éditions Perce-Neige insiste sur la nécessité d’enseigner la littérature francophone et acadienne dans les écoles. (Photo : Mathieu Léger)

3-Anne-Marie-Rioux.jpgAnne-Marie Rioux a toujours écrit et consigné ses pensées dans un journal pour le plaisir.   (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)

4-Melvin_Gallant.jpgLes Éditions Bouton d’Or Acadie ont publié les œuvres de Melvin Gallant.

5-Rideaurougeetpignonsverts.jpgUn nouvel album jeunesse de Michel Bourque, l’auteur de Rideau rouge et pignons verts, est prévu pour 2026.

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