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Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
L’écotoxicologue Magali Houde explique que les larves de homard sont les plus sensibles aux effets des microplastiques. (Photo : Gracieuseté)

Une nouvelle étude est lancée pour documenter les conséquences des microplastiques sur les homards de la région. Cette pollution est susceptible de nuire à tous les poissons et invertébrés marins du golfe du Saint-Laurent. Selon les scientifiques, de nombreuses inconnues demeurent sur les effets à long terme.

Un chercheur de l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, lance une nouvelle étude pour documenter les impacts des microplastiques sur les larves de homard dans les eaux de l’Atlantique.

Au cours des cinq prochaines années, des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) permettront d’étudier «l’effet de l’évolution des conditions environnementales sur la vie marine, y compris sur des espèces commercialement importantes comme le homard», peut-on lire dans un communiqué publié par l’Université.

En d’autres mots, les scientifiques souhaitent mieux comprendre les impacts cumulés du changement climatique et de diverses sources de pollution, notamment les microplastiques et les particules issues de l’usure des pneus. 

«Les organismes aquatiques ne sont plus seulement exposés à un seul facteur, mais à ce qu’on appelle des effets cumulatifs : l’acidification et l’augmentation de la température des océans, le mélange de dizaines de contaminants environnementaux», explique la spécialiste en écotoxicologie aquatique à Environnement et Changement Climatique Canada, Magali Houde. 

Des larves, «plus sensibles aux stress environnementaux»

Dès le stade larvaire, les homards peuvent ingérer du microplastique, soit directement soit en mangeant des proies - comme du zooplancton ou du phytoplancton - contaminées par des particules. 

«Les larves sont les plus sensibles aux stress environnementaux et les plus à risque de souffrir des microplastiques», indique Magali Houde.

«C’est comme pour l’embryon humain dans le ventre de la mère, extrêmement sensible à son environnement», poursuit le professeur émérite en éco-toxicologie moléculaire en milieux côtiers à l’Institut des sciences de la mer à Rimouski au Québec, Émilien Pelletier. 

En 2020, une étude a montré que les fibres de microplastiques augmentent la mortalité des larves de homard américain dans le Golfe du Maine. Les fibres s’accumulent sous la carapace et dans le tube digestif des individus les plus jeunes.

«Il y a effectivement des inquiétudes, les microplastiques pourraient affecter la croissance des larves, leurs systèmes immunitaire et digestif, confirme Émilien Pelletier. Mais il faut interpréter ces résultats prudemment, on manque encore de recherches réalisées en milieu naturel.» 

«Les effets des micros et nanoplastiques sont de plus en plus étudiés ces dernières années, on essaie de standardiser les méthodes d’analyse au niveau international», appuie Magali Houde.

Pour Émilien Pelletier, la pollution le long des côtes de la Nouvelle-Angleterre est par ailleurs nettement supérieure à celle le long des rives du Golfe du Saint-Laurent. 

«Je ne pense pas qu’il y ait des concentrations très importantes de microplastiques dans les eaux autour de l’Île-du-Prince-Édouard où la population humaine est relativement faible», affirme-t-il. 

Manque de données 

À l’âge adulte, les homards de plus grande taille parviennent plus facilement à se débarrasser des fibres de microplastiques, assure Émilien Pelletier : «Elles sont très indigestes, elles sont donc relâchées presque aussitôt après être rentrées.» 

«Mais quand elles cheminent par le tube digestif, il y a un risque qu’elles soient libérées dans le reste de l’organisme, il n’y a pas beaucoup de données sur le sujet», reconnaît-il.

Les crustacés ne sont pas les seules espèces du Golfe affectées par cette pollution, tous les autres poissons et invertébrés marins en sont aussi victimes. 

«Ça peut s’accumuler dans leur système digestif, toucher leurs systèmes reproductif, neurologique, immunitaire, inflammatoire, observe Magali Houde. Le spectre des effets est assez large, tout dépend de la sorte et de la composition du plastique.»

«Plus les particules sont petites, plus elles sont capables de pénétrer dans les cellules et tissus de l’organisme. Et les effets à long terme restent encore inconnus», ajoute-t-elle. 

Magali Houde insiste également sur la dangerosité des substances chimiques utilisées dans la fabrication du plastique comme les phtalates, «qui peuvent être relâchées dans les océans et transportées sur de longues distances.»

Seule bonne nouvelle, Émilien Pelletier a constaté lors de ses recherches que les microplastiques ne restent pas longtemps à l’intérieur des pétoncles et des moules du Golfe.

«On observe un auto-nettoyage rapide après quelques heures ou quelques jours, les fibres sont naturellement filtrées, car elles n’ont aucune valeur nutritive», relève-t-il. 

2-Emilien_Pelletier.jpgLe chercheur Émilien Pelletier se veut rassurant : «Le risque est extrêmement faible pour la santé humaine. Quand on mange du homard, on ne mange pas son système digestif où il peut y avoir des traces de microplastique.»  (Photo : Gracieuseté)

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