À l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), la croissance démographique, portée par la migration internationale, reste forte. Si la population continue de croître, elle vieillit aussi à toute allure sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie et de la baisse de la natalité. Une mutation sur le point de transformer la société.
Entre juillet 2023 et 2024, l’Île-du-Prince-Édouard a accueilli 4 837 nouveaux résidents. Dans la dernière décennie, la province a vu sa population augmenter de 24 %.
Dans un rapport sur le sujet, Statistique Canada précise que cette croissance démographique est presque entièrement due aux nouveaux arrivants.
«Le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a vraiment ouvert les portes à l’immigration internationale en 2015 et, depuis, la croissance est très forte dans tout le pays», confirme le démographe à l’Université de Montréal, Michaël Boissonneault.
En 2015, le gouvernement de l’Î.-P.-É. a lui aussi lancé une stratégie pour augmenter l’immigration avec l’objectif clair de rajeunir la population.
Natalité en berne
«C’est une illusion, l’immigration ne permet pas de renouveler les populations, ça peut tout au plus contribuer à faire descendre l’âge médian d’un an ou deux ans», considère Michaël Boissonneault.
«Les populations vont vieillir de toute façon, peu importe le nombre d’immigrants qu’on fait entrer», ajoute-t-il.
Dans la province de l’Île-du-Prince-Édouard, 20,6 % de la population insulaire est ainsi âgée de 65 ans et plus, contre 18,9 % au niveau national.
«Et les immigrants ne sont pas si jeunes que ça, ils ont en moyenne entre 30 et 35 ans, la différence d’âge est peut-être d’une dizaine d’années tout au plus avec la population d’accueil, ça ne suffit pas», précise le démographe Michaël Boissonneault.
En réalité, les problèmes fondamentaux restent la chute de la natalité et l’allongement de l’espérance de vie. Le nombre d’insulaires âgés de 0 à 14 ans augmente plus lentement que le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans et de 65 ans et plus.
Jamais l’accroissement naturel n’a été aussi faible à l’Île-du-Prince-Édouard, avec 175 décès de plus que les naissances en 2022-2023. L’indice de fécondité baisse année après année. Il était de 1,22 en 2023 contre 1,33 à l’échelle du pays.
«Tant que le nombre de naissances restera en dessous du seuil de renouvellement des générations qui est de 2,1 enfants par femme, le vieillissement est inéluctable», souligne Michaël Boissonneault.
«On vit plus longtemps en bonne santé»
Ce vieillissement démographique va bouleverser la société. Comment financer la hausse des dépenses liées à l’âge? Comment préparer l’avenir des plus jeunes lorsque les aînés domineront? De quelle façon les relations entre les générations se réécriront-elles?
Pour Michaël Boissonneault, la société doit avant tout se concentrer sur les opportunités offertes par ce vieillissement : «Il ne faut pas nécessairement le voir comme quelque chose de négatif, c’est aussi un accomplissement des sociétés modernes.»
«Surtout que l’on vit plus longtemps en bonne santé, c’est une excellente nouvelle», estime le démographe, qui évoque notamment le report de l’âge de départ à la retraite.
«C’est tout à fait possible pour la plupart des gens si l’on adapte les postes et temps de travail pour permettre aux aînés de rester plus longtemps», poursuit-il.
Le gouvernement devra aussi mettre en œuvre des mesures pour contenir les dépenses de santé. Sous l’effet du vieillissement, celles-ci progresseront plus vite que la croissance dans les économies industrialisées ces quinze prochaines années, prévient l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Si l’on ajoute à cela l’envolée des dépenses de retraite et du financement de la dépendance, la dette publique moyenne y gonflera de 110 à 240 % du PIB d’ici à 2050 si rien n’est fait.