Société
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
«C’est l’une des premières générations à parler ouvertement de santé mentale, il faut croire les jeunes s’ils disent que quelque chose ne va pas», souligne Kels Smith de P.E.E.R.S Alliance. (Photo : Gracieuseté)

Les adolescents de l’Île-du-Prince-Édouard ne sont pas satisfaits de leur vie et sont inquiets pour leur avenir. Pauvreté, impact des réseaux sociaux et du changement climatique, les raisons derrière cette souffrance sont nombreuses. Alors que la santé mentale des jeunes est fragile, les ressources pour les aider font défaut. 

À l’Île-du-Prince-Édouard, un jeune sur quatre, entre 12 et 17 ans, se dit insatisfait de sa vie. Il s’agit du taux de mécontentement le plus élevé du pays. 

Par ailleurs, moins d’un adolescent sur trois considère que sa santé mentale est très bonne ou excellente. C’est ce qu’il ressort d’un récent rapport publié par Statistique Canada. 

Kels Smith, coordinatrice du programme jeunesse de P.E.E.R.S Alliance, ne se dit pas surprise : «Il n’est pas étonnant que les jeunes soient en difficulté et inquiets, ils voient tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, c’est tellement énorme et effrayant.»

La travailleuse sociale estime que les jeunes, issus de milieux économiquement défavorisés ou de communautés marginalisées, sont plus susceptibles d’avoir une santé mentale fragile.

«Les jeunes ont traversé beaucoup de choses pendant la COVID-19, l’isolement, le chagrin, cette détresse est toujours présente», poursuit Diana Martin, conseillère au sein de l’organisme Jeunesse, J’écoute qui offre des services d’intervenants psychologiques partout au pays.

Selon les deux professionnelles, de nombreux facteurs expliquent l’insatisfaction des adolescents de la province. 

Des adolescents «constamment reliés à leur téléphone»

Kels Smith pointe notamment la crise du logement et l’augmentation des prix des produits alimentaires qui ont précipité dans la pauvreté une partie de la population insulaire. 

Elle met aussi en cause l’impact négatif des médias et des chaînes d’informations en continu : «Les jeunes sont beaucoup plus conscients qu’avant des mauvaises nouvelles, ils ont du mal à avoir de l’espoir dans l’avenir.»

Elle dénonce en outre les conséquences des réseaux sociaux auxquels les adolescents sont scotchés du matin au soir. 

«La pression sociale pour essayer de répondre aux attentes que les jeunes voient en ligne est continuelle, et les intimidations électroniques peuvent se produire n’importe quand», regrette-t-elle. 

«Depuis la COVID-19, les jeunes sont constamment reliés à leur téléphone, l’apparence d’eux-mêmes n’a jamais été aussi importante», abonde dans le même sens Hayden Cotton, président de Jeunesse Acadienne et Francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (JAFLIPE). 

Aux yeux de Kels Smith, la solution n’est pas nécessairement d’interdire les réseaux sociaux, car «pour beaucoup de jeunes, ils sont au cœur de leur vie sociale». 

«Il s’agit davantage d’avoir des discussions sur ce qu’ils voient, les aider à discerner ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, essayer de leur apprendre à utiliser correctement ces outils», insiste-t-elle. 

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En janvier 2024, lors de la tournée de JAFLIPE dans les écoles, Hayden Cotton a entendu de nombreux jeunes parler de santé mentale.  (Photo : Jacinthe Laforest, La Voix acadienne)

Manque d’activités en français 

De son côté, Hayden Cotton évoque le manque d’activités pour la jeunesse à l’Î.-P.-É., encore plus en français.

«Il n’y a pas beaucoup de choses à faire à l’extérieur de JAFLIPE et des centres scolaires communautaires, surtout durant l’hiver», déplore le chef de file communautaire. 

L’Acadien parle également de l’anxiété liée aux changements climatiques, «si visibles» à l’île. 

«Fiona m’a vraiment rendu anxieux, un ou deux autres ouragans comme ça pourraient détruire notre belle île et complètement changer la vie», confie-t-il. 

Pour répondre à ce mal-être, les services en santé mentale manquent dans la province. 

«C’est très difficile de pouvoir parler avec un spécialiste, il y a de longues listes d’attente», confirme Kels Smith. 

«Dans les petites communautés, on a souvent l’impression que ce n’est pas privé. Il se peut que des gens vous voient y aller, que le conseiller est un ami, un voisin de vos parents», ajoute Diana Martin. 

En attendant, les deux spécialistes incitent les parents à être plus à l’écoute, à parler avec leurs enfants de leurs angoisses pour les aider à retrouver de l’espoir. 

«Il faut donner aux jeunes un espace où ils peuvent s’ouvrir et partager leurs idées, un espace où ils ne sont pas occupés et où ils peuvent vraiment entendre et écouter», insiste Diana Martin. 

Au sein de JAFLIPE, Hayden Cotton aimerait lancer des activités autour de la santé mentale : «Il faut dire à ces jeunes qui ne vont pas bien qu’il ne sont pas seuls, la communauté, l’école, JAFLIPE sont avec eux.»

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Diana Martin de Jeunesse, J’écoute explique que l’organisme offre de l’aide 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 jours en français et en anglais aux jeunes en détresse.(Photo : Gracieuseté)

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