Alors que les politiciens blâment les immigrants pour la crise du logement et des soins de santé, La Voix acadienne s’est tournée vers une autre sorte d’histoire, celle de Cristina Morales, native du Vénézuéla, dont la fille, Paulina, vient de remporter la Médaille de bronze de la Gouverneure générale du Canada et poursuit ses études à l’Université de Moncton. Son rêve est de devenir cardiologue. «Ça n’aurait pas été possible si j’étais restée au Vénézuéla, dans la situation où le pays était et est toujours», dit Cristina Morales.
Biologiste dans l’industrie pétrolière au Vénézuéla, Cristina Morales exerçait son travail avec passion.
«Très jeune, j’ai compris qu’on pouvait changer les choses de l’intérieur et ça m’est resté. J’ai toujours été inquiète pour l’environnement et, disons-le, l’industrie pétrolière fait beaucoup de dommages à l’environnement.
J’ai fait mes études et j’ai été embauchée pour surveiller que les diverses composantes de la compagnie respectaient les règles de l’environnement.Le traitement des eaux, le nettoyage de la terre, le reboisement, etc.
J’étais le cauchemar de tous ces gens. Puis Hugo Chavez a pris le pouvoir. Il a fait en sorte que toutes les personnes qui n’appuyaient pas son gouvernement soient congédiées. J’ai perdu mon emploi, en même temps que plusieurs membres de ma famille, car tout le monde travaille dans le pétrole au Vénézuéla. C’est de là que l’argent vient», dit Cristina Morales.
De pays riche et politiquement stable, au début des années 2000, le Vénézuéla a changé rapidement, au point où ce n’était plus possible pour Cristina de s’imaginer élever des enfants dans son pays d’origine. À cette époque, son mari était déjà vétérinaire, mais il avait atteint le plus haut niveau d’apprentissage disponible dans son pays.
«Le Vénézuéla a de l’argent.Mon mari pouvait aller étudier presque n’importe où dans le monde.Ma sœur et moi, on a fait une recherche Google pour trouver le pays avec la meilleure qualité de vie possible : il y avait l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada.
Moi j’ai choisi le Canada à cause du froid. Ma sœur a choisi l’Australie à cause de la chaleur. Elle vit toujours là-bas avec son mari et ses enfants.»
Le mari de Cristina a rejoint une université à Montréal pour y faire sa maîtrise en médecine vétérinaire.
«J’étais enceinte de Paulina quand nous avons déménagé à Montréal, avec notre résidence permanente. Mes deux enfants sont nés à Montréal.
Après sa maîtrise, mon mari a poursuivi au doctorat et il est venu ici à UPEI, au Collège vétérinaire de l’Atlantique.Nous sommes arrivés à l’Île en 2010. Pour mon mari, ça n’a pas fonctionné. Il est reparti au Vénézuéla, mais moi, je suis restée, car entre-temps, j’avais découvert la communauté francophone.
J’avais mon emploi au CPE et en plus, je poursuivais mes études à temps partiel pour obtenir ma certification. J’avais ma vie ici et je voulais que mes enfants aient leur vie ici.»
Cristina Morales déborde de reconnaissance pour la communauté francophone qui gravite autour du Carrefour de l’Isle-Saint-Jean.
Les larmes lui montent aux yeux lorsqu’elle décrit la période «de folie» où elle a été acceptée par le programme Habitat pour l’humanité pour avoir sa propre maison, et où les gens de son entourage lui ont procuré le soutien et l’aide dont elle avait besoin, surtout dans cette période où elle devenait cheffe d’une famille monoparentale.
Profiter de la fête
Après ces années «de folie», Cristina profite de la vie qu’elle s’est construite. Elle voit ses enfants s’épanouir, elle a une carrière qu’elle adore autant, sinon plus que sa précédente carrière.
Elle poursuit des études en administration dans le domaine de la petite enfance, et elle a du temps pour réfléchir au sort des gens qui, comme elle, ont répondu «à l’invitation» de venir s’établir au Canada, en profitant des programmes existants. La situation des immigrants dont le statut est incertain l’inquiète profondément.
«Imagine que tu organises une grande réception.Tu invites un certain nombre de personnes et selon les réponses, tu t’as-sures que tu as assez de chaises, de nourriture, de salles de toilette, et d’espace pour toutes les personnes qui répondent à ton invitation. Si tu n’as pas de place pour tout le monde, c’est la faute à qui?
Certainement pas à ceux qui ont simplement répondu à ton invitation et qui ont confirmé leur présence», dit Cristina.
Elle se met à la place de ces personnes qui, dans certains cas, ont vendu tout ce qu’elles possédaient pour «répondre à cette invitation» qu’ils croyaient sincère. «Leur dire, après tout ce temps, qu’ils doivent retourner chez eux est la chose la plus inhumaine qu’on puisse faire. S’il faut mettre des limites, mettez-les sur les prochains programmes», dit-elle.
De plus, elle voit dans le climat politique prince-édouardien et canadien des signes d’instabilité et elle avertit : aucune démocratie n’est totalement à l’abri de mauvaises décisions.