Société
Par Marine Ernoult / Francopresse
Depuis 2002, les personnes immigrantes francophones doivent passer le TEF Canada pour obtenir leur résidence permanente ou leur citoyenneté canadienne. Un récent rapport parlementaire recommande de créer un nouveau test conçu et géré au Canada. (Photo : sauvageauch0, Pixabay)

Pour obtenir leur résidence permanente ou leur citoyenneté, les personnes immigrantes doivent passer le Test d’évaluation du Français Canada. Jugé trop cher, trop dur et inadapté à la culture canadienne, cet examen est régulièrement critiqué. À Ottawa, un comité parlementaire recommande la création d’un nouveau test.

«J’ai été étonné de la difficulté du TEF [Test d’évaluation du Français], surtout pour l’expression écrite. Les questions étaient assez compliquées, pas toujours claires et on n’avait pas beaucoup de temps pour y répondre», témoigne Adil Khallate de l’Île-du-Prince-Édouard.

Originaire du Maroc, ce nouvel arrivant a fait l’examen en janvier 2024, en vue d’obtenir sa résidence permanente. Depuis 2022, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) utilise le TEF pour attester du niveau de langue française des candidats à l’immigration.

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Adile Khallate avait déjà passé le TEF au Maroc il y a quelques années, mais à cause de sa durée de validité de deux ans, il a dû le repasser en début d’année au Canada. (Photo : Jacinthe Laforest)

Créé en 1998 par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris, le TEF est «le premier test standardisé de français général dans le monde et 80 pays le reconnaissent aujourd’hui», affirme l’organisme dans un courriel.

Il est composé de quatre épreuves : compréhension écrite, compréhension orale, expression orale et expression écrite.

Selon Sarah Théberge, qui gère l’administration du TEF au sein de l’Université Bishop’s au Québec, l’épreuve de compréhension orale est celle qui suscite le plus de commentaires de la part des candidats.

«Franco-français»

La spécialiste regrette le manque d’«inclusivité» des thèmes de discussion proposés par rapport à des immigrants provenant de cultures et de milieux très divers, ayant des niveaux de scolarité hétérogènes.

«C’est très franco-français et les candidats ne comprennent pas des sujets qui leur sont complètement inconnus, ça ne fait pas partie de la culture de leur pays d’origine», souligne-t-elle. «Le test est vraiment axé sur la France […] Il ne prend pas en considération la réalité canadienne et le français d’ici, où nous avons un vocabulaire vraiment différent par rapport à la France», renchérit Adil Khallate.

Sarah Théberge note néanmoins les efforts de la CCI de Paris pour s’éloigner des thématiques hexagonales et s’ouvrir à la diversité canadienne dans le TEF Canada.

Depuis deux ans, les candidats qui ne sont pas à l’aise avec les outils technologiques sont néanmoins confrontés à un obstacle supplémentaire : papier et crayon sont désormais interdits.

«Ce passage au tout numérique désavantage ceux qui ne savent pas bien utiliser un ordinateur, déplore la responsable. On finit par évaluer les compétences en technologie alors qu’au départ, on veut évaluerles compétences langagières.»

Coût exorbitant 

À l’Île-du-Prince-Édouard, Adil Khallate a dû se déplacer à plus de 200 kilomètres de chez lui pour passer le TEF, car aucun centre d’examen n’est agréé par IRCC dans sa province.

Entre le prix du test, le coût du transport et du péage, il a dû débourser 550 dollars : «C’est très cher, surtout pour des résidents temporaires qui vivent souvent des situations précaires et ont beaucoup d’autres coûts au niveau des démarches d’immigration.»

Adil Khallate est loin d’être le seul nouvel arrivant à éprouver ce genre de difficultés. Dans un récent rapport, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes estime que le TEF «représente un obstacle à l’obtention de la résidence permanente», à cause de son niveau de difficulté élevé, ses frais d’inscriptions dispendieux et sa courte durée de validité de deux ans.

Le comité parlementaire préconise ainsi la création d’un nouveau test, conçu et administré au Canada par les établissements postsecondaires de langue française en situation minoritaire et au Québec.

L’objectif serait d’avoir un examen «adapté à la réalité et aux besoins de la société canadienne», dont le coût est abordable et uniformisé. Le comité suggère d’augmenter la durée de validité à cinq ans. 

Les candidats auraient le choix de passer le TEF Canada ou cette nouvelle évaluation. Fournir assez de ressources dans une réponse écrite, l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) dit avoir «pris connaissance de la recommandation» et assure qu’elle en parlera «avec ses partenaires pour bien cerner les enjeux, les attentes et les responsabilités de chacun». 

De son côté, Sarah Théberge salue l’idée, avant de prévenir : «Nous aurons besoin de ressources humaines et financières en plus pour le créer.»

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Sarah Théberge estime que la création d’un nouveau test serait «bénéfique», mais doit s’accompagner de ressources supplémentaires. (Photo : Gracieuseté)

«C’est une logistique compliquée, l’organisation demande du personnel formé, des ressources technologiques et informatiques sécurisées», poursuit-elle.

À ses yeux, les candidats choisiront un test plutôt qu’un autre en fonction de considérations pratiques : les dates des prochaines sessions, le centre agréé le plus près de leur domicile. Pour éviter un système à deux vitesses, elle appelle surtout à pratiquer des tarifs similaires pour les deux examens. 

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