Les droits des jeunes LGBT sont en recul dans plusieurs provinces du pays. À l’Île-du-Prince-Édouard, le gouvernement en place réaffirme régulièrement son soutien à la communauté. Les militants s’inquiètent néanmoins d’un mouvement de fond qui répand la haine et la peur parmi la population.
Les politiques sur l’identité de genre et l’éducation sexuelle dans les écoles cristallisent les tensions. En septembre dernier, le centre-ville de Charlottetown a été le théâtre d’une violente manifestation organisée par des groupes hostiles aux droits des jeunes de la communauté 2ELGBTQIA+.
Plus tôt dans l’année, des parents ont fait circuler une pétition pour demander l’abolition des lignes directrices sur l’identité de genre dans les écoles de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.). Ces lignes directrices visent à faire des établissements scolaires des espaces sécuritaires et accueillants pour tous les élèves.
Le mouvement ne se limite pas à l’Î.-P.-É. Au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan, les gouvernements provinciaux ont carrément imposé des révisions des politiques sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les écoles.
Depuis l’an dernier, les enseignants néo-brunswickois et saskatchewanais doivent obtenir le consentement des parents si l’un de leurs élèves de moins de 16 ans souhaite utiliser un prénom ou un pronom autre que celui qui lui a été attribué à la naissance.
Théories du complot en hausse
Au début du mois de février, la Première ministre d’Alberta, Danielle Smith, a également annoncé son intention d’adopter une nouvelle politique obligeant les élèves de 15 ans et moins à obtenir l’autorisation de leurs parents pour utiliser un nom ou un pronom différent à l’école.
«Ils prennent le prétexte des politiques dans les écoles, c’est une excuse, c’est de l’homophobie déguisée, estime l’acadienne Janine Gallant, qui a dévoilé son homosexualité il y a quelques années. Ces gens ont beaucoup de haine contre nous, ils ne supportent pas que nous ayons des droits.»
«Il y a beaucoup plus de théories du complot qui circulent sur internet et qui commencent à radicaliser les gens même ici à l’île», poursuit Josie Baker, directrice générale de PEERS Alliance, qui offre des programmes de soutien aux jeunes transgenres à l’île.
Selon la responsable, des personnes mal intentionnées profitent «du fait que la plupart des gens ne savent pas beaucoup de choses sur le sujet» pour instiller la peur et attaquer les personnes de la communauté 2ELGBTQIA+.
Jusqu’alors, le gouvernement insulaire de Dennis King a toujours fermement défendu les droits des jeunes LGBT.
«Nous discutons régulièrement de ce sujet avec le ministère de l’Éducation et ils n’ont aucune intention de changer les lignes directrices dans les écoles», confirme Josie Baker.
Aux yeux de Janine Gallant, ces politiques sont des outils précieux qui aident les enseignants à appuyer les jeunes et à parler aux parents : «Autrement, c’est très difficile pour eux de savoir quoi faire, ils ont souvent peur d’aborder ces questions avec les familles.»
Janine Gallant (à gauche) et Anastasia Desroches ont manifesté à Charlottetown en septembre dernier pour soutenir les jeunes de la communauté 2ELGBTQIA+.
Santé mentale fragilisée
Janine Gallant observe néanmoins de plus en plus d’ouverture et de tolérance de la part des Prince-Édouardiens.
«Il y aura toujours des gens qui restent dans leurs croyances. Mais, souvent, si les parents n’en parlent pas à la maison, c’est parce qu’ils n’ont pas le langage, le bon vocabulaire. Il suffit de les sensibiliser», assure la militante.
Josie Baker relève de son côté une différence notable entre Charlottetown et le reste de la province : «Ça reste beaucoup plus stigmatisé en région rurale, il y a encore des jeunes qui sont chassés de chez eux. Les gens ont peur du regard des autres.»
Les deux insulaires placent beaucoup d’espoir dans la nouvelle génération.
«C’est devenu complètement correct et normal chez les jeunes, ils savent qu’ils ont plus d’options s’ils ne se sentent pas corrects dans leur corps, qu’il n’y a rien de mal» salue Josie Baker.
«On ne voyait pas ça à mon époque, ce n’était pas du tout accepté. On n’en parlait pas, car on craignait de se faire agresser», poursuit Janine Gallant.
En dépit des avancées, un sentiment de peur se propage dans la communauté 2ELGBTQIA+ de l’île.
«À chaque fois qu’il y a une nouvelle politique discriminatoire adoptée ailleurs au pays ou de nouvelles manifestations, ça impacte la santé mentale de la communauté, beaucoup de jeunes ne se sentent pas en sécurité», regrette Josie Baker.