Des teintes chatoyantes s’emparent des paysages de l’Île-du-Prince-Édouard. Des jours plus courts et des nuits plus fraîches expliquent ce changement de couleur qui aide les arbres à survivre l’hiver. Le réchauffement climatique pourrait bouleverser le phénomène naturel.
L’automne est arrivé à l’Île-du-Prince-Édouard, la nature commence à frissonner et les feuillages changent de couleur. Des palettes de pourpres et de dorées colorent les paysages insulaires.
C’est la baisse de la lumière naturelle qui est en cause. Pour comprendre le phénomène, il faut se rappeler que les plantes fabriquent elles-mêmes leur nourriture en utilisant l’énergie du soleil.
Ce processus se nomme photosynthèse et s’effectue principalement grâce à la chlorophylle, le pigment vert contenu dans les cellules des feuilles. C’est ce pigment qui capte l’énergie lumineuse.
À la fin de l’été, à mesure que les journées raccourcissent, les arbres reçoivent moins de lumière du soleil et ralentissent leur métabolisme en diminuant graduellement la photosynthèse.
Écran solaire
À ce moment-là, la chlorophylle s’efface, et le vert avec elle, révélant des couleurs plus chaudes. Ces dernières sont causées par des pigments naturellement présents toute l’année dans les feuilles. Les caroténoïdes sont responsables des teintes orangées tandis que les xanthophylles sont à l’origine des tons de jaunes.
Certains arbres, comme le chêne rouge d’Amérique ou certaines essences d’érables, arborent de flamboyantes feuilles rouges dues aux anthocyanines. Ces pigments sont eux produits seulement à l’automne.
«L’ensemble de ces pigments protège les arbres des effets nocifs du soleil lorsque les températures sont plus froides, ils agissent comme un écran solaire», explique Simon Joly, chercheur au Jardin botanique de Montréal et directeur de l’Institut de recherche en biologie végétale.
«Cette protection permet un meilleur recyclage et stockage des nutriments qui se trouvent dans les feuilles. Ces nutriments vont permettre aux arbres de mieux résister au froid de l’hiver», ajoute le biologiste.
Selon une autre hypothèse, les changements de coloration seraient avant tout le signe d’un réflexe de survie des végétaux. Il s’agirait d’un moyen de repousser les insectes, qui décident, l’hiver arrivant, d’aller se réfugier au chaud dans un tronc. Les arbres, devenus moins attrayants, subiraient moins de dégâts à l’arrivée du printemps.
Simon Joly est chercheur au Jardin botanique de Montréal et directeur de l’Institut de recherche en biologie végétale. (Photo : Amélie Philibert)
Laissez les feuilles au sol
Quelle que soit l’explication, les changements climatiques pourraient perturber la coloration normale des feuilles dans les années à venir. «Les températures au-dessus des normales de saison pourraient diminuer la pigmentation, surtout si le froid arrive brutalement par la suite, avance Simon Joly. Mais ça reste difficile à prédire et ça risque de varier d’une année sur l’autre.»
Les événements climatiques extrêmes, amenés à se multiplier avec le réchauffement, sont également susceptibles d’avoir des impacts négatifs sur les couleurs d’automne.
La fumée des feux de forêt, mais aussi les sécheresses pourraient par exemple inciter les arbres à révéler prématurément leurs couleurs.
En attendant, Simon Joly conseille de laisser les feuilles tombées au sol là où elles sont.
«Ce n’est pas la peine de les ramasser, elles vont se recycler d’elles-mêmes. Elles vont enrichir le sol et apporter des nutriments aux arbres», insiste le chercheur.
Si la couche de feuilles mortes est trop épaisse au point d’étouffer le gazon, Simon Joly conseille de les déchiqueter avec une tondeuse afin d’accélérer le processus de décomposition.
Avec l’arrivée de l’automne à l’Île, une palette de pourpres et de dorés colorent les paysages insulaires. (Photo : Biran MacInnis)