Société
Par Marine Ernoult  Initiative de journalisme local — APF — Atlantique
Shayla Steinhoff, gestionnaire de projet au Trout River Environmental Committee. (Photo : Gracieuseté)

Des organismes de protection de l’environnement de l’Île-du-Prince-Édouard viennent de lancer deux campagnes de sensibilisation pour inciter les insulaires à répandre moins de sel de voirie, en particulier près des cours d’eau.  Car si le sel de déneigement rend les routes plus sûres, son utilisation n’est pas sans effet négatif sur la faune et la flore. 

Chaque hiver, près de 30 000 tonnes de sel de voirie sont épandues sur les routes et allées privées de l’Île-du-Prince-Édouard.  À cause de la pluie et de la fonte des neiges, ce sel finit par ruisseler dans les nappes phréatiques, les cours d’eau et les zones humides, avec des effets nuisibles sur la faune et la flore. 

«Trop de gens ne connaissent pas les impacts négatifs sur l’environnement de l’excès de sel de déneigement», regrette Shayla Steinhoff, gestionnaire de projet au Trout River Environmental Committee (TREC). 

«Nous comprenons que le sel rend les routes plus sécuritaires, mais il a des conséquences néfastes sur la fertilité des sols, la croissance et le comportement des poissons, des amphibiens, des oiseaux, ou encore des mammifères», renchérit Lily McLaine, chargée de projet bassin versant au sein du Stratford Area Watershed Improvement Group (SAWIG). 

Les deux organismes de protection de l’environnement ont ainsi lancé deux campagnes de sensibilisation inédites sur les médias sociaux. 

L’objectif?  Inciter les Insulaires à répandre moins de sel sur le réseau routier.  «Nous allons aussi organiser des sessions d’informations lors d’évènements communautaires pour faire passer le message», précise Shayla Steinhoff. 

Des arbres empoisonnés  

La campagne de TREC met notamment l’accent sur la grenouille des bois.  «À cause de sa peau extrêmement mince, ce petit animal est très sensible à la contamination par le sel de voirie, qui peut changer le sexe des œufs, nuire à sa croissance et augmenter son taux de mortalité», explique Shayla Steinhoff. 

«Les mammifères, comme le lièvre d’Amérique, qui vont sur les routes pour consommer ce sel, peuvent être heurtés par des véhicules», ajoute Lily McLaine. La chargée de projet évoque également certains oiseaux migrateurs, intoxiqués par le chlorure de sodium, composant principal du sel de déneigement : «Ils ne peuvent pas en réguler le niveau dans leur corps, ce qui provoque des changements de comportement et affecte leurs chances de survie.»

Le sel de voirie est par ailleurs l’ennemie publique numéro un des arbres.  Le chlorure de sodium pénètre dans le sol, où il se substitue aux éléments minéraux indispensables à la nutrition de l’arbre (potassium, magnésium, calcium). 

Une fois absorbé par les racines, il envahit progressivement tous les organes de l’arbre, le sodium montrant une préférence pour les racines et la base du tronc, le chlore migrant vers les extrémités des branches et vers les feuilles.

Créer des zones tampons 

«Même lorsque l’épandage a été abandonné, le chlorure de sodium persiste dans l’arbre durant des années.  Outre les carences nutritives qu’il entraîne, il continue d’y exercer son effet toxique», révèle Shayla Steinhoff. 

Brûlure des feuillages, mort prématurée des brindilles et des rameaux, réduction générale de croissance, le poison se répand insidieusement. 

Les deux associations environnementales insistent sur l’importance de créer des plans de gestion dotés de mesures d’atténuation.  Shayla Steinhoff parle notamment de la création de zones tampons de végétation afin de limiter les risques de contamination des milieux les plus vulnérables.  

Dans le cadre de sa campagne, le SAWIG offre aussi des conseils aux propriétaires.  Lily McLaine recommande avant tout de pelleter la neige pour réduire le recours au sel de voirie.  «Il n’est pas toujours nécessaire d’en épandre sur toute l’entrée.  Il suffit parfois de saupoudrer légèrement les plaques de verglas», poursuit-elle.  Surtout, la chargée de projet bassin versant préconise aux insulaires qui vivent à moins de 100 mètres d’un cours d’eau d’utiliser du sable ou un mélange de sable et de sel pour leur allée.  «Il existe d’autres solutions écologiques comme un mélange de sable et de sciure de bois», détaille-t-elle. 

Les services techniques du ministère des Transports de la province ont d’ores et déjà réduit leur utilisation de sel et n’en utilisent plus que sur 10 % des routes.  

Lily McLaineLily McLaine est chargée de projet bassin versant au sein du Stratford Area Watershed Improvement Group. (Photo : Gracieuseté)

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