Société
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Anne Robineau est directrice adjointe de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.  (Photo : Gracieuseté) 

Depuis plusieurs décennies, une même idée anime les organismes jeunesse de la francophonie canadienne, comme Jeunesse acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard : celle de placer les jeunes au centre.  Lutter contre l’insécurité linguistique, former des citoyens engagés pour la défense de leurs droits, actifs dans leur communauté, les objectifs sont multiples.  Un défi subsiste, celui de s’ouvrir à la diversité.

Depuis 45 ans, les jeunes francophones de l’Île-du-Prince-Édouard peuvent s’épanouir et s’engager en français au sein d’un organisme jeunesse, Jeunesse acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (JAFLIPE).  Depuis ces débuts, il suit la même philosophie, celle du «par et pour» les jeunes.  Ce principe vient de faire l’objet d’une étude pancanadienne.

«C’est l’idée de faire valoir sa voix en tant que jeune, d’affirmer son identité, sa langue et sa culture, d’aller chercher des ressources pour défendre sa communauté en milieu minoritaire», explique Anne Robineau, directrice adjointe de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, et coauteure de cette étude sur l’application de la philosophie du «par et pour» au sein du réseau jeunesse de la francophonie canadienne, parue jeudi 13 octobre. 

L’Acadienne Karine Gallant, ancienne directrice de JAFLIPE, est la première à avoir formulé le «par et pour», dans les années 1990.  L’idée au cœur de cette philosophie est de placer les jeunes au centre.  Ils intègrent la gouvernance de l’organisme, siègent au sein du conseil d’administration pour prendre eux-mêmes les décisions sur des sujets et des projets qui les concernent directement. 

«Ils apprennent tellement de choses qui peuvent leur servir dans leur futur métier, que ce soit sur le fonctionnement des structures démocratiques, ou la gestion d’un budget, salue Anne Robineau.  Ça leur donne confiance, notamment dans leur français.  Ils sont encouragés à parler publiquement, ils n’ont plus peur de défendre une cause, d’être un ou une porte-parole.» 

Outil contre l’insécurité linguistique

Aux yeux de la chercheuse, JAFLIPE est un «espace sécuritaire» où la parole se libère plus facilement.  «Ça crée aussi des liens d’amitié durables qui perdurent jusqu’à l’âge adulte», poursuit-elle. 

À plus long terme, JAFLIPE, et tous les autres organismes jeunesse contribuent à la vitalité des communautés francophones.  Une fois adultes, les jeunes continuent dans la grande majorité des cas à vivre en français, à s’engager en faveur du développement de leur communauté.  «Pour certains, c’est un tremplin professionnel vers le communautaire, pour d’autres, une porte d’entrée vers la défense des droits linguistiques», observe Anne Robineau.

Sur le terrain, cette philosophie du «par et pour» n’inclue pas toujours l’ensemble des jeunes.  Si JAFLIPE tente de s’ouvrir à la diversité de la francophonie, cela ne se reflète pas encore dans sa structure.  «La volonté d’inclusion est là, mais il n’y a pas forcément les relais dans les écoles pour recruter de jeunes nouveaux arrivants», analyse Anne Robineau. 

L’universitaire évoque également le défi d’accorder une plus grande place aux francophones de langue seconde inscrits dans des écoles d’immersion.  «Ça fait toujours débat, il y a parfois des clivages entre les générations», témoigne Anne Robineau. 

Quels que soient les défis auxquels sont confrontés ces organismes, la chercheuse appelle les communautés francophones à ne pas «sous-estimer ce que peuvent leur apporter les jeunes».

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