Santé
Par Marine Ernoult / / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Le docteur Brian Ward est professeur au département de médecine de l’Université McGill, à Montréal. (Photo : Gracieuseté)

Les autorités sanitaires de l’Île-du-Prince-Édouard craignent l’arrivée d’une nouvelle épidémie de rougeole. Voyages internationaux, taux de vaccination en baisse, le docteur Brian Ward explique pourquoi cette maladie extrêmement contagieuse pourrait à nouveau se propager. 

À l’Île-du-Prince-Édouard, comme partout au pays, les responsables de la santé publique s’inquiètent du retour de la rougeole. Brian Ward, professeur de médecine à l’Université McGill, explique les craintes des professionnels de santé. Il insiste également sur l’importance de se faire vacciner contre une maladie extrêmement contagieuse, potentiellement grave. 

Pourquoi les autorités sanitaires craignent un retour en force de la rougeole?

Parce que les cas se multiplient dans de nombreuses régions du monde. La maladie s’est d’abord répandue dans des pays d’Asie et d’Afrique avant de frapper l’Europe.

En 2022, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé plus de 9 millions de cas à l’échelle mondiale. En Europe, le nombre de malades a augmenté de 4000 % entre 2022 et 2023. Il y a deux ans, moins de 1000 personnes étaient infectées, l’an dernier, ce chiffre est passé à 42 200. 

Avec les voyages internationaux et les taux de vaccination en baisse, ce n’est qu’une question de temps avant que la rougeole se propage à grande échelle au Canada. C’est inévitable, la question est de savoir quand cela va arriver. 

Le Canada avait pourtant réussi à éliminer la rougeole il y a un peu plus de 25 ans grâce à des campagnes de vaccination systématique. En 2023, seulement une douzaine de cas ont été répertoriés au pays chez des voyageurs. 

Comment expliquer cette baisse des taux de vaccination? 

Pendant la pandémie, certaines provinces et territoires ont mis leur programme de vaccination de routine en pause. Toutes les ressources de santé publique étaient mobilisées pour administrer les vaccins contre la COVID-19.  

Depuis la crise sanitaire, de plus en plus de parents refusent aussi de faire vacciner leurs enfants. Globalement, la population est plus hésitante et méfiante à cause de toute la désinformation qui a circulé. 

Des données fédérales de 2021 révèlent que seulement 79 % des enfants canadiens ont reçu deux doses du vaccin, contre 87 % en 2017. 

À l’Île-du-Prince-Édouard, une moyenne de 93 % des enfants d’âge scolaire est entièrement vaccinée. C’est mieux qu’ailleurs, mais cela reste insuffisant. 

Pour éviter une nouvelle épidémie de rougeole, il faudrait que 95 % des bébés soient entièrement vaccinés. Ce qui n’est pas arrivé depuis des années. Se faire vacciner est pourtant la seule manière de se protéger efficacement. 

Pourquoi les taux de vaccination doivent être si élevés au sein d’une communauté? 

Le virus de la rougeole est probablement le virus humain le plus contagieux que l’on connaisse. La transmission se fait essentiellement par voie aérienne : éternuements ou persistance du virus dans l’air. Le virus reste actif pendant deux heures. Le malade devient contagieux la veille de l’apparition des premiers symptômes, fièvre, fatigue, toux… et le reste jusqu’à cinq jours après. 

Un malade peut classiquement infecter entre 15 et 20 personnes. Par comparaison, une personne contaminée par le variant omicron de la COVID-19 peut contaminer 10 à 12 personnes. 

La rougeole a souvent l’image d’une maladie bénigne, peut-elle être grave? 

Les Canadiens ont oublié que la rougeole est une maladie sévère qui entraîne parfois des complications graves. Chez les adultes, les taux d’hospitalisation sont de 25 à 30% et ils dépassent les 50% pour les enfants de moins d’un an. 

En décembre dernier, 20 000 Européens, principalement des enfants, ont été hospitalisés à cause de la rougeole. 

Le virus peut avoir des conséquences neurologiques laissant de lourdes séquelles, comme une encéphalite (inflammation aiguë du cerveau). Il peut aussi causer des infections graves des poumons et, dans certains cas, la cécité. Il peut même provoquer la mort de personnes en bonne santé. Trois enfants sur 1000 n’y survivent pas. 

Abonnez-vous à La Voix acadienne pour recevoir votre copie électronique ou la version papier

Santé