Santé
Par Jacinthe Laforest
Théodore Thériault. (Photo : J.L.)

Théodore (Théo) Thériault d’Abram-Village a reçu son diagnostic d’Alzheimer en mai 2023. Pour lui, il n’était pas question de déni.  Au contraire, il voulait savoir afin de mieux se préparer et apprivoiser ce nouveau défi qui allait obligatoirement avoir un impact sur sa vie et sur celle de son épouse depuis 46 ans, Claudette, qui est devenue «proche aidante», pratiquement du jour au lendemain. 

Théodore Thériault ne voulait pas apprendre qu’il était atteint (ou serait atteint) d’Alzheimer, mais au lieu de rester dans une longue phase de déni, il a préféré savoir.  

«Dans ma famille, j’ai deux frères aînés qui ont été atteints d’Alzheimer, donc, il y avait des chances pour que je sois aussi enclin à développer cette maladie.  Je me voyais, parfois, faire des erreurs un peu étranges, souvent dans la cuisine, alors que je connais chaque recoin.  Au bout d’un certain temps, j’ai dit à Claudette que j’allais en parler à mon médecin de famille», raconte Théo Thériault, en toute franchise.  

Le médecin de famille a alors référé son patient à un gériatre qui a fait des tests pour confirmer, ou non, le diagnostic.  En parallèle, Théo Thériault a aussi accepté de participer à une étude avec des chercheurs à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.  

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Théodore Thériault et son épouse depuis 46 ans, Claudette Thériault, passent de bons moments à faire du casse-tête. (Photo : J.L.)

Pleine transparence

Avec chacun des professionnels de la santé qu’il a rencontrés, Théodore Thériault s’est montré d’une transparence totale.  «Je préférais en dire plus que moins.  Très tôt dans mon processus, j’ai compris que plus je leur donnerais d’information et plus ils pourraient m’aider.  Souvent, je ne me contentais pas de répondre à la question qu’ils me posaient.  Je rentrais dans des ramifications pour expliquer ma perception, ne sachant pas si je percevais les choses d’une telle manière à cause de la maladie, ou si c’était parce que dans le passé, j’avais vécu telle ou telle expérience de travail.  Parce qu’on ne sait jamais vraiment exactement ce qui nourrit nos pensées.»

C’est aussi dans cette optique de transparence que Théo Thériault n’a pas caché son état aux personnes qu’il côtoie régulièrement.  «Je continue mes activités, au niveau où je peux les faire.  Tous les membres de mon groupe Richelieu sont au courant.  Et dans la région Évangéline, je ne le cache pas.  Parfois, les gens semblent surpris de me voir… Ça veut peut-être dire qu’ils ne comprennent pas exactement ce que signifie être atteint d’Alzheimer», analyse le «patient». 

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Théo Thériault dans son atelier. (Photo : J.L.)

Accepter le diagnostic : une clé importante

À aucun moment dans son processus, Théo Thériault ne s’est caché la possibilité du diagnostic.  Pas question de perdre du temps précieux dans une longue phase de déni, qui l’aurait privé de traitement hâtif, au moment le plus opportun, incluant la médication.  

«Je prends des médicaments qui retardent la progression de la maladie et qui me rendent plus alerte et aussi, plus conscient de mes limites, je pense.  J’ai aussi décidé de ne pas me concentrer sur ce que j’ai peur de ne plus pouvoir faire, mais plutôt sur ce que je peux encore accomplir.  Je ne veux surtout pas me retrouver assis toute la journée à fixer un point sur le mur.  Et je ne veux pas non plus que les gens autour de moi me protègent trop ni qu’ils m’infantilisent.  Je ne veux pas être mis dans une chaise roulante avant d’être tombé au moins une fois», ajoute-t-il, mi-blagueur, mi-sérieux.  

Accepter le diagnostic est une étape que son épouse devait aussi vivre.  «Le défi pour moi a été d’apprendre ce qu’est l’Alzheimer.  On entend souvent le mot, sans vraiment savoir tout ce qu’il implique.  Presque du jour au lendemain, je suis devenue proche aidante.  J’ai suivi huit cours de 90 minutes à l’UPEI, donnés par les mêmes chercheurs qui avaient travaillé avec Théo.  Je vais aussi prendre un autre cours de neuf heures au total, à Summerside, donné par la Société d’Alzheimer de l’ÎPÉ, pour apprendre comment communiquer, etc.  J’ai reçu aussi beaucoup de dépliants, de ressources à considérer pour avoir de l’aide.  Il y a assez souvent des activités, mais la plupart d’entre elles ont lieu à Charlottetown.  C’est plus difficile pour nous», avoue Claudette Thériault.  

Une multitude de tiroirs 

Au cours de sa vie, de l’âge de 12 ans jusqu’à sa retraite, et même après, Théo Thériault a occupé un très grand nombre de postes, de tâches et a participé à un nombre incalculable de projets, assez souvent à leurs débuts, comme la mise sur pied d’un volet jeunesse à la Société Saint-Thomas-d’Aquin (maintenant SAF’Île) et de La Voix acadienne.  

«J’ai toujours été bon à faire des scénarios, à fixer des objectifs et à mettre au point des stratégies pour les atteindre.  J’ai fait de très nombreux emplois, à divers niveaux, où j’ai toujours été créatif.  Grâce à ça, au lieu d’avoir une bibliothèque qui compte un nombre défini de rayonnages, j’en ai un nombre indéfini.  Il y a peut-être un livre que je ne peux plus lire, à l’heure actuelle, mais juste à côté, il y en a un qui m’appelle et que je peux lire.  J’ai cultivé de nombreux intérêts dans ma vie.  Ce n’était pas en prévision de ce qui se passe maintenant, mais cette créativité dont j’ai toujours fait preuve, me sert aujourd’hui. Je suis pas mal certain que je ne resterai pas assis sur ma chaise à fixer un point sur le mur avant très longtemps.»

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Ayant profité d’un programme de formation en céramique alors qu’il séjournait à Québec pendant deux ans, pendant que son épouse poursuivait ses études, Théo Thériault a ouvert un petit studio de céramique où il poursuit divers projets dont celui-ci, des sous verres inspirés de la nature. (Photo : J.L.)

Quelques conseils et des projets

Depuis ses premiers emplois, Théodore Thériault accumule des dossiers, des photos, des archives, des rapports d’employés.  Ces archives très diverses constituent son histoire et sa contribution, mais également, la genèse de nombreux projets autant dans sa région natale du Madawaska qu’ici même à l’Île.  Il s’est mis à mettre de l’ordre dans ces documents précieux, de manière à ce qu’ils soient «utilisables».  

En novembre 2022, en marge du tout premier Marché de Noël au Village à Abram-Village, Théo Thériault avait initié un petit concours de fabrication de villages miniatures, auquel plusieurs classes avaient participé.  Malheureusement, en 2023, ce concours n’a pas eu lieu.  Théo Thériault est donc en train de créer un guide pédagogique incluant des patrons de petites maisons et des idées de décors pour aider les jeunes, et même les familles, à se lancer dans la construction d’un village.  

Son conseil à tous est d’être transparent avec son médecin de famille, surtout après 50 ans, et de ne rien cacher.  Laissez le professionnel de la santé juger de ce qui est pertinent ou non.  Le déni n’aide personne.  

Théo Thériault conclut en disant qu’il est important de vivre pleinement chaque jour et de continuer à participer aux activités sociales bien que nos intérêts de loisirs puissent changer.  Il est aussi très reconnaissant de l’appui qu’il reçoit de la famille et des amis.

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