Santé
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Kathleen Couture, directrice générale de l’Association des centres de la petite enfance francophones de l’ÎPÉ, éprouve des symptômes de péri-ménopause. (Photo : Archives de La Voix acadienne)

La ménopause affecte la capacité de travail de femmes souvent au sommet de leur carrière. Toujours tabou, ce phénomène naturel se vit encore en silence dans le monde de l’entreprise. À l’Île-du-Prince-Édouard, des femmes militent pour libérer la parole et améliorer le soutien.  

Bouffées de chaleur et de froid, irritabilité, impatience, brouillard cérébral, oublis…À 57 ans, Kathleen Couture éprouve depuis quelques mois des symptômes de la périménopause.  Ce phénomène naturel, qui peut durer jusqu’à dix ans, précède la ménopause, marquée par l’arrêt de l’ovulation et la disparition des règles. 

«Ça me fait juste un peu ralentir, ma tête est parfois embrouillée, j’ai plus besoin de m’asseoir, mais je n’envisage pas de m’arrêter de travailler pour autant, je continuerai jusqu’à la retraite», affirme Kathleen Couture.

La directrice générale de l’Association des centres de la petite enfance francophones de l’Île-du-Prince-Édouard (ACPEFÎPÉ), responsable de 70 employés, doit imaginer «différentes façons de travailler», notamment dans ses relations avec ses employés.

D’autres femmes éprouvent des symptômes plus invalidants comme des migraines, des insomnies, des épisodes de confusion, de l’anxiété, de la fatigue excessive ou encore des douleurs chroniques. La péri-ménopause affecte alors leur capacité de travail et devient un frein à leur carrière.

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Annick Mondat Allemann, directrice générale d’Actions Femmes Î.-P.-É., regrette le tabou entourant la question de la ménopause.  (Photo : Archives de La Voix acadienne)

Besoin de sensibilisation 

Au Canada, les femmes perdent 3,3 milliards de dollars de revenus par an à cause de ces symptômes, selon une analyse économique, réalisée par Deloitte, dévoilée en octobre. 

Certaines décident de travailler à temps partiel, d’autres refusent une promotion ou changent d’emploi pour réduire leur niveau de responsabilités. 1 femme sur 10 quitte carrément le marché du travail tant leurs symptômes sont handicapants.

«C’est une question trop souvent ignorée et taboue. Les femmes n’osent pas en parler et cachent leur condition par honte et peur de paraître faible», observe Annick Mondat Allemann, directrice générale d’Actions Femmes ÎPÉ. «Car la ménopause arrive à un moment où les femmes sont généralement au sommet de leur carrière et doivent être le plus performantes possible», ajoute-t-elle.

Pour briser les tabous, Kathleen Couture a, elle, décidé d’en parler ouvertement à ses collègues : «Ils comprennent mieux et me soutiennent, car ils savent les changements de vie auxquels je suis confrontée.»

Aux yeux d’Annick Mondat Allemann, l’information et la sensibilisation des employeurs et des employés constituent la clé pour «changer les mentalités» et «favoriser une culture d’inclusion». 

Manque de soutien et d’aménagements 

«Les employeurs doivent être plus compatissants et adapter leurs politiques pour que les femmes travaillent dans un environnement psychologiquement sécuritaire», insiste-t-elle. 

Un avis que partage Monique Bernard, membre du CA d’Actions Femmes : «Les gens sont un peu plus ouverts qu’avant, mais les femmes vivent souvent ça toutes seules, on a besoin de plus de soutien formel et d’informations pour savoir à quoi s’attendre, quoi faire.»

Annick Mondat Allemann réclame également davantage d’aménagements comme des espaces pour se rafraîchir, des bureaux proches des fenêtres, des horaires plus flexibles, des déplacements limités.  La responsable féministe affirme qu’une loi ou une politique générale pourrait se révéler efficace pour contraindre les entreprises à effectuer les changements nécessaires. 

En dehors des murs de l’entreprise, Kathleen Couture pointe de son côté l’insuffisance de l’accompagnement psychologique. Face au manque d’écoute de son médecin de famille, elle a dû se tourner vers une docteure spécialiste de la santé des femmes à Charlottetown.

«J’ai beaucoup de misère à avoir du soutien, il y a définitivement quelque chose à améliorer», partage-t-elle.

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Monique Bernard, membre du conseil d’administration d’Actions Femmes Î.-P.-É., plaide pour plus de soutien et d’informations sur la ménopause.  (Photo : Page Facebook d’Actions Femmes ÎPÉ)

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