Santé
29 novembre 2022 Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Pexels, Cottonbro Studio

Cette année, les épidémies de virus respiratoires sont plus précoces et intenses que d’habitude.  Les enfants de moins de trois ans sont particulièrement touchés.  Pourquoi ces épidémies sont-elles si fortes?  Le concept de dette immunitaire pourrait expliquer cette situation inédite. 

Depuis deux ans et demi, la pandémie de COVID-19 perturbe dans le cycle saisonnier classique des autres virus respiratoires.  Celle de la bronchiolite, qui commence d’habitude en novembre, et se poursuit durant près de cinq mois, est cette année en avance de plusieurs semaines, d’après la veille de Santé Canada. 

C’est en réalité le virus respiratoire syncytial (VRS), à l’origine de nombreuses infections allant du rhume à l’otite, jusqu’à la pneumonie et la bronchiolite, qui a fait son retour en force l’été dernier.  Depuis, les urgences pédiatriques des hôpitaux canadiens sont saturées d’enfants présentant des infections respiratoires. 

Pour expliquer cette dynamique sans précédent, des pédiatres avancent la notion de «dette immunitaire».  La notion a été pour la première fois mise en avant par une étude de pédiatres français publiée dans Infectious Diseases Now en août 2021.  Selon ces médecins, les gestes barrières liés à la COVID-19 ont réduit la circulation des virus respiratoires et entraîné une «absence de stimulation immunitaire au sein de la population». 

Des virus plus virulents 

Cette situation, associée à une moins bonne couverture vaccinale des enfants, «a induit une dette immunitaire qui pourrait avoir des conséquences négatives lorsque la pandémie sera maîtrisée». 

Autrement dit : depuis 2020, moins de personnes ont contracté de virus respiratoires responsables de la bronchiolite tels que le VRS ou les rhinovirus.  La population susceptible de les attraper en 2022 est donc plus importante que d’habitude, ce qui explique en partie les niveaux observés aujourd’hui.

Selon Francine Ducharme, pédiatre et épidémiologiste au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de Montréal, «en temps normal, 90 % des tout-petits contractent le VRS durant les trois premières années de leur vie et sont donc immunisés.  Mais, avec la pandémie, ils ne l’ont pas attrapé». 

«Aujourd’hui, au lieu d’avoir une cohorte annuelle d’enfants malades, on se retrouve avec trois cohortes en même temps à l’hôpital.  Leur charge virale est aussi plus élevée, ils contaminent plus de monde de tout âge, c’est l’effet domino», explique-t-elle. 

Un autre article publié en septembre dans The Lancet Infectious diseases observait qu’après un ralentissement de l’activité du VRS pendant la pandémie de COVID-19, plusieurs pays ont rapporté des retours «hors saison» du VRS.

Mieux protéger les nouveau-nés

«Avec la levée des mesures contre la COVID-19, comme le port du masque, la distanciation sociale, et les bulles, les virus circulent plus que jamais et touchent les plus vulnérables», souligne Francine Ducharme. 

La chercheuse explique par ailleurs que «les femmes enceintes ont moins contracté le VRS ces trois dernières années et ont donc moins transmis d’anticorps à leur enfant».  En conséquence, les nourrissons de moins de trois mois seraient plus vulnérables face au VRS, particulièrement grave chez les plus jeunes.

Ces hypothèses restent à confirmer par des études plus approfondies.  Mais elles appuient le besoin de protection des nouveau-nés.  Parmi ces mesures : se laver les mains, porter le masque en présence d’un nourrisson quand on a des symptômes de rhume, même légers, éviter les endroits bondés avec son bébé, aérer sa chambre, etc. 

Au-delà de la question d’une éventuelle dette immunitaire, les épidémies de virus respiratoires actuelles pourraient s’expliquer par d’autres phénomènes.  Avant la COVID-19, la circulation du virus respiratoire syncytial était décalée dans le temps par rapport à celle des autres virus respiratoires pouvant provoquer des bronchiolites comme les rhinovirus, les entérovirus ou le métapneumovirus.  «Cette année, ils circulent tous en même temps, ce qui peut en partie expliquer pourquoi on assiste à des niveaux d’infection élevés», analyse Francine Ducharme.   

Francine DucharmeFrancine Ducharme est pédiatre et épidémiologiste au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de Montréal.  (Photo : Stephane Dedelis)

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