Les bouleversements créés par la pandémie mondiale de Covid-19 ont ébranlé plusieurs entrepreneurs de l'Île-du-Prince-Édouard. Pour certains, cette pandémie a apporté une croissance de ventes, alors que pour d’autres ce fut une période très difficile financièrement. Qu’à cela ne tienne, les insulaires sont solidaires et ont décidé d’appuyer le plus possible les entrepreneurs locaux en priorisant l’achat local.
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La Chambre de commerce acadienne et francophone défend l’achat local
Depuis le début de la pandémie, la Chambre de commerce acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) se mobilise pour soutenir l’achat local. L’organisme est notamment impliqué dans la campagne provinciale J’aime local, Î.-P.-É. Le succès semble au rendez-vous : selon une récente étude, la province fait partie des champions au niveau du Canada.
Marine Ernoult
«Le monde est plus conscient qu’avant de l’importance de magasiner localement, les insulaires comprennent que c’est une manière de créer et de protéger des emplois pour leur famille, leurs amis, leurs voisins», se réjouit Raymond Arsenault.
«Acheter localement contribue à la croissance économique de notre île, c’est une manière de réinvestir l’argent dans nos communautés», ajoute le coordonnateur de la Chambre de commerce acadienne et francophone de l’Î.-P.-É. (CCAFLIPE). Selon les données du ministère des Finances de l’Î.-P.-É., on dénombre plus de 6 540 petites entreprises dans la province, et le commerce de détail emploie directement 11 200 insulaires.
La CCAFLIPE et ses 120 membres, entrepreneurs de langue française, s’attellent à encourager l’achat de proximité. En novembre 2020, l’organisme a notamment lancé la campagne J’aime local, Î.-P.-É., en partenariat avec les cinq autres chambres de commerce anglophones de la province. L’objectif est de soutenir les entreprises de l’île pendant la pandémie.
« On a lancé cette campagne en réponse à la COVID-19. Les gens se sont mis à magasiner en ligne parce qu’ils avaient peur de sortir où il y avait du monde, il n’y avait plus personne pour acheter dans les magasins. J’aime local était un moyen d’inverser la tendance », explique Raymond Arsenault.
Mathieu Arsenault, propriétaire de Fromagerie PEI. Crédit photo: Love Local, PEI / J’aime local, ÎPÉ
L’achat local attire les femmes
638 entreprises de la province sont référencées sur le site internet créé pour promouvoir cette campagne. Quelques compagnies membres de la CCAFLIPE, qui offrent des services bilingues, font partie des sociétés répertoriées. Les consommateurs intéressés peuvent effectuer des recherches par région ou par secteur d’activité.
Les six chambres de commerce ont aussi mené une opération publicitaire sur les médias sociaux mais aussi à travers l’île, avec notamment des affiches sur les autobus et des logos sur les vitrines des magasins.
Selon un sondage effectué en début d’année, 90% des consommateurs de l’île ont ainsi entendu parler de J’aime local, Î.-P.-É., et 44% avaient même connaissance du répertoire d’entreprises présent sur le site internet. Par ailleurs, trois quarts des personnes qui ont visité le site sont des femmes âgées majoritairement de 35 à 44 ans. « La marque J’aime local est connue et il y a de plus en plus de monde qui se connecte à la plateforme», assure Raymond Arsenault.
Solange Aké, propriétaire de Magic Distinct Decor & Fusion Gift Boxes. Crédit photo: Love Local, PEI / J’aime local, ÎPÉ
39,5% des insulaires achètent des aliments locaux
Toujours d’après le même sondage, près de 54 % des consommateurs ont augmenté leurs achats locaux et 70 % des entreprises insulaires estiment que la campagne les a aidées à accroître leurs ventes. « C’est un succès. On veut élargir la liste des compagnies référencées sur le site, l’étendre à d’autres catégories pour que plus de membres de la CCAFLIPE y soient», commente Raymond Arsenault.
Une enquête, publiée en septembre 2021 par des chercheurs de l’Université de Dalhousie (Nouvelle-Écosse), confirme le goût des insulaires pour l’achat de proximité dans le secteur de l’agroalimentaire. Au Canada, c’est à l'Î.-P.-É. qu'on retrouve la plus grande proportion de gens qui achètent majoritairement des aliments locaux, soit 39,5 % de la population. L'Île est suivie ex aequo par le Québec et la Nouvelle-Écosse, avec près du tiers de la population qui s'alimente localement.
À l’Î.-P.-É., la CCAFLIPE organise également des activités de réseautage et des ateliers de formation pour aider ses membres. « On mise sur l’apprentissage, le partage et l’échange d’idées avec des entrepreneurs anglophones », détaille Raymond Arsenault qui évoque une vingtaine d’activités par an, dont le gala des entrepreneurs.
L’achat local est en plein essor à l’Île-du-Prince-Édouard
Depuis le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, les entreprises de l’Île-du-Prince-Édouard font face à d’importantes difficultés. Que ce soit dans le domaine agricole, alimentaire ou culturel, elles doivent composer avec de nombreuses restrictions. Mais les insulaires se mobilisent pour les soutenir. Trois entreprises témoignent des défis auxquels elles ont été confrontées.
Marine Ernoult
Le Village musical acadien
«On a connu des hauts et des bas, mais on a réussi à passer à travers la crise. La communauté francophone nous a vraiment soutenus en l’absence des visiteurs de l’extérieur de l’île», salue Marcel Bernard, président du Village musical acadien à Wellington. «On a un bout de chemin à faire avant de retrouver les chiffres d’avant la pandémie, mais il y a une vraie volonté des insulaires d’aider les entreprises locales», insiste le responsable.
Depuis deux ans, la pandémie de COVID-19 a eu raison de nombreuses activités organisées par le Village musical. Aux yeux de Marcel Bernard, le coup le plus dur a été l’annulation des spectacles de Noël deux années de suite. « Ça nous a fait particulièrement mal, commente-t-il. En temps normal, ça rassemble 250 à 300 personnes, on les a mis en ligne mais ce n’était pas pareil. »
L’équipe de bénévoles ne s’est pourtant jamais découragée, travaillant sans relâche pour trouver du financement et programmer des spectacles. En l’absence d’aide du gouvernement fédéral, l’année 2021 a été particulièrement difficile, mais le Village a réussi à tenir une programmation « presque normale » selon Marcel Bernard.
« On a dû chercher de l’argent partout, mais on est fier d’avoir offert plus de 100 représentations», souligne le responsable. Des nouveautés, comme Le cabaret d’été ou les Spectacles de jeunes, ont même fait leur apparition dans la programmation estivale de 2021. « C’était en réaction à la COVID-19, on ne voulait pas se faire aplatir par la crise», explique Marcel Bernard.
Le public insulaire était au rendez-vous. En août, de nombreuses soirées affichaient complet. Les souper-spectacles faisaient salle comble, on devait refuser du monde », assure Marcel Bernard. Selon le président, les spectacles du Village ont également rencontré un succès inattendu auprès du public anglophone. Il évoque notamment un groupe d’une quarantaine d’insulaires venus camper chaque fin de semaine pour assister aux représentations. « ils ont été conquis,et ont déjà réservé pour l’été prochain », révèle-t-il.
Marcel Bernard, président du Village musical acadien. Crédit photo: gracieuseté
Marcel Bernard reste cependant très clair, le Village musical ne supportera pas une troisième saison estivale de restrictions : « La réouverture doit se maintenir. On a besoin de visiteurs qui viennent d’autres provinces pour tenir financièrement. »
Soleil's Farm
« On est chanceux, on n’a pas trop été affecté par la pandémie. La demande pour nos légumes bio a plutôt augmenté », partage Soleil Hutchinson, propriétaire de Soleil's Farm à Bonshaw. L’agricultrice témoigne d’une hausse des ventes de 25% en 2021. « La demande pour les produits bio et locaux est supérieure à l’offre. Il n’y a pas assez de fermes, c’est donc parfois un défi pour les insulaires de trouver des aliments produits à l’île », ajoute l’agricultrice.
La moitié de la production de Soleil’s Farm prend la direction de restaurants et de petits supermarchés de l’île, l’autre part dans des paniers directement livrés aux consommateurs. À raison d’une centaine de paniers par semaine vendus entre juillet et décembre, le carnet de commandes de la ferme est bien rempli. « Les gens réalisent que nos légumes sont plus chers mais que la qualité est meilleure, et qu’au final ils économisent de l’argent car il y a moins de déchets », explique Soleil Hutchinson.
Elle constate que ses paniers attirent en premier lieu des familles avec enfants et des personnes à la retraite, appartenant à la classe moyenne et supérieure. Mais, selon elle, il n’y a pas de profil type. « Ce ne sont pas systématiquement des gens avec beaucoup d’argent. Certaines personnes sont prêtes à faire des efforts pour bien se nourrir », souligne-t-elle.
Soleil Hutchinson est persuadée que l’essor de l’achat local n’est pas prêt de s’arrêter : « Avec la hausse du coût de l’essence, les prix des produits en épicerie qui viennent des quatre coins de la planète vont aussi augmenter. Les insulaires vont encore plus se tourner vers les fruits et légumes cultivés près de chez eux. »
Soleil Hutchison a vu les ventes de ses produits augmenter durant la pandémie. Crédit photo: Marine Ernoult
La Co-op de Wellington
La Co-op de Wellington n’a pas connu la crise pendant la pandémie de COVID-19. Ses ventes ont augmenté d’un million de dollars en 2020 et d’un million et demi en 2021. Le magasin n’a jamais fermé depuis mars 2020 et attire toujours plus de clients.
Comment expliquer un tel succès ? De nombreux habitants de la région Évangéline, désormais en télétravail, ne se déplacent plus à Summerside pour faire leur épicerie et préfèrent magasiner à la Co-op. Mais, selon la gérante Annette Doherty, il y a aussi de « nouveaux visages » qui ont fait leur apparition dans les allées du magasin.
« Des gens des communautés voisines, même de Summerside, aiment venir chez nous, constate-t-elle. La propreté, la petite taille du magasin, le fait qu'il y ait moins de monde que dans les grands supermarchés, tout ça les rassure.» De plus en plus de familles apprécient également la qualité des produits disponibles et font la totalité de leurs courses à la Co-op.
Mais faire son épicerie dans un magasin de proximité ne signifie pas forcément acheter des produits de l’île. « Les consommateurs sont conscients de l’importance de soutenir les agriculteurs de la province, mais au final tout est une question de coût, observe Annette Doherty. Ils soutiennent l’achat local si les montants sont comparables. » La gérante insiste sur la hausse importante du panier d’épicerie : « Nos clients sont avant tout à la recherche des meilleurs prix. »
Annette Doherty, gérante de la Co-op de Wellington. Crédit photo: gracieuseté