Patrimoine
Par Jacinthe Laforest 
Megan Bergeron et sa mère, Hélène (Arsenault) Bergeron, sont engagées dans un projet de collecte et de promotion des vieux pas de danse. Elles espèrent ainsi ramener un intérêt pour le «vieux style».

Au cours des 40 dernières années, la région Évangéline a vu naître de nombreuses troupes de danse traditionnelle.  Depuis les Danseurs Évangéline à la fin des années 1970 jusqu’aux Steppeuses, en passant par Les Pas d’Folie, l’accent était mis sur la synchronisation et le respect de la chorégraphie.  En adoptant ce «nouveau style», on a mis de côté le vieux style et les vieux pas qui constituent la vraie danse traditionnelle de la région Évangéline.  C’est ce vieux style que Megan Bergeron et sa mère Hélène veulent ramener à l’avant plan, afin qu’il cohabite avec le «nouveau style»

«Il y a de la place pour le vieux style, pour le nouveau style et même pour d’autres styles de danse.  Je ne veux pas qu’on ait l’air de renier ce qui se fait présentement.  Les danses chorégraphiées sont très populaires et très efficaces sur la scène, dans un but de performance», dit Hélène Bergeron, qui a elle-même fondé Les Pas d’Folie, une des troupes les plus populaires dans ce nouveau style. 

«Dans ce temps-là, je me chavirais pour tout ce qui est nouveau.  Dès que je voyais quelque chose de nouveau, je voulais l’apprendre.  Je n’étais pas consciente qu’il y avait un vieux style.  Je pensais que mon père [Eddie Arsenault] et mon oncle Amand faisaient juste des folies quand ils faisaient leurs petits steps.  Mais non, ils faisaient de vrais pas dans le vieux style», ajoute celle qui s’est donné pour mission de documenter les vieux pas afin qu’ils soient transmis aux prochaines générations, dont sa fille, Megan Bergeron, fait partie.  

Des Bobines et des Pas d’Folie

«J’étais membre des Pas d’Folie.  C’est cette danse que j’ai apprise.  Je sais maintenant qu’il y a un vieux style.  Je suis en train d’apprendre des pas.  C’est vraiment très différent et pas juste à cause des pas.  C’est un style très spontané, qui dépend de la musique et du danseur. Comment peut-on enseigner la spontanéité?», s’interroge Megan Bergeron.  

Leur projet vient tout juste de commencer.  Les chercheuses sont appuyées par la Fédération culturelle de l’Île-du-Prince-Édouard, dans le cadre du volet documentaire du projet Bobine.  «Nous allons faire un documentaire sur notre démarche et expliquer de notre mieux la différence entre le vieux style et le style qu’on connaît maintenant et ce n’est pas facile à expliquer», dit Megan Bergeron.  

Elle cite une vidéo captée dans la région Évangéline, probablement au début des années 1980.  Sur la scène, on voit des danseurs formés (formatés pourrait-on dire) par les Danseurs Évangéline, bientôt rejoints par le père Éloi Arsenault qui danse dans le vieux style.  La différence est flagrante.  «J’ai vu cette vidéo juste récemment.  Ça fait partie de notre recherche de trouver des archives et j’ai été très surprise que la différence soit aussi visible», dit Megan Bergeron.  

 Les chercheuses ont déjà collecté quelques documents visuels pour enrichir leur documentaire et leurs connaissances. 

L’exemple de l’Irlande 

Lorsque le style moderne des Danseurs Évangéline s’est imposé comme la danse traditionnelle acadienne (alors que les pas venaient du Québec en majorité), le vieux style a été oublié.  Il n’a pas évolué, contrairement à ce qui s’est passé en Irlande.  

«En Irlande, on connaît le style de Riverdance.  Les gens pensent que c’est ça la danse irlandaise.  Oui, mais non.  En parallèle, leur vieux style, qu’ils appellent Sean Nos, continue d’être enseigné.  Il y a des écoles de Sean Nos et les danseurs font chacun leur “thing“. On peut voir que c’est vraiment ancré dans leurs traditions.  C’est ce qu’on aimerait recréer ici, dans la région Évangéline, pour que le vieux style reprenne sa place.  Comme nous le disions plus tôt, il y a de la place pour les deux styles», disent les deux chercheuses.  

On le sait, l’Irlande a eu une grande influence sur la danse acadienne.  «J’ai eu un choc lorsque je suis tombée par hasard sur une vidéo d’une Irlandaise qui dansait et elle faisait les mêmes pas que mon oncle Amand.  Je n’enrevenais pas», confie Hélène (Arsenault) Bergeron.  

Appel à tous

Dans leur phase de recherche sur le vieux style, Megan et Hélène ont déjà ragorné des archives et des informations.  «Jusqu’à présent, c’est nous qui avons consulté les gens.  Mais s’il y a des personnes qui auraient des vidéos, des histoires et des photos de vieux danseurs et danseuses, ça nous ferait plaisir qu’elles communiquent avec nous.  Ça serait vraiment très apprécié, car on n’a pas énormément de vidéos de cette époque.  En plus, les gens ne filmaient pas nécessairement les pas», précisent la mère et la fille.  

Il reste beaucoup de chemin à parcourir dans ce projet qui ne fait que commencer.  Les chercheuses avancent pas à pas, pourrait-on dire.  

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