Patrimoine
Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
John Calder est paléontologue et géologue à l’Université Saint Mary’s, à Halifax. Il est également consultant pour la province de l’Î.-P.-É. (Photo : Gracieuseté)

Les côtes et les plages de l’Île-du-Prince-Édouard abritent des traces de vie fossilisées, vieilles de près de 300 millions d’années. Ces fossiles sont aujourd’hui menacés par l’érosion. Le paléontologue John Calder revient sur un pan de l’histoire naturelle de la province unique au monde. 

Le paléontologue et géologue John Calder, professeur à l’Université Saint Mary’s, à Halifax, nous raconte l’histoire des trésors cachés dans les rochers rouges de l’Île-du-Prince-Édouard : des fossiles datant du Permien. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette période géologique du Permien? 

Elle a suivi l’ère du charbon et précédé le Trias durant lequel les dinosaures sont apparus. 

À l’époque, il y a presque 300 millions d’années, il n’existe qu’un seul continent, la Pangée, et l’Î.-P.-É. se situe au niveau de l’équateur. L’océan le plus proche se trouve à 500 kilomètres tandis que des forêts, peuplées d’espèces inconnues, poussent à flanc de montagnes.

C’est une période où le monde connaît un incroyable réchauffement climatique. Les forêts luxuriantes de l’âge du charbon s’assèchent et s’éteignent progressivement.

Quelques rares reptiles et ancêtres de mammifères réussissent à survivre dans un environnement hostile où il règne une chaleur écrasante et une sécheresse permanente.

Le littoral de l’île regorge aujourd’hui de fossiles d’arbres, d’invertébrés, d’empreintes d’anciens reptiles et amphibiens. 

Nous retrouvons aussi des traces de Walchia, le plus vieux conifère connu d’Amérique du Nord, aujourd’hui disparu, et de dimetrodon, un carnivore apparenté aux ancêtres des mammifères, doté d’une grande voilure dorsale et pouvant mesurer jusqu’à 4,6 mètres de long.

Nous observons également un peu partout des fragments de petites créatures rampantes qui creusaient de petits terriers dans la boue et le sable. Elles sont semblables à des vers. 

Il y a environ un mois, un jeune insulaire a même trouvé une aile de libellule. Il s’agit d’une découverte très rare. Nous avons donc des traces de toute la chaîne alimentaire, des plantes jusqu’aux invertébrés en passant par des animaux.  

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Ces empreintes fossilisées ont été détruites par Fiona quelques jours après leur découverte. (Photo : Gracieuseté)

Y’a-t-il d’autres sites dans le monde qui abritent autant de fossiles du Permien?

Avec le sud-ouest des États-Unis, l’Afrique du Sud et l’Allemagne, l’île est l’un des rares endroits au monde, et le seul endroit au Canada, où l’on peut facilement observer des fossiles qui témoignent de la vie sur terre au cours du Permien.

Quelles sont les conséquences de l’érosion sur ce patrimoine naturel unique? 

Presque tous les fossiles trouvés sur l’île, l’ont été grâce à l’érosion côtière. À mesure que l’érosion grignote les falaises de grès rouge, de nombreux fossiles sont mis au jour, particulièrement depuis le passage de Fiona. 

C’est une arme à double tranchant, de plus en plus de fossiles sont révélés dans un excellent état de conservation, mais si nous ne sommes pas vigilants, ils seront rapidement détruits, emportés par la force du courant, les marées et les ondes de tempête.

Fiona a été responsable de la disparition, sur les côtes de la province, de cinq énormes rochers où se trouvaient des traces fossilisées de reptiles. Celles-ci avaient été laissées il y a environ 290 millions d’années.

C’est pour cela que les Insulaires doivent faire attention quand ils se promènent le long des côtes. Presque toutes les découvertes de ces dernières années ont été faites par monsieur et madame tout le monde. 

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Traces de vertébrés qui vivaient à l’époque du Permien.  (Photo : Gracieuseté)

Que doit faire un promeneur s’il pense avoir trouvé un fossile? 

La première chose, c’est de ne pas le déplacer. Il faut prévenir un employé de la province ou du Parc national, prendre des photos et enregistrer l’endroit où il se trouve. Si le fossile se trouve dans la roche elle-même, c’est-à-dire qu’il est encore intact, il est encore plus important de le laisser, parce que nous pourrons étudier l’histoire de cette roche. Si le fossile semble remarquable, il se peut que des professionnels viennent le récupérer.

À Greenwich, une partie du centre d’interprétation du Parc national va être consacré aux fossiles de l’ÎPÉ. Les découvertes les plus importantes seront exposées. C’est un premier pas vers un musée d’histoire naturelle.

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