L’année 2023 marquait le 30e anniversaire de fonctionnement du foyer de soins communautaire, Le Chez-Nous, à Wellington. Depuis son ouverture, cette résidence pour personnes âgées semi-autonomes a permis à de très nombreuses personnes de rester plus longtemps dans leur communauté, conformément à la vision d’une des principales fondatrices, Lorraine Gallant, qui vit au Chez-Nous depuis 2017.
«Le Chez-Nous, c’est tout ce que j’avais imaginé, et même plus», dit-elle. Il y a pourtant une chose qui la dérange depuis longtemps. «Ce n’est pas cinq femmes qui sont à l’origine du Chez-Nous, mais deux : ma grande amie Louise (à Félix) Arsenault, décédée en 2023, et moi-même. Pendant que ma mémoire est encore bonne, je voulais raconter comment elle et moi on a démarré ce projet et c’est ce que j’ai fait», dit-elle, montrant un livret illustré d’une magnifique photo d’elle-même et de son amie Louise, marteau à la main,cognant des clous lors de la construction de l’édifice original.
Dans ce livre sur les vraies origines du Chez-Nous, on apprend beaucoup de choses, grâce à l’excellente mémoire de Lorraine Gallant et à ses archives bien conservées et surtout, préservées lors de l’incendie de 2021.
Lorraine Gallant a commencé à parler de son projet d’écrire ses mémoires du début du Chez-Nous lorsque Claudette Thériault était directrice par intérim, autour de mars 2023. Elle et le président, Gilles Painchaud, étaient bien d’accord avec le projet, mais les archives du Chez-Nous, qui étaient conservées à la cave, avaient été détruites lors de l’incendie de 2021.
«Moi-même, j’avais beaucoup d’archives, de documents et de photos. Tout ça était dans ma chambre. Ça n’a pas été détruit dans l’incendie, mais ça été emballé et entreposé. Mon fils était venu chercher mes affaires et je n’étais pas certaine d’où c’était rendu. Par chance, on a retrouvé mes archives et avec ça, on a été capable d’avancer», raconte la dame.
Le livre a été co-rédigé par Raymond J. Arsenault. «Il a été d’une grande aide, très généreux. Je connaissais bien sa mère. On a partagé de belles histoires pendant notre collaboration», dit Lorraine Gallant.
Raymond J. Arsenault confirme cela dans son témoignage. «J’ai vécu de beaux moments de fierté en lisant tout ce matériel et en voyant ce que ma communauté, mon amie Lorraine et tant d’employés et de bénévoles avaient accompli. J’avoue aussi que j’ai eu de la difficulté à relire les coupures de presse au sujet du feu de 2021, presque deux ans jour pour jour après l’incendie, puisque mes yeux continuaient à se remplir de larmes. Je revivais les mêmes émotions que j’ai vécues lorsque j’avais appris la nouvelle du feu. Mais là, dans les plus récentes coupures, mon cœur s’est soulagé en relisant le retour triomphant des résidents au Chez-Nous réparé!», peut-on lire dans les premières pages du livre.
Véritable projet de société
Louise Arsenault et Lorraine Gallant étaient de grandes amies. À peu près en même temps dans leur vie, elles ont été confrontées à la réalité que vivaient leurs parents, alors qu’ils avançaient en âge. Lorraine Gallant, quant à elle, avait travaillé à titre d’assistante gériatrique dans un foyer de Summerside. Elle avait vu combien le fait de ne pas être comprises pouvait affecter de vieilles personnes.
«Un jour, j’ai été appelée pour me rendre près d’une vieille dame qui criait en français. Elle disait : “ouvrez le cléant“ et elle se débattait contre les barreaux du lit. Je lui ai demandé ce qui se passait et elle m’a dit qu’il tonnait, que les vaches étaient dehors et qu’il fallait les rentrer. Je lui ai dit que j’allais m’en occuper et qu’elle devrait rester auchaud parce qu’il ne faisait pas beau dehors. Elle s’est calmée. Ce sont des histoires comme ça qui ont fait qu’on a voulu avoir une résidence comme le Chez-Nous».
Louise et Lorraine ont fait de très nombreuses démarches pour que leur vision devienne une réalité. «On était les deux et on faisait avancer les choses. Puis, on nous a suggéré d’inclure plus de monde et de former un comité de travail. C’est là qu’on a recruté Ida Gallant, qui avait une expérience dans le travail social, Eunice Richard, qui travaillait dans un foyer à Summerside et Bernice (Arsenault) Perry, qui travaillait déjà auprès des personnes âgées, avec moi. On avait chacune nos responsabilités. J’étais la présidente, mais je peux dire que si je n’avais pas eu l’appui de Louise Arsenault, j’aurais peut-être abandonné. Elle avait une grande force spirituelle», dit Lorraine Gallant.
Le livre contient de très nombreux détails peu connus ou oubliés au fil des années qui ont passé. Ces détails raviront sûrement tous les lecteurs, de même que l’impressionnante quantité de photos incluses dans le livre. On découvre les dessous de plusieurs décisions et les rôles joués par plusieurs personnes dans des postes clés, ce qui confirme l’idée que le Chez-Nous est un réel projet communautaire, dans le sens le plus pur du terme.
Un Chez-Nous pour tous
Le dernier chapitre du livre est consacré à la mémoire de Louise Arsenault, décédée le 2 mars 2023. On y lit : «Elle [Lorraine Gallant] revient toujours au fait que tellement d’aînés ont pu vivre leurs dernières années, entourés de leurs familles et amis, dans leur propre communauté, dans leur propre langue et dans leur propre culture, au cours des trois dernières décennies. Elle se rappellera toujours d’un des premiers résidents, Ovilda Arsenault, du Cap-Egmont ; elle avait pratiquement été obligée de lui tordre le bras pour qu’il vienne demeurer au Chez-Nous, puisqu’il ne voulait pas y déménager, mais n’avait pratiquement aucun choix puisqu’il n’était plus capable de vivre seul. Quelque temps après y avoir déménagé, il vient rencontrer Lorraine alors qu’elle entre dans l’édifice. «J’us ti fier que t’es venue me chercher! J’us tellement content icitte!» En fait, elle a entendu de nombreuses histoires similaires.»
C’est Lorraine elle-même qui a suggéré que la résidence s’appelle Le Chez-Nous. Le nom lui était venu au cours d’un entretien avec Ovilda où elle lui disait que la nouvelle place serait son «chez-nous». C’est resté.