De Saint-Nicolas, dont les origines remontent au IVe siècle, à Santa Claus, apparu aux États-Unis sous l’influence des immigrants hollandais, l’histoire du Père Noël est une parfaite illustration de la mondialisation. En l’habillant de rouge dans les années 1930, même Coca-Cola a contribué à façonner le mythe.
D’où vient le Père Noël? L’histoire commence au IIIe siècle dans la ville de Myre en Turquie. À l’époque, il ne s’appelle pas encore Père Noël, mais Nicolas de Myre. Ses parents lui laissent un gros héritage. Au lieu de garder tout cet argent pour lui, la légende raconte qu’il préfère l’utiliser pour aider les gens dans le besoin, et notamment les plus jeunes.
Il sauve par exemple trois jeunes filles de la prostitution, en leur donnant de l’argent. En plus d’être riche, Nicolas a de supers pouvoirs. Il réussit notamment à ressusciter des enfants découpés en morceaux par un boucher sadique. Bref, la légende est faite de dons et de miracles.
Après sa mort, le 6 décembre 343, il devient rapidement le protecteur des enfants, le Saint-Nicolas que l’on connaît aujourd’hui. Au fil des siècles, le mythe de Saint-Nicolas se répand, en Europe centrale et du nord notamment. Il vient s’ajouter aux autres folklores festifs qui animent la triste période hivernale. Saint-Nicolas porte alors un élégant costume d’évêque et tous les 6 décembre, date de sa mort, il s’en va faire la tournée des chaumières pour distribuer des cadeaux aux enfants.
1823, date charnière
Aux Pays-Bas, Saint-Nicolas se prononce Sinterklaas. Lorsque les Néerlandais traversent l’Atlantique au XVIIe siècle pour conquérir l’Amérique, ils l’emmènent avec eux. Là-bas, les Néerlandais tombent sur les Anglais : Sinterklaas devient Santa Claus.
Mais ce n’est pas tout, les colons d’Amérique prennent une décision cruciale. Ils associent la fête des enfants de Saint-Nicolas à celle du Petit Jésus, le 25 décembre. C’est à cette époque que la nuit des cadeaux est décalée à la nuit du 24 décembre. À ce stade de l’histoire, Santa Claus reste habillé comme un évêque. Il faut attendre le XIXe siècle pour qu’il enfile son costume rouge et son bonnet à pompon.
1823 est la date charnière. Cette année-là, un poème attribué à Clement Clarke Moore raconte en détail la nuit de Noël. Santa Claus ressemble alors à un vieil homme à barbe un peu gros qui se promène sur un traineau, tiré par des rennes. Il descend par la cheminée pour fourrer des cadeaux dans des chaussettes. Dans cette version, pour passer par la cheminée, le bonhomme est tout petit. Il ressemble à une sorte de lutin.
Au fil des années, une foule de dessinateurs américains vont modifier son aspect. Aux abords du XXe siècle, il finit par atteindre une taille humaine, son costume est bien rouge, sa barbe est bien blanche, et il fume la pipe.
Contrairement à une vieille légende urbaine, ce n’est donc pas Coca-Cola qui a imaginé le costume rouge et blanc du Père Noël. La marque américaine s’est simplement approprié le personnage pour mieux vendre sa boisson rafraichissante en plein milieu de l’hiver.
Père Noël en Acadie
Santa Claus, pur produit américain, s’implante en Acadie à partir des années 1880. Le 24 décembre 1884, son nom est mentionné pour la première fois dans Le Moniteur acadien dans une publicité annonçant que «Santa Claus tient ses quartiers à la Librairie de Beverly» à Moncton.
Quelques années plus tard, un correspondant du village acadien de Wedgeport, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, écrit dans L’Évangéline que «Saint-Nicolas a déjà fait son apparition dans quelques places, et les petits enfants joyeux ne seront pas oubliés par lui, surtout ceux qui auront fait preuve d’obéissance». En 1890, L’impartiale de Tignish parle d’un «personnage mythique», dont la légende est déjà bien connue.
«Santa Claus, qu’on appelait Saint-Nicolas en Acadie, rentre tranquillement dans l’imaginaire des enfants acadiens», explique Georges Arsenault, président du Comité historique Sœur-Antoinette-Desroches.
«Au XIXe siècle, de nombreux Acadiens émigrent aux États-Unis, principalement en Nouvelle-Angleterre, en quête d’emplois. Ce va-et-vient entre le Canada et les États favorise aussi l’emprunt de nouvelles traditions comme Santa Claus», ajoute l’historien.
Ce n’est qu’en 1920 que le terme Père Noël apparaît au Canada français. «C’est sûrement une traduction littérale de Father Christmas qui est utilisé en Angleterre», note Georges Arsenault.
Le Père Noël devient ainsi la star des cadeaux à la fin du mois de décembre. Il subsiste néanmoins une grande interrogation : où habite-t-il? Mais ça, c’est une autre histoire.
Georges Arsenault, président du Comité historique Sœur-Antoinette-Desroches. (Photo : Archives de La Voix acadienne)