Éducation
30 octobre 2018
Le 30 octobre 2018

De gauche à droite, on voit Anne-Bernard Bourgeois (directrice générale de la CSLF), Emile Gallant (président de la CSLF), Brad Samson (directeur des services administratifs et financiers de la CSLF) et Dennis Carver de la firme Grant Thornton.

Plus d’une soixantaine de parents était présente à l’assemblée générale annuelle de la Commission scolaire de langue française (CSLF) de l’Î.-P.-É., le mardi 23 octobre dernier, au Carrefour de l’Isle-Saint-Jean.  Certains ont livré de vibrants plaidoyers pour faire valoiraux commissaires leur inquiétude au sujet du français dans les écoles francophones. 

La période accordée aux comités de parents s’est surtout concentrée sur deux sujets précis, soit la nécessité d’accroître les infrastructures et la francisation.  «En ce moment, il y a une seule personne à temps plein en francisation, à l’école François-Buote.  Le nombre d’élèves augmente rapidement, et ça prend des ressources pour soutenir tous ceux qui en ont besoin.  C’est la responsabilité de la commission scolaire, mais aussi du ministre de l’Éducation, du Développement préscolaire et de la Culture, Jordan Brown, qui était d’ailleurs invité aujourd’hui, mais qui ne s’est pas présenté», constate la vice-présidente du comité de parents de François-Buote, Lucie Charron. 

Le nœud du problème

En avril dernier, la CSLF et deux parents acadiens ont mis en demeure le gouvernement provincial au sujet des transferts fédéraux en matière d’éducation de langue française.  Ils estiment que le gouvernement utilise cet argent fédéral pour rembourser ses dépenses opérationnelles, alors qu’il devrait être dirigé vers la communauté francophone, notamment pour embaucher davantage de personnel. 

«En tant que parent, ça me frustre, et je me demande si c’est délibéré parce qu’on demande de l’aide et qu’on en reçoit peu ou pas, alors que du côté anglophone il y a beaucoup d’annonces pour des ressources en anglicisation.  Je sens que c’est une grande injustice», dénonce Gregory Urier, père de deux jeunes enfants et nouvellement commissaire scolaire dans Charlottetown.

Pour ce dernier, seule la province peut régler le problème à court terme, en insufflant des fonds dans le système scolaire francophone.  «Il manque deux à trois garderies francophones, donc les parents doivent mettre leurs enfants en garderies anglophones.  Pendant trois ou quatre ans, les enfants parlent anglais, et c’est comme ça qu’ils arrivent à l’école francophone», déplore-t-il. 

Beaucoup de poids est alors mis sur le dos des enseignants, qui doivent pratiquer une double tâche.  «On leur demande non seulement d’enseigner le curriculum prescrit par la province, mais aussi d’apprendre une nouvelle langue aux enfants qui ne parlent pas français.  C’est quasi impossible sans support», défend Lucie Charron. 

Le président de la CSLF connaît bien les inquiétudes soulevées par les parents. «J’encourage fortement les parents à aller se plaindre au ministre de l’Éducation. Nous, on leur transmet ce que vous nous dites, mais ça a beaucoup plus de pouvoir quand c’est des dizaines de parents que les neuf commissaires», illustre Emile Gallant. 

Ce qu’ont fait valoir les parents lors de l’assemblée, c’est que tous les enfants méritent d’apprendre le français dans un cadre qui les supporte autant que nécessaire, et que c’est actuellement loin d’être le cas.  Plusieurs parents ont témoigné que leurs enfants parlent davantage en anglais qu’en français dans les classes et la cour d’école, c’est exactement l’opposé de la situation souhaitée.  «Les enfants sont comme des éponges.  Si une majorité d’enfants parlaient français en arrivant à l’école, les autres l’apprendraient en un maximum de 6 mois.  Mais en ce moment, c’est l’inverse, et ça dérègle le système», affirme Gregory Urier. 

La directrice générale de la CSLF, Anne Bernard-Bourgeois, tient un discours optimiste. «À l’avenir, la CSLF souhaite embaucher plusieurs employés additionnels pour mieux franciser nos élèves, mettre sur pied une pédagogique culturelle et identitaire et animer la culture et l’identité des élèves», affirme-t-elle. Le dernier exercice financier s’est toutefois conclu avec un déficit d’environ 444 137 $, rendant la tâche plus difficile. 

La communauté à la rescousse

La directrice générale de l’organisme Jeunesse acadienne et francophone de l’Î.-P.-É. (JAFLIPE), Mélissa Martel, se dit peu surprise des doléances des parents.  «On le voit aussi dans nos événements, parce qu’on travaille beaucoup avec les centres scolaires communautaires, mais on tente vraiment d’offrir des expériences de francisation hors école.  Les jeunes de JAFLIPE sont souvent déjà impliqués en francophonie, mais on peut travailler encore plus avec les écoles pour assurer une bonne transition», estime-t-elle. 

L’organisme tente aussi de recruter d’autres jeunes, pour leur offrir des opportunités en français dans un cadre plus ludique.  «Le fait que les jeunes se sentent à l’aise ou non de parler français a un grand impact sur leur continuité.  C’est ce qu’on appelle la “sécurité linguistique”.  On aura un mini forum sur ce thème en novembre prochain, et on en discutera sans doute au Forum jeunesse pancanadien de mars 2019.  Les jeunes veulent en parler», s’enthousiasme Mme Martel.  Le slogan des Jeux de la francophonie canadienne 2017, «Right Fiers», avait été l’objet de passions et avait fait décoller le thème de la sécurité linguistique. 

Pour attaquer le défi de la francisation, il faut unir les forces, ont déclaré parents et intervenants du milieu le 23 octobre dernier.  «Les enfants doivent être soumis le plus possible au français en dehors de l’école aussi, estime Gregory Urier, qui se dit sûr d’obtenir sous peu davantage de ressources de la province.  On a beaucoup de nouveaux commissaires motivés, le nombre d’inscriptions dans les écoles francophones augmente, les parents sont déterminés et travaillent très fort avec les partenaires.  La province ne peut plus attendre, ça va se débloquer parce qu’elle va voir que ce ne sont pas juste les neuf commissaires qui se plaignent, c’est l’ensemble de la communauté». 


En avant, les neuf commissaires, dont sept ont été élus pour la première fois en mai dernier. Derrière, les nombreux parents s’étant déplacés pour l’AGA. La plupart ont des enfants à l’école François-Buote.  (Photos : Ericka Muzzo)

- Par Ericka Muzzo

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