Culture
29 août 2023 Par Jacinthe Laforest
Claude Bourque, sculpteur des Îles-de-la-Madeleine, a présenté son installation «Dortoir des Cachalots» dans le cadre du Festival Route 11, au début du mois d’août.  (Photo : J.L.)

Les cachalots fascinent et intriguent le sculpteur madelinot Claude Bourque.  «Vous savez qu’ils dorment debout, en groupes, comme suspendus dans l’océan?», interroge-t-il, sachant que très peu de gens en savent assez sur les cachalots pour répondre «Oui».  Avec sa nouvelle œuvre, Le Dortoir des Cachalots, doublée d’une performance scientifico-poétique, il veut changer cela. 

Parmi les artistes invités au récent Festival Route 11, dans le parc provincial d’Union Corner, se trouvait Claude Bourque, artiste des Îles-de-la-Madeleine qui se spécialise dans la sculpture d’os de mammifères marins et le travail du cuivre.  

«Ça s’est fait naturellement que je sois invité grâce à des amis communs.  Mon nom a circulé et quand les organisateurs m’ont offert de venir à votre festival j’ai accepté sans hésiter», dit l’artiste.  

Pendant le Festival Route 11, le public pouvait admirer, sur le bord de la mer, son installation nommée Dortoir des Cachalots, une représentation d’un phénomène naturel qu’il trouve fascinant, c’est-à-dire la façon dont les cachalots font leur lit pour dormir.  

«Ils ont été vus en train de dormir à la verticale, suspendus dans l’océan, en groupes, non loin de la surface.  Je n’ai jamais observé le phénomène en vrai alors j’ai voulu en faire ma version, en plus petit, pour la partager avec plus de monde», dit le sculpteur.  Ce dernier connaît fort bien l’anatomie des cachalots pour en avoir dépecé quelques-uns, autant en tant que membre d’une équipe scientifique que pour récupérer les os qu’il utilise pour ses sculptures.  

Pour son «dortoir», il a cependant utilisé du bois.  «C’est un bois assez léger.  Après avoir fait les formes de base, j’ai brûlé le bois au chalumeau pour le noircir et donner de la texture.  À certains endroits, le bois s’est fendu.  Plutôt que de camoufler les réparations, je les ai fait ressortir comme des cicatrices marquées de points de suture permanents.  Pour moi, ça évoque les blessures qu’on a fait subir à ces animaux», décrit l’artiste.  

Dans cette mission qu’il s’est donnée de faire mieux connaître ce majestueux mammifère marin, Claude Bourque a écrit un conte scientifico-poétique qu’il déclame en s’accompagnant d’un instrument inventé qui reproduit des sons semblables aux chants des baleines.  

«C’était la toute première fois que je le présentais», dit-il, parlant de la performance du vendredi 4 août en fin de soirée, pendant le Festival Route 11.  «J’étais content de recevoir les commentaires.  Mon but est de créer une performance artistique, éducative et divertissante et de la présenter dans d’autres festivals.  À titre d’exemple, j’aimerais bien le présenter à Charlottetown, dans le Festival Art à Ciel Ouvert, l’an prochain.  On m’a beaucoup parlé de ce festival et j’aimerais en faire partie», dit le sculpteur qui, par ailleurs, aimerait voir plus d’échanges entre les habitants de son archipel et les Prince-Édouardiens.  

Pourquoi appelle-t-on les cachalots Sperm Whale en anglais?

Claude Bourque se désole de ce que l’homme a fait subir à toutes les baleines, incluant le cachalot, une créature qui a entre autres été immortalisée par Herman Melville dans son roman Moby-Dick, paru en 1851. 

Une des raisons pour lesquelles le cachalot était pourchassé était le contenu de sa boîte crânienne : une substance appelée spermaceti sécrétée par l’organe à spermacéti. À l’heure actuelle, on n’a que des théories quant au rôle de l’organe et de la substance qu’il sécrète pour l’animal.  

Par contre, l’exploitation de la spermacéti était le principal objectif de la chasse à la baleine à spermacéti (ou cachalot).  Ce spermaceti, une substance huileuse et sans odeur, était utilisé dans les lampes et éclairages à huile (tout comme l’huile de baleine issue de la graisse de l’animal avec laquelle il est parfois confondu), pour les cosmétiques, le tannage du cuir et comme lubrifiant, et pour les bougies, savons, etc.   

Et donc, en anglais, on appelle le cachalot Sperm Whale, un diminutif de Spermaceti Whale.  En français, cachalot est de loin préférable à «baleine à spermacéti», qui serait probablement aussi juste.  

La chasse au cachalot est formellement interdite depuis 1982.  Cela ne veut pas dire que le cachalot et autres baleines sont à l’abri de toutes menaces.  «En 2008, un cachalot s’est échoué aux Îles-de-la-Madeleine. Avec les scientifiques, j’ai participé à la nécropsie, pour déterminer la cause de la mort.  Au fil des années, j’ai établi une relation avec les scientifiques.  Quand il y a des échouements, il arrive que je me rende sur place pour prélever des échantillons et les leur envoyer.  Ça me fait toujours de la peine, mais en même temps, vu que je me spécialise dans la sculpture d’os de baleine, ça me donne de la matière première», dit le sculpteur.  

En septembre prochain, il sera dans l’archipel français de Saint-Pierre-et-Miquelon pour présenter son «Dortoir des Cachalots» dans le cadre d’une rencontre scientifique. 

claudebourque2Claude Bourque lors de la performance du dimanche 6 août, devant un petit public très attentif.  (Photo : J.L.)

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claudebourque4À la faveur de l’éclairage nocturne.  (Photo : J.L.)

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