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Par Marine Ernoult / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
«Il s’agit en grande partie d’un manque de compréhension du handicap. Les employeurs ont peur, ils pensent qu’il y aura beaucoup trop de défis à relever», regrette Jeffrey Normore.  (Photo : Gracieuseté)

Décrocher un poste relève du parcours du combattant pour de nombreux insulaires en situation de handicap. Pour remédier à ce problème, le Conseil canadien de la réadaptation et du travail vient de lancer un site internet qui répertorie spécialement les emplois disponibles pour ces personnes.

«C’est un excellent outil, qui va aider nos membres à trouver un emploi, ça donne de l’espoir», salue le coordinateur de programmes de l’Institut national canadien pour les aveugles à l’Île-du-Prince-Édouard, Rick Beck.

Le lundi 13 janvier, le Conseil canadien de la réadaptation et du travail (CCRT) a lancé Un tapped Talent, un site d’emploi en ligne spécialement conçu pour les personnes handicapées. Il s’agit d’une première au pays. 

Jusqu’à présent, 2 122 individus avec une déficience, dont 70 à l’Île-du-Prince-Édouard, ont enregistré leur profil sur la plateforme et 90 employeurs, dont un dans la province, s’y sont inscrits.

«Nous voulons mettre en relation les travailleurs avec des patrons qui sont inclusifs et ont bonne réputation pour éviter à tout prix les expériences négatives», insiste le responsable des opérations numériques du CCRT, Jeffrey Normore.

Discriminations encore trop fréquentes 

Les individus en situation de handicap souffrent d’un taux de chômage supérieur au reste de la population. Dans la province, alors que 82 % des habitants travaillent, c’est le cas de seulement 65 % des Insulaires handicapés. 

Selon les dernières données de Statistique Canada, près de 32 % des Insulaires ont déclaré avoir au moins un handicap en 2022. Ce nombre est en hausse de 5,8 % par rapport à 2017.

D’après le CCRT, au niveau national, plus de 740 000 Canadiens et Canadiennes avec une déficience sont prêts à décrocher un poste. Mais, pour eux, la route vers l’emploi est semée d’obstacles, voire totalement obstruée. 

Jeffrey Normore incrimine en premier lieu le manque d’aménagement et d’inclusivité des lieux de travail : «Au Canada atlantique, nous avons encore beaucoup de bâtiments anciens qui n’ont pas été rendus accessibles.»

«Même les transports en commun à l’île, quand ils existent, sont inadaptés et en retard en matière d’accessibilité, poursuit Rick Beck. Sortir de chez soi peut-être une expédition.»

Surtout, pour Jeffrey Normore, les personnes souffrant d’un handicap sont encore trop souvent victimes de discriminations.

«Il s’agit en grande partie d’un manque de compréhension du handicap. Les employeurs ont peur, ils pensent qu’il y aura beaucoup trop de défis à relever, regrette-t-il. Plus nous aurons la conversation au sein de la société, moins les employeurs seront sur leur garde.»

Lutter contre le manque de confiance en soi 

Jeffrey Normore rappelle à cet égard que 80% des personnes en situation de handicap ne se signalent ni par un fauteuil roulant ni par une canne blanche. Atteintes par une pathologie invisible, elles souffrent de maladies chroniques, de troubles psychiques ou cognitifs, de déficiences sensorielles.

«Dans ces cas-là, elles ont surtout besoin de se sentir soutenues et accompagnées dans leurs fonctions», relève-t-il. 

Aux yeux de Rick Beck, ce n’est pas seulement l’attitude des entreprises qui doit changer, mais aussi celles des individus en situation de handicap. 

«On est rendu à un moment où si quelqu’un veut travailler, il peut. L’aménagement de l’environnement de travail est plus facilement possible qu’avant et moins cher», estime-t-il. 

«Le plus difficile, c’est que les personnes handicapées prennent assez confiance en elles pour chercher un job», ajoute-t-il.

En attendant, le CCRT lancera prochainement sur sa nouvelle plateforme un programme de formation à destination des employeurs afin qu’ils s’assurent de rendre leurs lieux de travail accessibles à tous. 

 

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