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Par Marine Ernoult  IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Ye Jia est professeur d’économie à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.  (Photo : linkedin)

Depuis mars 2021, l’Île-du-Prince-Édouard connaît le taux d’inflation le plus élevé au pays.  Produits alimentaires, essence, mazout, loyers, les prix n’ont cessé d’augmenter.  Que réserve l’année 2023?  Malgré un léger ralentissement anticipé au printemps, l’inflation demeurera élevée et les prix ne retrouveront pas leur niveau d’avant la pandémie.

L’année 2022 restera celle du grand retour de l’inflation qui avait quasiment disparu depuis 25 ans.  La hausse des prix déclenchée par l’ampleur de la reprise post-COVID-19, à la mi-2021, est devenue un phénomène néfaste et durable. 

En novembre 2022, l’inflation atteignait 9,7 % à l’Île-du-Prince-Édouard alors que dans l’ensemble du pays elle se limitait à 6,8 %, amorçant même une timide baisse par rapport au mois précédent.

Pour les Prince-Édouardiens, cette flambée des prix est d’autant plus pénalisante qu’elle affecte en premier lieu les produits dont il est difficile de se priver : les denrées alimentaires bien sûr, mais aussi l’essence et le mazout pour chauffer les maisons.

Cette pression inflationniste ne devrait pas se calmer durant les premiers mois de 2023.  «Il faut être patient, un lent ralentissement pourrait débuter à partir du printemps», considère Ye Jia, professeur d’économie à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard. 

Mais l’économiste prévient, si les prix augmentent moins vite, «ça ne signifie pas qu’ils vont baisser et retrouver leur niveau d’avant la pandémie».  Il table sur un taux d’inflation, «toujours élevé», compris entre 4 et 6 %.

Arme des taux d’intérêt 

Même si les coûts de l’énergie et des transports ont commencé à diminuer, les chaînes d’approvisionnement demeurent fragiles.  «Les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’augmentation des tarifs du pétrole et de plusieurs matières premières se font toujours sentir.  On doit encore laisser passer quelques mois pour que la tendance s’inverse», ajoute Ye Jia. 

La hausse du coût des aliments devrait elle aussi se poursuivre en 2023 partout au pays, avec un renchérissement de 5 à 7 %, selon le dernier Rapport annuel sur les prix alimentaires publié par l’Université Dalhousie, l’Université de Guelph, l’Université de la Colombie-Britannique et celle de la Saskatchewan.

Ce sont les prix des légumes qui devraient augmenter le plus avec une hausse de 6 % à 8 %.  Le coût des pâtisseries, des produits laitiers et de la viande pourrait progresser de 5 à 7 %, tandis que les prix des fruits grimperaient de 3 à 5 %.

«La hausse devrait être néanmoins moins importante que l’an dernier.  Durant la deuxième partie de 2023, le taux d’inflation général devrait dépasser celui de l’alimentaire», affirme Sylvain Charlebois, professeur en distribution et politique agroalimentaire à l’Université Dalhousie, qui a participé au Rapport. 

Le relèvement des taux d’intérêt décidé par la Banque du Canada devrait par ailleurs produire ses effets au cours de l’année.  «C’est une politique qui n’a pas d’impact immédiat, il faut attendre plusieurs trimestres pour que l’inflation ralentisse», confirme Ye Jia.

Incertitudes  

En attendant, l’Agence du revenu du Canada a commencé à distribuer 58 millions de dollars aux résidents de l’Île-du-Prince-Édouard pour atténuer les conséquences de l’inflation.  Plus de 117 000 Insulaires vont recevoir un versement unique et libre d’impôts pouvant atteindre 500 $ ou 1000 $ dans le cas d’un couple ou d’une famille monoparentale. 

Ye Jia et Sylvain Charlebois pointent néanmoins les limites, voire les effets contre-productifs, d’une telle mesure.  «En donnant plus d’argent à tout le monde, cela peut accroitre la demande pour les biens et les services et par conséquent les prix», analyse Ye Jia.  «Une aide publique plus ciblée, destinée uniquement aux ménages à faible revenu, aurait été peut-être plus efficace», poursuit Sylvain Charlebois. 

Alors que personne ou presque n’avait vu venir la crise inflationniste actuelle, 2023 reste plus que jamais empreinte d’inconnues.  Les renchérissements de l’énergie liés à la transition climatique, le vieillissement de la population…  Tout cela accroît aussi la volatilité des prix.   

Sylvain CharleboisSylvain Charlebois est professeur en distribution et politique agroalimentaire à l’Université Dalhousie.  (Photo : Gracieuseté)

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