L’Île-du-Prince-Édouard est la province du Canada qui connaît la croissance démographique la plus rapide, toute proportion gardée. C’est une posture enviable à bien des points de vue, mais cela vient avec des défis inhérents entre autres à l’espace limité dont nous disposons, en tant qu’insulaires.
En 2023, l’Île-du-Prince-Édouard a accueilli 7 000 personnes par les différents canaux d’immigration. «C’est l’équivalent de la ville de Cornwall. On ne peut pas continuer à ce rythme. Nous sommes la province la plus densément peuplée au Canada, nous dépendons de l’agriculture et notre territoire est limité. Nous avons besoin de trouver un équilibre. C’est pourquoi, à partir de maintenant, la province réduit de 25 % son quota de nominations provinciales», a lancé le Premier ministre Dennis King en conférence de presse le jeudi 22 février à Charlottetown.
Cette mesure vise à alléger les pressions exercées sur les services publics et les infrastructures. Selon les chiffres de 2023, qui étaient de 2 100 dossiers, cela réduirait le nombre de dossiers à 1 600. Cela semble être minime comme impact, mais la province dit agir sur les deux seuls programmes où elle peut agir (le programme de nomination provincial (PNP) et le programme provincial d’entrée express (PEIEE).
Les 75 % de candidatures restant seront redistribués pour s’aligner sur neuf secteurs provinciaux, en mettant fortement l’accent sur les candidatures de travailleurs et travailleuses qualifiés dans les soins de santé, les métiers de la construction, la garde d’enfants et d’autres industries clés confrontées à des pénuries de main-d’œuvre.
Kal Whitnell, directeur du bureau de la population et Jeff Young, directeur du bureau de l’immigration. (Photo : J.L.)
Un cadre vide?
De manière à coordonner les efforts de tous les ministères et agences dans l’atteinte de l’équilibre recherché, le gouvernement provincial a lancé un «Cadre démographique de l’Î.-P.-É». L’utilité dudocument n’apparaît pas immédiatement, car il offre très peu de mesures concrètes ni, surtout, de pistes de solution alors qu’on est dans l’urgence.
Le gouvernement insiste : ce cadre formalise l’engagement du gouvernement à améliorer la collaboration entre les ministères provinciaux, les autres niveaux de gouvernement et les partenaires communautaires et industriels. «En rassemblant des données et des perspectives provenant de différentes sources, des projections et des scénarios complets seront générés pour mieux identifier les points de pression des services publics et des infrastructures, comme le logement, les soins de santé et l’éducation, qui nécessiteront davantage de développement et d’investissements», a expliqué Jenn Redmond, ministre de la Main-d’œuvre, des Études supérieures et de la Population lors de la conférence de presse. Le cadre identifie cinq priorités clés axées sur la croissance durable, tout en veillant à ce que les infrastructures et les services continuent de répondre aux besoins des Insulaires. Ces priorités sont les suivantes :
- Accroître les infrastructures essentielles ainsi que les services publics;
- Augmenter la main-d’œuvre insulaire et la garder ici;
- Soutenir la planification de l’utilisation des terres et la durabilité environnementale;
- Améliorer le sentiment d’appartenance à la communauté;
- Planifier pour le long terme et rendre des comptes.
Objectifs démographiques dépassés
Dans le passé, il était prédit que la population de l’Île serait de 160 000 en 2022. En 2023, la population a atteint environ 172 000 personnes et les projections actuelles sont qu’elle devrait atteindre 200 000 personnes d’ici 2030.
«Bien franchement, même en étant capables d’absorber tous les nouveaux venus au fur et à mesure, nous ne savons pas quelle serait la capacité maximale d’habitants de l’Île. Les chiffres purs et durs sont difficiles à obtenir», avoue le Premier ministre.
À l’heure actuelle, il n’y a pas assez de «remplaçants» (rangée du bas) pour les gens qui sont en âge de prendre leur retraite (rangée du haut).
Démographie francophone et ratio
Alors que la province cherche à atteindre un équilibre en réduisant le nombre de nouveaux venus et à augmenter la disponibilité des logements, la communauté francophone, pour sa part, cherche à augmenter son poids démographique.
«Nous sommes très au courant de la stratégie d’immigration francophone. Nous partageons plusieurs préoccupations, sur le logement, et d’autres sont aussi similaires. Nous appuyons la communauté francophone en finançant la Coopérative d’intégration francophone et en coordonnant nos efforts de recrutement, en combinant nos besoins de travailleurs qualifiés et les besoins de la communauté francophone d’augmenter ses nombres», ont expliqué les représentants du gouvernement, Kal Whitnell, directeur de la population et Jeff Young – directeur du bureau de l’immigration.
Ce sont aussi eux qui ont expliqué à quel point c’est difficile de choisir qui entre à l’Île, surtout en regard du ratio entre les départs à la retraite et les «remplaçants», qui est de 10 à 8 à l’heure actuelle. «Les gens des autres provinces peuvent venir à l’Île, peu importe leur âge. Ils sont libres. Pour ce qui est des canaux de l’immigration, la tendance est à un rajeunissement des nouveaux venus. Ça nous dit que le ratio pourra s’améliorer», ont noté les deux directeurs.
«Qu’il s’agisse de construire davantage de logements ou de disposer d’un personnel suffisant dans nos systèmes de garde d’enfants, d’éducation ou de soins de santé, nous savons que nous avons besoin de travailleurs et travailleuses hautement qualifiés et compétents pour assurer la croissance durable de ces systèmes, a indiqué le Premier ministre Dennis King.
«Nous devons développer une main-d’œuvre saine et durable en formant les gens qui vivent ici, en attirant des personnes hautement qualifiées pour combler nos pénuries de main-d’œuvre et en les gardant ici afin que nous puissions offrir les programmes et les services dont les Prince-Édouardiens ont besoin», a renchéri Jenn Redmond, ministre de la Main-d’œuvre, des Études supérieures et de la Population.