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Par Marine Ernoult - IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Sur la côte nord de l'Île-du-Prince-Édouard, l'eau reste libre de glace. Seulement 1 km3 de glace étend son emprise sur le Golfe du Saint-Laurent, contre 9 km3 en temps normal à cette époque de l’année. (Photo : Marine Ernoult)

Pour un cinquième hiver consécutif, le Golfe du Saint-Laurent est pratiquement libre de glace, si ce n’est le long des côtes dans les eaux peu profondes. Les températures anormalement élevées de l’air expliquent ce retard dans la formation de la couverture gelée. Un retard désormais impossible à rattraper selon les scientifiques. 

Depuis cinq ans, les hivers sans glace ou presque se suivent et se ressemblent à l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.). Selon les dernières données disponibles (en date du 17 janvier), seulement 1km3 de glace étend son emprise sur le Golfe du Saint-Laurent, contre 9km3 en temps normal à cette époque de l’année.

Il s’agit principalement de glace côtière, présente dans l’estuaire du Saint-Laurent et le long des côtes du Nouveau-Brunswick, notamment dans le détroit de Northumberland. 

Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique pour Pêches et Océans Canada, explique que «la glace se forme uniquement dans les eaux peu profondes, les seules à se refroidir au-dessous du point de congélation.»

«Dans cent ans, l’absence de glace deviendra la norme, mais nous sentons déjà les répercussions de ces changements, les hivers avec saison de glace raccourcissent de plus en plus», poursuit l’océanographe. 

Peter Galbraith : Peter Galbraith est chercheur en océanographie physique pour Pêches et Océans Canada.  (Photo : Gracieuseté)

Plus d’air chaud et de vents du sud 

Des températures de l’air, anormalement élevées en décembre, expliquent ce très faible couvert gelé. À l’Î.-P.-É., le dernier mois de l’année 2023 a balayé les normales de saison. 

Les 86 stations météo, installées aux quatre coins de la province, ont enregistré des températures mensuelles moyennes supérieures de 2 °C aux normales climatiques (moyenne de 1981-2010). C’est ce que révèle le dernier rapport du Centre de recherche sur le changement climatique et l’adaptation de l'Université de l'Î.-P.-É.

«En janvier, nous sommes actuellement à environ trois degrés au-dessus des normales dans la région de Charlottetown», révèle Don Jardine, chercheur au sein du Centre de recherche. 

Aux effets du réchauffement climatique, s’ajoute cette année l’impact du phénomène El Niño. «Il modifie les patrons des courants atmosphériques et nous apporte de l’air plus chaud», confirme Peter Galbraith. 

La première tempête hivernale du 10 janvier dernier n’a pas changé la donne. Au contraire, «elle a injecté de la chaleur dans l’eau et détruit le peu de couvert de glace qui avait pris», observe Peter Galbraith.

Nouvelle normalité 

«En ce moment, il semble qu’il y ait beaucoup de vents chauds provenant du sud, ça rend le temps plus doux et ça favorise la pluie», abonde dans le même sens Don Jardine.

D’après les spécialistes interrogés, les prévisions météorologiques à long terme n’indiquent pas l’arrivée d’un vortex polaire. Cet air glacial, en provenance de la zone arctique, aurait permis à la glace de se former rapidement. 

«On va juste se rapprocher des moyennes de saison dans les deux prochaines semaines», rapporte Don Jardine.

Résultat, selon Peter Galbraith, le retard que connaît la formation du couvert de glace est impossible à rattraper. 

«On aura éventuellement une légère couverture gelée qui va prendre, mais ça restera bien en deçà de la normale, avance-t-il. Il faut avoir quatre mois d’hiver vraiment froids pour avoir une couverture de glace complète.»

Le scientifique espère un rebond dans les prochaines années, mais il prévient : «La tendance lourde est au réchauffement, il va falloir s’habituer à ses nouveaux paysages.» 

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Don Jardine : Don Jardine est chercheur au sein du Centre de recherche sur les changements climatiques de l'Université de l’Î.-P.-É.   (Photo : Gracieuseté)

La neige perd du terrain

Sur terre, la neige se fait également rare à l’Î.-P.-É. En décembre, les chutes de neige ont été inférieures à la moyenne dans l’ensemble de la province. Pour la cinquième année consécutive, les insulaires ont connu un Noël vert.

Dans la région de Charlottetown, il est tombé 47,5 centimètres de neige, bien en deçà des 65,6 centimètres qui tombent habituellement. 

«Et nous n’avons pas beaucoup de neige depuis début janvier non plus, il n’y a pas encore eu de grosses tempêtes hivernales», complète Don Jardine, chercheur au sein du Centre de recherche sur les changements climatiques de l'Université de l’Î.-P.-É.

Le scientifique s’inquiète de l’impact de ce manque de neige : «Les terres sont à nu, exposées davantage aux vents violents, ça pourrait provoquer plus d’érosion.»

Les données proviennent du rapport du Centre de recherche sur les changements climatiques de l'Université de l’Î.-P.-É. du mois de décembre. 

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