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Par Marine Ernoult IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne
Olivier Riffon est professeur en éco-conseil à l’Université du Québec à Chicoutimi. (Photo : Gracieuseté)

Depuis un an et demi, la COVID-19 monopolise l’attention du monde entier, reléguant au second plan les problématiques environnementales.  Pourtant, en pleine crise écologique, il n’a jamais été aussi urgent de penser le monde d’après. 

Qui se souvient qu’en 2019 une mobilisation sans précédent pour le climat s’emparait du pays? Qui se sou-vient qu’en 2020, à cause de la COVID-19, on a annulé un sommet de l’ONU qui devait permettre de fixer des objectifs internationaux de conservation de la biodiversité? 

Avec la pandémie mondiale, les enjeux environnementaux ont eu tendance à disparaître du débat public et des radars médiatiques.  «Le choc a été tellement grand que l’attention a été exclusivement accaparée par la COVID-19, ce n’est plus possible de parler d’environnement», confirme Bruno Massé, géographe et auteur du livre : La lutte pour le territoire québécois.  Entre extractivisme et écocitoyenneté. 

Pour le chercheur, le changement climatique a particulièrement souffert du désintérêt des médias et de la classe politique.  «La COVID-19 a brisé l’élan, alors que la question s’imposait dans les agendas, elle n’a pas réussi à renir à l’ordre du jour, elle est reléguée en bas de page», regrette-t-il.  De son côté, Olivier Riffon, professeur en éco-conseil à l’Université du Québec à Chicoutimi, estime que la gestion des déchets,l’eau et la biodiversité sont les grands oubliés depuis le début de la crise sanitaire.

Problèmes émergents 

On parle moins d’environnement et, sur le terrain, aucune avancée majeure n’est à saluer.  Aux yeux d’Olivier Riffon, les «beaux discours» du gouvernement canadien sur le sujet ne sont suivis d’aucun plan d’actions ou financement concret.  «On nous parle de relance verte, de revoir à la hausse nos engagements climatiques, mais ce sont des effets d’annonce, c’est un problème, car ça donne l’impression aux Canadiens que tout va bien», partage-t-il. 

«Il ne faut pas tomber dans le piège des gains symboliques, car, avec cette approche, on constate des reculs en fin de compte», ajoute Bruno Massé.  Surtout que pendant les premiers mois de la pandémie, les associations écologistes ont dû suspendre leurs activités.  «Les groupes en ont profité pour réfléchir à leur stratégie, mieux structurer leurs actions, mais la sensibilisation tourne toujours au ralenti», détaille Olivier Riffon. 

La pandémie amorce-t-elle un recul durable sur les questions environnementales? Olivier Riffon l’assure, de nouveaux problèmes émergent.  Il cite en exemple l’augmentation de la production de déchets avec le retour en force du jetable.  «Ça prendra un bout de temps avant que l’on abandonne nos réflexes sanitaires et que l’on refasse confiance au réutilisable», prévient-il.  «On n’a pas intégré la protection de l’environnement dans nos choix de société, on ne s’est pas posé la question de savoir si les masques étaient compostables ou recyclables», poursuit Bruno Massé. 

Les états ont les moyens d’agir  

Les deux spécialistes restent optimistes.  Ils en sont convaincus, un mouvement de fond en faveur d’un monde plus durable et plus juste s’est enraciné dans la société civile.  «Malgré certaines résistances, les mentalités et les attitudes évoluent, les citoyens s’approprient un discours environnemental qui s’est démocratisé, et ça ne va pas s’arrêter avec la COVID-19», affirme Olivier Riffon. 

L’épidémie de COVID-19 a également eu des effets positifs selon les deux experts.  «On a vu que les États étaient capables de se coordonner pour faire face à une menace, qu’ils avaient les moyens de résoudre une crise», apprécie Olivier Riffon.  Un avis partagé par Bruno Massé qui souligne également l’importance du rôle de la science révélé par cette épidémie.  «Comprendre les défis des scientifiques et leur faire confiance, c’est essentiel pour les luttes environnementales», rappelle-t-il. 

S’investir à l’échelle locale 

Les deux chercheurs pensent déjà au monde d’après.  «La crise écologique est compliquée à résoudre, elle implique des changements confrontants et structurants, une nécessaire refonte de notre système économique et social», reconnaît Olivier Riffon.  Il propose en priorité de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et de limiter l’étalement urbain avec la création de plus d’aires protégées.  De son côté, Bruno Massé appelle de ses vœux un monde radicalement différent et prône un modèle de décroissance fondé sur l’entraide. 

«On nous parle d’investissements dans l’industrie verte, comme les voitures électriques, mais ça ne permet pas de réduire notre empreinte écologique au niveau de la planète, explique-t-il.  Il s’agit juste de délocaliser la pollution et d’exploiter les ressources dans des pays où les normes environnementales sont moindres».  Le géographe incite en premier lieu les citoyens à s’investir à l’échelle locale et veut remplacer le produit intérieur brut par l’Indicateur de progrès véritable.  Cet indice donne une valeur économique à la pollution, aux inégalités sociales, au travail informel des femmes entre autres et permet ainsi de mesurer l’évolution du bien-être réel d’un pays.  

Bruno Massé est géographe et auteur du livre : La lutte pour le territoire québécois.  Entre extractivisme et écocitoyenneté.  (Photo : Gracieuseté) 

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