Le lundi 31 mai, le Conseil municipal de Charlottetown a voté à l’unanimité en faveur du retrait de la statue de Sir John A. Macdonald, 1er Premier ministre du Canada. Dès 7 heures le lendemain, des employés de la ville procédaient à son retrait. En trente minutes, elle avait disparu de l’angle des rues Queen et Richmond, dans le centre-ville de la capitale provinciale. L’Assemblée des conseils d’Epekwitk, qui représente les intérêts des Premières Nations d’Abegweit et de Lennox Island, se félicite de cette décision attendue depuis longtemps.
Des blessures rouvertes
Ce vote est intervenu trois jours après la découverte des ossements de 215 enfants enfouis dans une fosse commune d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops (Colombie-Britannique), le plus grand qu’ait connu le pays. «Ça a été un choc horrible qui a tout changé, ça nous a décidés à enlever tout de suite la statue, nous voulions envoyer un signal fort», explique Philip Brown, le maire de Charlottetown. Et d’ajouter : «Notre histoire ne se limite pas à une pièce d’art, en enlevant la statue, on n’élimine pas l’histoire, on efface juste une manière de la présenter».
Quelques heures avant la décision du Conseil, les membres des Premières Nations de l’Île s’étaient réunis autour de la statue pour une veillée en l’honneur des 215 enfants. Dans un communiqué, l’Assemblée des conseils d’Epekwitk rappelle que la
tragédie de Kamloops «rouvre une blessure qui avait à peine eu le temps de commencer à guérir», et demande au Canada de se souvenir «que la douleur ressentie et la perte causée par les pensionnats existent encore et sont bien réelles». Il n’y avait pas de pensionnat à l’Î.-P.-É., mais une cinquantaine d’enfants autochtones de la province auraient été envoyés à celui de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse.
Ouvrir la «conversation»
Depuis environ un an, le bronze de Sir John A. Macdonald faisait l’objet de controverses en raison de l’implication de l’homme politique dans la mise en place du système des pensionnats autochtones. Il a été éclaboussé de peinture à plusieurs reprises et renversé une fois. Le 10 mai, les élus de Charlottetown avaient accepté de procéder à des modifications, suivant les recommandations des membres des Premières Nations. Il s’agissait notamment d’ajouter une seconde statue d’un enfant ou d’un aîné autochtone à côté de celle de John A. Macdonald.
Aujourd’hui, Philip Brown veut, plus que jamais, ouvrir la «conversation» avec les Premières Nations de l’Î.-P.-É. «J’aimerais les inviter à l’hôtel de ville pour discuter du sort de la statue», annonce l’édile. «À l’avenir, il faudra donner la pleine histoire de John A. Macdonald, parler des bonnes choses, des mauvaises et des très laides», poursuit-il. Face à l’onde de choc provoquée par la découverte des dépouilles des 215 petites victimes, les drapeaux des bâtiments provinciaux et des écoles étaient en berne jusqu’au coucher de soleil du 8 juin, tous comme ceux des édifices du gouvernement fédéral.
Philip Brown, maire de Charlottetown, veut ouvrir le dialogue avec les Premières Nations de l’Île. (Photo : Gracieuseté)